Italie
« Si tu n’arrives pas à penser marche. Si tu penses trop, marche. SI tu penses mal, marche encore ».
Jean Giono
Les voyages et les pèlerinages en Italie furent nombreux, riches et variés, en voiture en moto, en bateau en avion. Un des premier, et donc l’un des plus marquant a été Padoue, Padova disent les Italiens.
Saint Antoine de Padoue, avec Saint François dont il est contemporain, est l’un des saints le plus connu, le plus apprécié et le plus prié au monde, pour ses nombreux miracles évidement, mais aussi par sa vie surprenante.
Saint Antoine est né à Lisbonne en 1195, fils de riche commerçant, il abandonne tout, cède tous ses biens, pour marcher dans les pas du Christ. Il a été surtout un grand prédicateur et un théologien de renom mais sans doute le saint le plus vénéré et le plus prié au monde. Comme ses frères Franciscains il met l’accent sur la pauvreté et l’humilité. Il meurt en 1231 près de Padoue. La ville est toute conquise à Saint Antoine, la Basilique Santa Maria Assunta est construite sur les ruines de trois autres monuments religieux. Elle abrite le corps du Saint.
Les cathédrales, les églises et les monuments historiques sont très nombreux en Italie, tous rivalisent de richesses, de beauté et témoignent du foisonnement d’artistes de renom qui créèrent la fantastique période de la renaissance Italienne, tous rivalisent avec l’histoire millénaire qui a construit l’Italie, cependant à Padoue la richesse architecturale et le patrimoine dans son ensemble sont personnifiés et à l’effigie de Saint Antoine. Pas une rue, pas un magasin sans l’icône de la ville en présentoir, une réelle identification architecturale, humaine et même économique, et alors, pourquoi pas…
Cependant, il serait dommage de ne pas aller encore plus loin à Padova ; les moines du couvent Saint Antoine à Bastia me disaient : « si tu vas à Padoue, n’oublie pas de faire le détour par le « Sanctuario di San Léopoldo di Mandic ».
Je faisais donc le voyage cette fois avec Véronique et mon fils Evann de 7 ans. Le sanctuaire n’était pas loin de la basilique Santa Maria Assunta, nous cheminions à pied, et au bout d’une petite ruelle, nous voilà face à un paisible monastère avec église et sanctuaire dédié à un Saint du XXème siècle, abritant son tombeau son confessionnal, sa chambre et son lieu de vie quotidien. Léopoldo di Mandic, de son nom de frère, était un prêtre catholique des frères mineurs capucins, né le 12 mai 1866 dans la région du Monténégro, il est décédé le 30 Juillet 1942.
Le lieu dans son ensemble contraste avec les fastes des églises, cathédrales et les lieux communs. Ici tout est simplicité et paix. Très peu de touristes, quelques pratiquants locaux viennent se recueillir tout simplement et en toute discrétion. Autre contraste, en déambulant paisiblement dans le sanctuaire, on ressent la présence du Saint, comme s’il devait apparaître au détour d’une pièce.
Les objets de sa vie, exposés, semblaient avoir été utilisés depuis peu. L’expérience est très surprenante.
Au détour d’un couloir, nous voyons un confessionnal, la cabine était en bois, un prêtre assis dans la double cabine attendait les fidèles, après quelques échanges avec véronique, nous voyons Evann qui, sans nous demander notre avis s’engouffrait dans la cabine « confessant « et refermait la porte…Il ressortait au bout de longue minutes comme si rien n’était et à ma question vous avez parlé de quoi ? Il répondait : « on a prié ! … « .
A mon tour je me rendais dans la cabine de confession, le prêtre me disait qu’il ne parlait pas Français… Expérience étonnante ou quand la barrière de la langue n’existe pas, car Evann ne comprenait pas un mot d’italien…
La ville d’Assise dans la région d’Ombrie était aussi le pèlerinage de référence que m’imposait mon appartenance au couvent Saint Antoine de Bastia, qui abrite les frères Franciscains. Nous y avions fait une halte avec Jean Louis lors de notre voyage en Grèce.
Saint François est né et mort à Assise. Né Giovanni di Bernardone, plus connu sous le nom de François d’Assise est un des plus grands saints de l’église Catholique Romaine. Saint aux nombreux miracles, il est aussi connu comme le saint des animaux, Il parlait aux oiseaux et comprenait le langage des animaux et les animaux le comprenait également. Saint François est le contemporain de Saint Antoine.
La basilique Saint-François, classée au patrimoine mondial de l’Unesco, est l’un des sites religieux les plus vénérés d’Italie. La richesse du patrimoine est exceptionnelle. La basilique Saint François a été édifié en 1226, elle garde les restes mortuaires du saint séraphique. La basilique fait partie d’un large complexe de divers espaces, inférieurs, supérieurs etc… Une année ne suffirait pas pour en appréhender la totalité, l’étendue et la richesse de ces monuments.
Le tombeau était situé au sous-sol de la grande nef en forme de croix de Saint Antoine (le Tau en forme de T). Les fresques de la vie de Saint François réalisées par Giotto di Bondone sont nombreuses. Le tombeau est magnifique de pureté et de simplicité, un mélange de pierre brute et de métal (qui nous a inspiré pour la construction de la chapelle de la Sainte famille au couvent de Saint Antoine).
Puis un passage plus rapide et obligé vers la basilique Sainte Claire, dans laquelle est conservé le corps de la Sainte qui formait avec Saint François l’ordre des Clarisses. Saint François créa il y a bientôt 1000 ans, trois ordres toujours vivants et actifs : l’Ordre des Franciscains, les Clarisses et le tiers ordre Franciscain. Le tiers ordre est un ordre Laïque qui fut créé pour les personnes mariées voulant vivre l’exemple des frères Franciscains. Le couvent de Saint Antoine est d’ailleurs le siège régional du tiers ordre.
Les Italiens sont nos frères, l’Italie est notre pays originel (en tout cas pour moi), mes grands-parents maternel et paternel étaient d’origine Italienne : la Toscane, Florence et Pise du côté de ma grand-mère, et Sarde, Cagliari, San Vito du côté de mon grand-père.
J’ai eu l’occasion de faire de nombreux voyages en Italie (touristiques, culturels, familiaux, sportifs, etc… j’avais cinq ans quand je me rendais en Italie pour la première fois…
Je connais l’Italie mieux que la France, depuis une dizaine d’années, je m’y rends très souvent pour des voyages spirituels réguliers.
Au-delà des grandes villes et des régions très connues et réputées, je préfère à présent les endroits plus simples à découvrir en toute simplicité et surtout à faible fréquentation touristique, j’y trouve autre chose, et j’échange de façon différente avec les religieux. Je peux y vivre et rechercher une foi plus authentique, et plus intime. Les couvents sont nombreux, les conditions d’accueil sont de qualité, on peut y dormir et bien sûr bien manger.
J’ai parcouru comme cela la Sardaigne, la Sicile, l’île d’Elbe, le Nord avec la Toscane bien sûr (Florence, Pisa, Livourne, Genès …), le Piémont, puis le triangle Industriel formé par les trois principales villes, Milan, Turin et Gènes, et enfin le Sud avec Naples l’inoubliable où il ne se trouve pas une rue, une ruelle ou l’effigie du Christ et de la Vierge ne soit représenté. Je me suis rendu également à la rurale Calabre, et les Pouilles qui essayent de rattraper leur retard avec le Nord.
En moto, en voiture maintes fois, et souvent pour des raisons différentes et sans pour autant être lassé de parcourir cette « botte « Italienne aux régions si différentes et quelquefois surprenantes.
J’avais lu dans ma période scolaire, le livre de Carlo Levi Christo si è fermato a Eboli «, (Le Christ s’est arrêté à Eboli).
Eboli est une ville au Sud de Rome qui fait office de frontière entre le Nord et le Sud de l’Italie, soit la frontière avec un Nord riche et un Sud plus pauvre et pastoral.
La traversée de l’Italie du Nord au Sud en passant par cette ville, me replongeait dans cet ouvrage magnifique ou Carlo Levi, déclinait en tous points la frontière économique, culturelle, historique et même spirituelle que les Italiens avaient créés, volontairement ou pas, avec l’aide du Christ ou pas entre le Nord et le Sud. La ville d’Eboli est même divisée en deux cités, une riche en tous points et l’autre beaucoup plus pauvre…
Quoiqu’il en soit et ceci mis à part, car cette spécificité m’a interpellé, vous ne serez jamais déçus d’un voyage en Italie, toujours bien accueillis, toujours ravis, toujours nourris de spiritualité, mais pas que… Les agri-tourismo Italien valent le détour, vous serez bien reçus, vous y découvrirez un gite et un couvert de qualité, des produits locaux beaucoup moins chers qu’en France et en Corse bien sûr.
Le moment du retour dans mon île, m’était parfois difficile, car au-delà des considérations factuelles qui laissent apparaître que nous sommes aussi lointains au niveau spirituel, économique, humain, que proches au niveau géographique, je suis tout simplement nostalgique d’une filiation, qui voilà une centaine d’années s’est arrachée à deux terres, deux régions, pour des raisons aussi diverses qu’importantes.
Pour cela une simple pensée, sans rentrer dans un débat politique sur les mouvements de population, d’immigration écologique, politique, économique qui ravivent et attisent les colères et les peurs des hommes, comme toujours. En Corse il y a une cinquantaine d’années on disait « Luchesi Fora « ! (Italiens dehors) l’immigration venait surtout de la ville de Luca en Toscane, d’où le terme de Luchesi …. Puis on a dit quelques dizaines d’années plus tard « Français dehors » !
A quand va-t-on dire à soi-même ?
- Dégage de moi-même, force obscure hors de moi partie « endiablée » …et laisse ta place à la partie de moi en paix, à ma Divinité !
Moi qui voyage beaucoup, j’ai visité tant de régions, tant de pays, tant de cultures, j’ai échangé avec tant d’hommes, de femmes, et des enfants de toutes conditions, je suis persuadé que le renfermement sur soi, dans son pays, dans sa famille ou dans sa maison est une voie sans issue.
Parcourir le monde et voyager est un enrichissement indéniable, on apprend davantage sur des croyances ancestrales, d’entendre des histoires de vie fascinantes de la bouche des gens qui vivent réellement dans ces environnements différents.
Chaque destination de voyage est unique et ne demandera qu’à être explorée et faire une immense réserve de souvenirs potentiels, éprouver des sensations, des émotions, on est dans un monde réel où l’on peut établir des liens, et constater que chaque pays et chaque communauté est unique.
A présent à l’heure où les voyages et les déplacements sont plus abordables qu’auparavant, on note une forte tendance chez les jeunes à moins voyager, moins expérimenter l’autre. D’autres régions, d’autres culture, d’autres personnes etc…Quel dommage ! Pourquoi ? Peut-être aussi parce que les moyens technologiques nous permettent de tout voir sans nous déplacer ? de communiquer sans nous déplacer ? Et pourtant comme l’a dit Albert Einstein « La connaissance s’acquiert par l’expérience, tout le reste n’est que de l’information «.
La terre appartient et a toujours appartenu à tout le monde, l’homo sapiens parti d’Afrique il y a environ 300 000 ans, a migré sur la planète et continue toujours de migrer, au rythme des modifications climatiques, sociales, économiques etc… A la question posée à Platon : » mais ou habitez-vous ? » Il répondit : » mais la planète terre voyons… ».
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Vatican
« Et derrière moi se referma une porte qui connaissait tout ce que j’ignore »
Saint Jean Paul II
Il n’y a pas de hasard, il n’y a que des rendez-vous, vous connaissez mon mantra n’est-ce pas ? Depuis quelque temps je souhaitais me rendre au Vatican, pas seulement en la basilique Saint Pierre, que je connaissais, mais assister à une audience privée avec le pape, Je n’en rêvais ! cela était une sorte d’aboutissement, ou tout simplement un passage obligé. A la suite de mes différents entretiens la préfecture du Vatican me proposait une audience papale, avec messe selon la procédure des réunions semi-privées sur la place St Pierre.
Oui, cela n’était pas mal, mais j’espérais quelque chose de plus puissant, je retardais donc le rendez-vous de cette audience.
Quelques semaines plus tard, je demandais une audience à l’évêque de Corse, Monseigneur Olivier de Germay à Ajaccio, afin de présenter mon engagement et faire un point global sur la suite à donner à mon assurance au sein de la famille chrétienne. Cette rencontre s’avérait fort sympathique et enrichissante. L’évêque me disait entre autres que ma place n’était pas d’être « enfermé « dans une paroisse ou dans un couvent, ou à suivre une formation de plusieurs années dans le Diaconat, mais que mon action était sûrement plus efficace en voyageant, à rencontrer, à évangéliser à l’extérieur. J’étais intimement convaincu de cela, et cette « bénédiction » validait mes choix. Il me disait :
– Vous êtes impliqué dans le mouvement les EDC (Entrepreneurs et dirigeant Chrétiens) ?
– Je lui répondais par l’affirmative en lui précisant que j’étais le Président de ce mouvement pour la Haute Corse.
Il m’assurait qu’un voyage au Vatican était en cours d’organisation avec les dirigeants des E.D.C.
La machine était mise en route, entre mes pensées, mes souhaits et mon action… Je recevais quelques jours plus tard un mail d’invitation à ce voyage exceptionnel et privé au Vatican. Quand je vous dis qu’il n’y a pas de hasard… On invoque le hasard quand on ne comprend pas, quand on ne peut l’expliquer, on dit même que ce sont parfois les actions de Dieu… quand il ne veut pas les signer directement…
Tout se met en place selon une logique, une destinée, j’aime dire que beaucoup de « choses « sont pré-écrites, que les pensées, les mots sont déjà là et que l’on doit simplement les mettre en ordre, selon une chronologie relative à notre déplacement dans le temps. Enfin c’est ce que je pense et c’est ce qui se passe pour moi, pour vous je ne sais pas.
Alors après les démarches administratives, me voilà au Vatican durant trois jours avec une petite délégation d’entrepreneurs pour un programme spécial.
Je me rendais à des Conférences avec le Préfet du Vatican, le Gouverneur de la Banque du Vatican, aux ateliers opératifs avec des cardinaux etc…et j’assistais également à une messe privée dite à 6 heures du matin à Saint Pierre.
La Basilique Saint Pierre est impressionnante quand on la visite de façon classique, cependant la traverser totalement vide la nuit et être présent à une messe avec une trentaine de personne, bouleverse tous les repères cognitifs classiques.
Encore une fois impossible de retranscrire avec des mots une telle expérience, je vous laisse juste prendre le temps d’essayer d’imaginer ce moment, cette rencontre.
Enfin l’apogée de ces trois jours de travail approchait et la rencontre avec le Pape François était prévue à 11 h du matin dans les salons privés de sa Sainteté.
Après avoir passé des portes, franchi des escaliers, traversé des salles aux plafonds magnifiques, nous voilà installés dans un grand salon qui n’avait rien à envier à une salle de musée.
Confortablement assis face à un grand fauteuil vide de velours rouge, on attendait la venue du Pape bercés par de doux quantiques musicaux.
L’attente, ou du moins l’avant de quelque chose, est aussi puissante que la chose attendue. On imagine on se projette, on peut se féliciter du chemin parcouru pour en arriver là etc… Enfin c’est ce que je pense une nouvelle fois, car certains repassent le film dans l’autre sens et invoquent le non-sens, dans un pessimisme permanent. Encore une fois le destin individuel, le karma comme le dise les bouddhistes …
Sans annonce, une lourde porte à deux battants s’ouvrait et, entouré de deux cardinaux, le pape François habillé d’une soutane d’un blanc éclatant tel une aura venait vers moi ! Waouh ! l’apothéose de l’attente, le miracle de la vie, de ma vie. Je le sais que l’existence est parfois difficile et complexe mais que la vie est belle, mon émotion était ineffable.
Me voici devant le Pape François qui avec un large et permanent sourire prenait place sur le fauteuil de velours rouge. J’étais au premier rang son regard croisait le mien comme un signe d’amour. Rencontre du « troisième type «, le cinquième éléments…Que sais je…
Les Cardinaux lui remettaient un courrier qu’il nous lisait dans un excellent français, qui précisait la tâche et le rôle primordial de l’entrepreneur dans l’entreprise mais également dans la société.
L’entrepreneur faiseur de liens, doit élever son équipe, ses produits, ses clients. L’entrepreneur créateur écologique d’une richesse tournée vers le bien commun. Toutes ces paroles font sens et me touchent. L’évêque de Toulon Monseigneur Rey assurait la transition et remerciait le Saint Père et ses équipes.
Enfin était arrivé ce que j’attendais depuis si longtemps, le moment du contact, de la rencontre, ou je pouvais échanger personnellement avec le Pape François.
Quand mon tour était venu, je me dirigeais vers lui avec gratitude, je lui tendais ma main qu’il prenait dans la sienne, et lui remettait une carte de la Corse. Je lui faisais part de mon souhait de mettre en place une délégation pour un voyage Papal en Corse. Après une rapide conversation et des remerciements d’usage, je faisais deux pas en arrière en me retournant, quand j’entendis :
– Meloni ? Le pape m’interpellait !
– Oui, oui Saint père, balbutiai-je…
– Préga per mè … ! (Prie pour moi) !
– Je m’entendais répondre… Si Si Si Santita !
J’ai vécu un moment de grâce, un supplément d’âme, et ce moment si fort restera au fond de moi pour toujours.
A mon retour en Corse je prenais attache avec le député Michel Castellani afin de réfléchir à la mise en place d’un voyage papal en Corse. Il me disait que cette démarche était éminemment politique et que le ministère des Affaires Etrangères devait prendre le dossier en main, il précisait que le voyage d’un pape en Corse serait une démarche lourde de conséquence quant à la démarche « nationale « politique Corse. La période COVID, venait clôturer mon ambition…
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Pélerinage en France (continentale)
Les pèlerinages en France continentale ont été nombreux, divers et variés, parfois ils ont été intentionnels avec la recherche d’un lieu, souvent ils ont été fortuits, et ce sont parfois les plus surprenants et les plus intéressants.
Je rappelle ici et à nouveau que le plus grand temple de Dieu est la nature vaste, riche et vibrante mais également notre cœur, car c’est la partie la plus intérieure de nous-mêmes, alors quand nous nous progressons et nous nous élevons, nous faisons progresser Dieu également.
Alors je vous livre ci-dessous une liste non exhaustive de pèlerinages où je me suis retrouvé par hasard lors de vacances ou de voyages mais où j’ai su à chaque fois en tirer un intérêt, une leçon. La France est une terre chrétienne dont certaines régions ont été fortement colorées en fonctions des invasions, des guerres ou par des particularités locales des seigneuries qui les ont annexés et défendus.
La visite de l’église Notre Dame de l’Assomption de Moustiers Sainte Marie, dans les Gorges du Verdon, lors d’un voyage familial-nature, avec son remarquable clocher Roman dont il a fallu gravir les centaines de marches pour en atteindre le promontoire et apprécier le beau panorama qui s’offrait à nous. L’histoire de cette église nous ramène à nouveau au monastère de l’Abbaye de Lerins, car c’est au Vème siècle, que les moines y édifièrent un monastère. Ils en furent chassés par les sarrasins pour n’en revenaient qu’au XIème siècle.
Notre-Dame-des-Neiges à Valberg dans les Hautes Alpes, que je ne manquais jamais de visiter lors de petits séjours de sport d’hiver avec Evann, Véronique et Claudia. C’est avant la 2ème guerre mondiale, que l’Evêché local et la mairie décidèrent de construire au centre de ce village de montagne une église pour les villageois qui ne pouvaient pratiquer leur culte de manière régulière, compte tenu de leur éloignement.
Au cœur de la station, l’église de Valberg fut commencée en 1938 par la volonté d’un homme : L’abbé Dulieux instigateur et meneur du projet de bout en bout qui sera finalement enterré sous l’autel. L’église vénère Marie, les montagnards précurseurs des sports d’hiver, mais également le pastoralisme local important.
Sainte-Marie-Madeleine à Saint-Maximin-la-Sainte-Baume, 3ème tombeau de la chrétienté, après le tombeau de Jésus à Jérusalem et le tombeau de Saint Pierre à Rome.
La Basilique Sainte-Marie-Madeleine est de style gothique, dont la construction inachevée a duré plus de 200 ans au XIIème siècle. Elle abrite les reliques de la Sainte qui y fut enterrée, après avoir passé trente années dans la grotte étrange et mystique qui porte son nom.
Un voyage en Bretagne fut également la révélation de ce que peut être l’implantation religieuse dans une région. La Bretagne est une terre puissamment spirituelle, catholique et chrétienne par excellence. J’ai eu l’occasion avec Véronique et Evann de visiter ce patrimoine historique, religieux riche et très ancien.
Tout d’abord, halte à Chartres et visite de la Cathédrale Notre-Dame, monument gothique exceptionnel considéré comme le mieux conservé et le plus représentatif des cathédrales Françaises. Construite au début du XIIIème siècle sur les ruines d’une précédente cathédrale, elle est régulièrement en rénovation, ce qui lui confère un état resplendissant. Tout y est grand, beau et sacré : les vitraux, les piliers, les dallages, les sculptures, tout force l’admiration et le respect. L’orgue principal est magnifique. Il est totalement suspendu entre ciel et terre, accroché à la plus haute paroi de l’édifice. Ces hommes sont de véritables artistes et mettent leur intelligence au service du beau, du bien et de Dieu.
Le fait que l’homme est à l’image de Dieu, c’est l’une des plus évidentes convictions pour tous les lecteurs de la Bible.
Je m’asseyais en plein centre de la Nef, je me sentais tout simplement petit et fragile. Les questions affluaient et la paix gagnait le pèlerin que j’étais devenu. Seul, les hommes dans leurs conditions terrestres limitées n’ont pu réaliser cela sans une aide. L’aide du divin relayée par la foi, la passion et le génie de l’homme a dû faire son œuvre.
Chartres a été, et est toujours en moindre mesure, un lieu de pèlerinage depuis Paris. Les quatre-vingt kilomètres qui la séparent de la capitale sont bravés l’été par des initiés qui défient le trafic très intense des voitures qui ont ramené le chef-lieu de l’Eure et Loire à une agglomération de la banlieue parisienne.
Une halte d’une journée était insuffisante pour approfondir dix siècles d’histoire, cela nous aura néanmoins suffit pour provoquer notre admiration, nous émerveiller et continuer notre enseignement et notre chemin.
Les côtes Bretonnes, la Normandie, le Mont Saint Michel, et les innombrables
lieux sacrés et emblématiques de la Bretagne nous attendaient. C’est une région dont l’histoire est fortement chargée de symboliques religieuse.
De l’ère Paléolithique à plus de 5000 ans avant Jésus Christ jusqu’au XXème siècle, elle a été fortement influencée par les Dieux. De très nombreux sites historiques témoignent de la richesse des us et coutumes des hommes tournés vers la croyance et le divin.
Des Tumulus de Carnac à la vallée des Saints, des rites Celtes, aux druides post ère chrétienne, la Bretagne a vénéré plusieurs milliers de saints qui ne sont pas tous reconnus par le christianisme. Cette terre s’est toujours érigée vers le ciel, elle a toujours cherché dans les forces divines de l’au-delà à comprendre et à accepter son présent. Chaque ville, chaque bourg ou village possède plusieurs lieux de culte chrétien en activité. Les églises sont toujours ouvertes. Les styles Roman et néo Baroque contrastent avec nos églises corses. De nombreuses croix de granit et des monuments religieux sont érigés en bord de route. Tout y est symbole, tout a une signification. « Cherche et tu trouveras ».
Autre merveille à visiter en une journée, le Mont Saint Michel et son abbaye. L’archange Saint Michel, qui a combattu et combat toujours les forces du mal est un de mes Saint préféré avec, Saint Antoine. Le Mont Saint Michel est un des sites les plus visité de France. Son histoire religieuse commence au environ de l’an 700.
La légende raconte qu’en l’an 708 l’archange Michel apparaissait en songe à Saint Aubert, qui était évêque d’Avranches et lui demandait de construire un sanctuaire en son nom.
C’est une véritable prouesse architecturale. Il fut conquis, perdu et reconquis durant des siècles, par les différents rois, seigneurs et autres chefs de comtés.
En 1966 une petite communauté de moines Bénédictins investissait les lieux.
De pillages en incendies le Mont Saint Michel change durant cinq siècles de gouvernance, abrite des garnisons, sert de prison, et devient forteresse d’Etat. A la fin du 19ème siècle, le tourisme fait son apparition et se sont des hôtels et des restaurants qui investissent les lieux.
Depuis 2001, ce sont les fraternités Monastiques de Jérusalem qui animent la vie spirituelle de l’abbaye du Mont Saint Michel.
Une année de recherches ne m’aurait pas suffi à lever un petit voile de cette région. Cependant dix jours de visite avec un nouveau regard, le regard de l’émerveillement, de la compassion, de la compréhension mais aussi la programmation d’un nouveau voyage l’année suivante m’ont permis de m’émerveiller de nouveau et de structurer mon appréhension spirituelle.
Comme l’a dit Marcel Proust » Le seul, le vrai, l’unique voyage est de changer de regard « . Le mien était bien en train de changer depuis quelque temps. On ne perçoit du monde que ce qu’on est préparé à en percevoir, c’est pour cela que j’ai réduit, voire stoppé l’enseignement et la formation tous azimuts, que je m’efforçais de pratiquer à marche forcée, à l’Université de Corse mais également les conférences et autres invitations pour des inaugurations diverses et variés.
D’autres voyages, d’autres lieux me menaient en Camargue, pour visiter le Sanctuaire des Saintes Marie de la mer et son église Romane du IXème siècle.
Depuis dix siècles le cite symbolise, et vénère la vierge sous différentes formes, rites et culte de Mithra, aux Païens, aux chrétiens de Rome, aux catholiques etc… Les pécheurs, les marins, la défendirent, la vénérèrent, jusqu’aux bohémiens et gitans qui au travers la statue de Sarah et son immersion rituelle dans la traditionnelle fête qui rassemble des milliers de pèlerins du 24 au 26 Mai.
Lors de plusieurs voyages d’affaires à Carcassonne, j’ai tenté d’appréhender le pays Cathare dans le sud-ouest, tenté, car comment défaire un écheveau si complexe de cette « religion » qui disparaissait au XIIIème siècle.
Ce mouvement religieux chrétien médiéval a été en dissidence avec l’église catholique Romaine. La richesse et la puissance des châtelains et des « petits » rois régionaux mettaient à mal le pouvoir des rois capétiens de France.
Cette lutte entre Orthodoxie romaine et hérétique avait débouché sur une croisade terrible au XIIIème siècle pour en juguler l’influence. Le nom de Cathare a même été effacé et banni pour redevenir à la mode au 19ème siècle.
Toujours des guerres, toujours des luttes au nom d’un Dieu, d’une religion, qui au fil des siècles sont venus en ternir son essence même. Le temps viendra pourtant ou l’amour et le pardon de Jésus seront l’ADN des hommes, quand ? Dieu seul le sait !
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Laponie Finlande
« Ailleurs est un mot plus beau que demain »
Paul Morand
Réaliser un tour du monde fut-il de la foi ou pas, sans passer par les pôles, aurait eu un sentiment d’inachevé…le pôle le plus accessible est le pôle Nord, alors direction la Laponie au départ de Nice pour l’aéroport de Rovaniemi en Laponie Finlandaise. Le plan de vol de notre avion suivait parfaitement un méridien de Latitude de 3000 Kms pour 4 heures de vol.
Ce Voyage en famille était de circonstance pour la destination originelle du Père Noël. Evann et Véronique avaient les yeux rivés sur le hublot de l’aéronef qui fonçait plein Nord à une altitude étrangement basse. Au bout d’un certain temps les taches de neige apparaissaient, le soleil semblait de plus en plus bas sur l’horizon et la lumière était de plus en plus laiteuse, pour être finalement grise à l’aéroport de Rovaniemi.
A 14 heures 30 il faisait nuit. Le manque de lumière a été réellement un manque permanent du voyage. L’horloge biologique devait compenser en permanence à grand renfort de sécrétion hormonale appropriée, qui n’est pas sans désorienter et fatiguer. Sous ces latitudes, la vie est en totale harmonie avec une nature rude pour ne pas dire hostile. Peu de soleil, donc peu de lumière, 3 à 4 heures par jour à cette période.
Lever du jour pénible à 10 heures du matin pour un coucher à 14 heures. Cela empire même en cas de mauvais temps où la nuit ne se dissipe plus. Peu de lumière donc peu végétation, ce qui semble avoir laissé une place totale et définitive aux monde des conifères qui tels des arbres artificiels semblaient indifférents au climat.
Peu de végétation donc peu de légumes, seules les pommes de terre et autres légumes racine offrent une maigre récolte aux habitants. Tout est importé, donc tout est cher et rare.
Quand le soleil daigne étirer ses rayons jusqu’au pôle, cette région devient le paradis blanc, tout est brillance ouatée, les bruits sont étouffés, plus de bruit d’eau qui coule, elle est emprisonnée sous la glace, pas et peu de bruit de la ville, qui vie « normalement » quelques mois par an.
Une balade en traîneau à attelage de rennes s’imposait. Elle nous menait à la lisière d’un fleuve glacé, en direction la maison du Père Noël. La vraie la seule et l’unique Maison du père Noël…
La balade, transformée en aventure, à cause d’un blizzard qui mordait la peau malgré les équipements spéciaux, avait été programmée en toute sécurité et en toute simplicité. En Finlande il y a deux fois plus de rennes que de personnes. Compliqué pour les hommes de s’épanouir dans ces contrées. Les rennes qui sont des animaux robustes sont dans leur élément pour tirer un énorme attelage et nous faire découvrir des paysages féériques... Au bout de l’horizon que l’on devinait à la différence de couleur entre la neige lumineuse et le ciel noir, un point de lumière apparaissait et grossissait au fur et à mesure que les rennes habitués à cet itinéraire qui leur était familier allongeaient leurs foulées. Enfin la magie opérait à la vue de la maison du Père Noël. Le spectacle bien rodé par l’organisation qui faisait le show à la hauteur de l’évènement et des attentes des visiteurs venus de si loin. Mon fils et nous-mêmes, malgré les forts doutes de la légende, étions bluffés par le spectacle.
Le lendemain je me mettais à la recherche d’un lieu de culte a Rovaniemi. Peu d’église, peu d’activité religieuse. Je réussissais néanmoins à trouver une église ouverte. L’église protestante de Kirko. 4 heures d’ouverture pour un culte édulcorée. Je m’y rendais en taxi commandé par le concierge de l’hôtel. J’étonnais le chauffeur quand j’annonçais la destination de Church Kirko.
Il était 9 heures du matin et il faisait encore nuit, la température était à moins 15 degrés, il y avait peu de circulation, les ruelles aux murs jaunis et mal éclairées par quelques réverbères vieillissants, j’avais hâte d’arriver à destination.
Je me disais que finalement dans ces régions que l’homme a difficilement domptées, seule la nature est belle. Sans préliminaire le chauffeur me laissait devant la porte de l’église dont je distinguais l’architecture grâce aux spots de lumière blanche qui percent la nuit. Je prenais soin de demander au chauffeur s’il pouvait revenir une heure plus tard. On arrivait à se comprendre malgré son anglais encore plus approximatif que le mien.
Je franchissais rapidement la lourde porte sécurisée pour me retrouver à l’intérieur de l’édifice glacé, où il faisait encore plus froid qu’à l’extérieur. Les chauffages à infrarouge muraux, se donnaient bonne conscience, mais consommait d’avantage d’énergie qu’ils n’en restituaient.
L’intérieur était simple, comme dans beaucoup d’églises protestantes. Une magnifique fresque frontale derrière un autel sobre réchauffait le lieu. Les deux travées latérales étaient illuminées par des lustres ostentatoires qui éclairaient ce qui me semblait être des reliques et autres objets de procession ou de divination. Une chaire qui n’avait pas entendu de sermon solennel depuis fort longtemps donnait un cachet religieux à cet édifice qui en avait bien besoin. Il n’y avait personne à l’intérieur pour entamer une discussion ou pour partager ce moment bien solitaire, qui me questionnait sur mon pèlerinage dans ce lieu.
C’est à cet instant que je compris quelque chose ! Je me disais : tu es seul, loin de tout, il fait froid, il fait sombre, tu as tout faux ! Je me mettais à genoux au premier rang. Jésus est partout même et surtout dans les endroits isolés et pauvres. Je passais une heure en sa compagnie à prier, à suivre mes pensées, à faire des va et vient sur mon existence, à vivre, et ressentir ce moment intense.
Je n’avais pas vu passer cette heure de prière, le chauffeur de taxi mettait fin à cette méditation en pénétrant dans l’église tout étonné de m’y trouver à nouveau agenouillé de surcroît.
C’est réchauffé et content de cette expérience spirituelle insolite que je rejoignais l’hôtel pour pratiquer le « sport national «, qui est le sauna brûlant suivi d’un bain glacé, que je ne recommande pas aux non-initiés…
Les jours suivant égrenaient un programme nature. L’observation et la contemplation des aurores polaires, ou plus communément nommées aurores boréales, sur un lac gelé. Ce magnifique phénomène lumineux est formé par la lumière atmosphérique, ce qui le caractérise c’est qu’il change de forme et de couleur au gré des vents. Au-delà de ce spectacle fascinant, deux questions revenaient sans cesse. Durant des millénaires à quoi pensaient les hommes face à ce spectacle, à ce phénomène inexplicable ? Et à présent que l’on a expliqué ce phénomène sommes-nous tout à fait satisfaits de la réponse ? Cette réponse nous comble-t-elle totalement ? Un peu de science nous éloigne de Dieu mais beaucoup de science nous en rapproche… Plus on cherche et moins on trouve et comme dit l’adage, les questions sont éternelles mais les réponses provisoires.
On faisait également une petite excursion dans une forêt pour admirer des animaux en semi-liberté. La nature est le plus grand temple de Dieu. Quand le règne animal, végétal, minéral et humain est en osmose, alignés et équilibrés alors la magie, la merveille opère et la divinité est toute proche.
La fin du séjour approchait et comme à l’accoutumée je me disais que je ne pouvais pas partir sans faire un traditionnel « Urban footing ».
Vers 7 heures du matin, même si je n’avais pas prévu de tenue spécifique pour courir dans ce froid, j’ai eu une envie irrépressible de partir en petit trot découvrir la ville.
J’avais pris soin de me couvrir la bouche afin de ne pas inhaler l’air glacé, je ne forçais pas du tout l’allure également afin de ne pas provoquer de lésions diverses.
Je traversais la ville encore obscure et endormie en prenant soin contrôler mon itinéraire sur ma montre GPS, car tout se ressemble dans cet univers blanc et néanmoins obscur.
J’arpentais un quartier qui ressemblait à une zone de chalandise, je marquais un brusque arrêt sur une horloge murale qui indiquait la température à moins 18 ! Waouh moins 18, sans pour autant ressentir cette morsure du froid que l’on ressent en Corse à 5 ou 6 degrés. L’humidité, l’hygrométrie très faible sûrement.
Je sortais de la ville et remontais le long de la rivière Raudanjoki qui était gelée, que j’avais repérée auparavant, une sorte de bande passante ; le bruit de mes foulées dans la neige ressemblait à des morsures dans de la mie de pain craquante, Je m’éloignais de la ville.
Sur une large courbe que dessinait la rivière, je prenais le temps de m’arrêter et me retourner pour admirer le spectacle de cette ville mi-endormie, mis léthargique … étrange et surprenante même si la beauté de ces paysages ne laisse pas indifférent, je préfère le soleil et la mer et je ne peux pas demeurer longtemps loin d’elle.
Je reprenais ma course, sur ma gauche j’apercevais une lumière d’habitation assez haute dans le ciel, était-ce une grue, un ouvrage ? Je bifurquais et trottinais dans cette direction. Et là au fur et à mesure que je me rapprochais se dessinait sous mes yeux, voilés par la vapeur d’air que ma bouche crachait sous l’effet de l’augmentation de mon allure qu’elle ne fut pas ma surprise de voir une église avec un joli clocher illuminé.
Merci mon Dieu, toujours là où on t’attend le moins. J’en faisais le tour et poussais la porte principale tout essoufflé. Je découvrais, tout étonné, cette église catholique, où se trouvaient aussi des statues de Saint Antoine, de Saint Michel, de la vierge Marie, et l’ostensoir sur l’autel.
Une fois repris mon souffle, je me plantais droit devant l’autel au milieu de l’allée centrale. Il n’y a pas dire une église catholique c’est beau. Une dame surgissait de derrière l’autel, sûrement de la sacristie, je m’approchais, les deux mains sur ma poitrine, elle faisait de même. Comprenant tous les deux que le dialogue verbal serait impossible, on se contentait de plonger quelques instants nos regard l’un vers l’autre.
Point besoin de parole quand on a les mêmes valeurs, la même foi, le même sens. Elle opère un demi-tour sur elle-même non sans un petit sourire et inclinait sa tête, je lui rendis la même faveur et retournais me présenter devant l’autel.
Je ne m’attardais pas car j’étais en sueur et malgré la chaleur de l’échange il devait faire moins 20 degrés, je ressortais et fonçais vers le fleuve en courant.
J’étais vraiment fier et content d’avoir un jour rencontré Jésus. Il est partout, il suffit de savoir le chercher, le reconnaître, le trouver.
J’ai eu la chance d’avoir été touché par cette grâce, mais c’est Dieu qui nous choisit. Dieu se donne à sentir dans l’expérience de la prière, bien sûr, mais aussi dans la vie quotidienne. La vie spirituelle est un vrai travail sur soi, plus j’avance dans ma vie plus ma foi va en grandissant. Je demande toujours dans mes prières : »Mon Dieu donnez-moi davantage de foi ».
Le retour vers l’hôtel se faisait comme sur un tapis volant, hors sol et sans fatigue. Comment voulez-vous expliquer ce type d’expérience, comment voulez-vous qu’en quelques lignes je vous décrive l’intégralité de mon ressenti. Je m’y risque néanmoins avec la faiblesse mais aussi l’espoir, d’y réussir un tant soit peu.
Le temps de mettre le cap au Sud en Corse avait sonné, nous étions contents de retrouver des latitudes plus clémentes, je crois que les hommes ne sont pas faits pour le manque de lumière, physique et spirituelle bien sûr…
Qu’avons-nous pas fait au Bon Dieu pour en arriver là… !
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Irlande
« Toutes les fois qu’un homme meurt, c’est un monde qui disparait, le monde qu’il portait dans sa tête »
Arthur Schopenhauer
Il fallait que je cerne davantage la religion Anglicane, les catholiques et les protestants du Royaume-Uni, pour cela je préparais un voyage en Irlande, afin de me rendre compte et témoigner de mon ressenti sur l’anglicanisme britannique et plus particulièrement sur le conflit entre catholiques et protestants à Belfast en Irlande du Nord.
L’arrivé en Irlande s’est faite en avion par l’aéroport de Dublin. La gentillesse et la force de ce peuple n’est pas une légende. Gentillesse et humanité ont toujours été au rendez-vous de mes visites et mes déplacements. Les Irlandais terminent souvent chaque phrase par « No problème » … Le surnom d’île verte, n’est également pas usurpé. Le moindre bout de terre est planté et comme il pleut tout le temps ça pousse.
Les désagréments de conduite à gauche et volant à droite, véritables anachronismes pour moi ne m’ont autorisé aucun relâchement au volant et c’est après une demi-heure de route dans ma Peugeot de location que je rejoignais ma chambre d’hôte.
Je l’ai souvent répété lors de mes voyages, il n’y a pas de hasard, que des rendez-vous et ce soir j’avais un nouveau rendez-vous. Je dis au passage, merci Google maps, car comment arrivé en pleine nuit sous la pluie, avec une voiture conduite à gauche sur le parking d’une ferme qui allait être mon gite pour la nuit en pleine campagne Irlandaise, sans l’aide de google maps ? la technologie est parfois pernicieuse mais elle a de « sacrés « avantages…
Je sonnais et une dame venait vers moi (en anglais évidement, car personne ne parle le Français) comme si elle me connaissait depuis toujours, elle me conduisait à ma chambre, qui se trouvait face à une petite alcôve, ou trônaient en son centre une très grande statue de Saint Antoine, avec la vierge Marie.
L’accueil était déjà au premier abord chaleureux, mais alors à la vue de Saint Antoine, tout s’est emballé, elle a appelé son père chapelain, nous avons écouté la Radio Salve Régina qui émet 24/24 h depuis le couvent Saint Antoine de Bastia, nous avons échangé nos adresses pour communiquer, et l’invitais à venir en Corse…
La foi, l’espérance et la charité sont les trois vertus théologales de la religion chrétienne. Le lendemain Go to Saint Patrick à Dublin, où je m’attendais au Graal Irlandais, en fait mes espérances ont été réduites, je dirais comme d’habitude que lorsque l’on est dans une attente forte on est souvent déçu…En effet la cathédrale Saint Patrick, bien qu’imposante et belle, semblait dépouillée de tout sacré. A l’intérieur une foule avec audio guide River aux oreilles déambulait au milieu des échoppes de souvenirs. J’écourtais même la visite pour me rendre à la cathédrale anglicane irlandaise Christ Church, moins connue, moins fréquentée mais où j’ai pu passer un agréable moment.
La cathédrale de Christ Church date du moyen âge et comme la très grande majorité des églises d’Irlande elle est anglicane. Très peu sont régies par l’église Romaine. Les différences entre ces deux « type « d’église ne semble pas importante, cependant au-delà de la principale différence, qui est que les Anglicans ne reconnaissent pas l’autorité du pape (comme les protestants) on ressent et trouvent à la marge une somme de différences liées à la foi, à la pratique et à l’esprit.
Comme me disait un théologien français, les anglais arrangent cela à leur façon, selon leurs intérêts du moment et cherchent parfois des différences là où il ne devrait pas y en avoir. Les grandes villes et les capitales se ressemblent, ce n’ai pas là que j’y ai souvent rencontré Jésus. Les grandes agglomérations sont faites pour le business, la matière… je préfère largement la campagne et les petites bourgades plus propices à recevoir l’esprit de Dieu.
Le lendemain Go to la pointe de l’Irlande du Nord, Bushmills où j’allais être servi coté rudesse de la nature. En fait en Irlande on trouve Dublin l’européenne et l’Irlande du Nord la souveraine Anglaise ou la monnaie Euros n’a pas cours. J’ai donc traversé une sorte de frontière pour arriver à Bushmills, c’est surtout sa distillerie qui a fait sa renommée et son whisky en 1604.
Bushmills c’est également la nature dans toute sa splendeur avec la Chaussée des géants et ses blocs de basalte monumentaux, véritable chef d’œuvre de la nature, qui semble avoir sculpté des pavés et des colonnes énormes pour former une chaussée qui pénètre dans la glaciale mer du Nord, toujours en furie.
Les pubs Irlandais sont inévitables, ils ne sont pas non plus des légendes quant à leurs chaleur, leur fraternité et où l’étranger que j’étais n’est jamais resté seul un instant au comptoir pour siroter une incontournable Guiness, autre institution nationale…
Le lendemain Go to Belfast, capitale de l’Irlande du Nord, ville où a été construit le paquebot Titanic, mais aussi tristement célèbre par le conflit opposant les communautés catholiques et protestantes. Véritable guerre de religions contemporaine en Europe, qui a démarré dans les années 1920 puis c’est réveillé en 1960, par une ségrégation que subit la minorité catholique. Sur fond de guerre de pouvoir politique et géopolitique (comme d’habitude), les affrontements sanglants avaient fait 4 000 morts. La répression politique du pouvoir et les combats disproportionnés entre la majorité protestante (90% de la population), on conduit à la construction d’un mur qui sépare la ville.
Je m’y rendais immédiatement dès mon arrivé et trouvais une zone de not mens land, matérialisée par un mur énorme de 10 m de haut qui traverse la ville et enclave le grand quartier catholique. Ce mur est régulièrement percé par des portes fortes qui symbolisaient des nécessaires check point, pour faire circuler en sécurité les personnes. En 2022 et depuis quelques années les tensions sont retombées et à présent règne un calme apparent, cependant on ressent toujours la chaleur des braises prêtent a rallumer le conflit.
Des drapeaux communautaires flottent dans les quartiers, sur les toits des maisons affichant sans vergogne à qui appartient le lieu. Le récent Brexit Anglais / européens avait déjà fait apparaître des heurts violents, dans certains quartiers de la ville. Le mur est totalement peint de slogans, pro-catholique, protestants, et des centaines de photos de personnes ayant perdu la vie sont tristement placardées comme des pierres tombales, certains martyrs célèbres comme Boby Sands, nationaliste irlandais, qui s’est laissé mourir de faim avec une douzaine de ses compagnons dans les geôles Anglaises.
Je remontais à pied ce mur qui, sous le crachin habituel, je sentais la poudre et voyais défiler sous mes yeux, les portraits des défunts, dont leurs camarades de combats ou parents ont justifié leurs morts par des épitaphes héroïques.
Les religions sont-elles nécessaires à l’homme ? La foi oui je pense, mais matérialisée par une pratique religieuse de conquête, guerrière et de pouvoir non. La foi spirituelle humaniste, transcendante, élévatrice du genre humain, avec une doctrine bienveillante indépendante oui certainement, cependant l’homme, la chair est faible par rapport à la puissance de la matière, l’homme semble encore « jeune « pour atteindre la quadrature du cercle, qui se situe entre ciel et terre entre la peur et la confiance, entre la peur et l’amour, entre la connaissance et l’ignorance …
J’ai peu confiance aux sociétés humaine qui sont faites pour naître, croitre et mourir, j’ai néanmoins confiance en l’homme qui ne cesse de croire malgré les soubresauts qui le lie aux sociétés. Dieux s’est fait homme, c’est à l’homme à présent de se faire Dieu. Vaste et interminable programme.
Le mur est l’attraction touristique de la ville. Les taxis y déversent çà et là des touristes qui comme moi semble médusé et tentent de comprendre pourquoi ?
Le lendemain, direction l’église de Saint Patrick à Belfast, église catholique romaine, où je trouvais plus de sacralité qu’à Dublin ; j’y rencontrais un prêtre Français, missionnaire des temps moderne, qui me confirmait la forte dualité qui règne entre les différentes églises de Belfast. Il me disait que la ferveur religieuse n’existe plus en dehors d’une activité politique. Saint Patrick, fondateur du christianisme Irlandais est devenu le Saint patron de L’Irlande, il est à présent le symbole de la fête, des repas, des bières et une icône davantage marketing que spirituel.
Le lendemain retour à Dublin avec la visite de la célèbre Bibliothèque du Trinity collège. Elle a été fondée en 1592 et est La plus ancienne d’Irlande. Des milliers de livres sont conservés dans un bâtiment en bois, à l’architecture monacale, où semble apparaitre à chaque instant Harry Potter. J’y fais une visite de quelques heures, alors qu’une vie n’y suffirait pas. Face à de tels volumes d’ouvrages, je mesure mon ignorance…
Je m’attarde sur le célèbre livre de Kells du 8ème siècle, ce manuscrit est enluminé des quatre Evangiles du Nouveau Testament qui est exposé dans un sarcophage de verre. Il est considéré comme le chef d’œuvre du christianisme Irlandais, il est aussi appelé «Grand Evangile de Saint Colomba».
Après la nourriture spirituelle (car l’homme ne vis pas que de pain Mathieu 4-4), je ne pouvais quitter L’Irlande sans la visite de la célèbre brasserie Guinness. Après Saint Patrick, à présent une autre icône Nationale, qui fut inventée par erreur (comme souvent), par Arthur Guinness en 1755. A nouveau un temple Irlandais, des temples qui sont à présent des sièges de firmes énormes, car Dublin et l’Irlande sont devenus une sorte de zone franche aux multiples exonérations fiscales, qui abritent les plus grandes enseignes anglo-saxonnes et internationales.
Content de mon voyage, et du climat relativement clément qui me permettait de faire quelques footings dans les nombreux parcs de Dublin le retour sur Bastia était imminent, ma route était longue et mon temps compté, comme cependant à chacun d’entre nous.
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Témoignage
SAINT JACQUES de COMPOSTELLE
« Chaque jour nous laissons une partie de nous-mêmes en chemin »
Henri-Frédéric Amiel
Mon pèlerinage est raconté dans mon livre « Autobiographie de l’auteur sur le chemin de Saint Jacques de Compostelle Ed.BOD 2016 «.
Je vous livre uniquement la trame principale de ce qui est un des plus grands pèlerinages de l’Europe, que les étrangers du monde entier affectionnent. Ce sont 500 000 personnes par an qui parcourent ce chemin qui se fait sur une ou des étapes, à pied à vélo, ou à cheval.
J’ai même vus des pèlerins sur des fauteuils roulants, des autonomes, des poussés, des fauteuils à moteur… Le Pape Jean Paul II l’a fait en avion. Certains le font par la mer, chacun sa route chacun son chemin…
Me voilà parti de Bastia en voiture avec mon ami Jean Louis, direction l’Espagne où nous avons démarré le pèlerinage de la cathédrale d’Oviedo sur le camino primitivo ou camino del Norte qui est le chemin le plus ancien des chemins (10 siècles), qui mène à Santiago.
Nous avons cheminé presque un mois. Cheminement initiatique mais aussi thérapeutique pour moi. Un chemin vers mon futur mais aussi vers mon passé. Un chemin pour laisser une trace non pas sur ces pierres de 1000 ans d’histoire, mais dans ma tête et dans mon cœur.
Comme pour beaucoup de pèlerinages, celui-ci a été fait de rencontres, de découvertes sur le chemin de chapelles, des églises, des sites historiques et de rencontres inattendues en pleine nature.
Comme pour beaucoup de pèlerinages, on entame des chemins mythiques dans l’attente de quelque chose, d’un retour sur soi à travers la foi, et puis évidement on récolte bien d’autres choses. C’est la magie des voyages que je conseille vivement à tous ce qui ont juste le courage de prendre un billet, le reste viendra à vous.
Il n’existe pas qu’un chemin qui mène à Saint Jacques de Compostelle, comme pour aller à Rome, tous les chemins y mènent… Selon la légende historique, il suffit de faire 100 kms à pied, ou 300 Kms à cheval ou en vélo afin d’y recevoir à l’arrivée, à la maison du pèlerin, la fameuse « crédentiale«, qui est l’attestation du voyage.
Saint Jacques était l’un des douze apôtres de Jésus. Il était parti évangéliser l’Espagne, selon l’histoire, mais il existe plusieurs versions, son navire aurait fait naufrage sur les rives du nord de l’Espagne, son corps ayant été retrouvé plusieurs mois après le naufrage, intact et couvert de coquilles qui l’avaient visiblement préservé. On nomma donc ces coquillages inconnus, coquilles Saint Jacques.
Chaque pèlerin en porte au moins une accrochée à son sac, comme signe de reconnaissance et de ralliement. Sur le chemin la coquille est partout, elle montre le chemin, elle décore les maisons, les auberges et bien sûr les églises.
Chaque étape journalière comprenait 25 à 35 kms de marche, les premiers pas comme toujours ont été les plus difficiles puis le pas c’est allongé sans fatigue et les 6 à 7 heures de marche quotidienne n’étaient réservées qu’à l’émerveillement, les rencontres, la prière et bien sur les poses repas. Les Espagnols qui habitent sur le chemin ont bien compris la philosophie des pèlerins, ils sont disponibles si vous le souhaitez, les commerçants très accueillants. Les prix sont très abordables et comme ils disent, le chemin était là avant nous et il sera là après nous… les pèlerins sont respectés et félicités.
Le chemin Primitivo, n’est pas très montagneux, il traverse des valons et des plaines, le point le plus haut fut un col à 800 m. Nous traversâmes la région de la Galice, puis des Asturies. Les villes de Tinéo, Fonsagrada, Lugo, Arzua et tant de villages qui n’était pas encore entrés dans le XXIème siècle, des villages à l’agriculture et au pastoralisme très important. Sur chaque étape on trouve des églises où l’on peut se recueillir, allumer un cierge ou simplement faire une visite en guise de repos.
Il ne fallait pas s’attendre à trouver sur le chemin des ecclésiastiques, des moines ou des curés, je n’en ai croisé aucun. Je me dis qu’ils ont déjà dû le faire et qu’à présent aux laïques de cheminer… le soir on pouvait les rencontrer dans des villages d’étapes, où des messes dites quotidiennement. Les Espagnols et les portugais sont très croyants, très fervents, je réalisais que les Français ne le sont plus tout autant, en tout cas de moins en moins. J’ai rencontré sur le chemin des Américains, des Canadiens, des Chinois, des Asiatiques, des Australiens, des Européens, mais peu très peu de Français et ceux que j’ai rencontrés n’avaient pas spécialement de fibre religieuse marquée.
Les étapes avaient toutes un rituel fort apprécié, qui après la nourriture spirituelle de la journée, nous menaient dans des auberges Espagnoles qui ne sont pas que légendes. On y trouvait de tout, même du bon vin à un prix dérisoire. Les calories perdues pendant les 30 kms de la journée étaient récupérées ainsi le soir et au petit déjeuner. Tortillas et paëllas au petit déjeuner cela vous dit ? Au début on était un peu surpris, et puis après on s’habitue… Les aubergistes sont fantastiques et généreux, ils savent bien qu’ils ne nous verront plus jamais et pourtant ils n’hésitent pas à nous glisser dans le sac, un pain, du fromage et à chaque fois un traditionnel « Bon Camino «, (bon chemin).
Je comprenais également, ce que je n’avais jamais compris auparavant en Corse. Je me suis toujours demandé pourquoi des gens faisaient un tour de Corse à pied, un tour du cap, sous le soleil, chargés d’un sac sur le dos. On les appelle généralement des « Pumadaghi «, c’est-à-dire ceux qui s’arrêtent dans les épiceries prendre quelques fruits du pain et manger sur le bord des routes et des chemins ?
A présent je le sais, car ils ne font pas que le tour de Corse, ils font également le tour d’eux-mêmes, car on ne peut faire le tour de soit dans son canapé, on ne fait le tour de soi que dans l’épreuve. Chacun la sienne, il y a des épreuves que la vie nous impose : la maladie, les accidents etc… Et puis il y a les épreuves que l’on s’impose, et au bout du parcours la récompense.
Sur le chemin comme dans la vie chaque étape est différente, chaque matin au moment du départ je me posais la question, à savoir, que vais-je découvrir aujourd’hui ? Le premier pas est le plus difficile, ensuite ce n’est que du bonheur. Un pas après l’autre, une sorte d’automatisme, on ne marche plus, toute notion d’effort semble dépassée. On devient la marche elle-même.
« Je marcherai sous le soleil trop lourd, sous la pluie à verse ou dans la tornade (…) A force d’user mes chaussures, j’userai mes habitudes, je marcherai et ma marche sera ma démarche. J’irais moins au bout de la route qu’au bout de moi-même. Je serai pèlerin. Je ne partirai pas seulement en voyage, je deviendrai moi-même un voyage, un pèlerinage «.
Jean Debruynne
Le pèlerinage fut aussi et donc semé de quelques obstacles et des épisodes cocasses.
Sur une étape, dans une forêt je m’étais perdu, et le téléphone ne passait pas. A la fin de cette halte difficile j’en sorti en pleine nuit totalement épuisé. Je remerciais Jean Louis qui était venu me récupérer, fatigué lui aussi, qui me dit : « L’aubergiste du coin m’a dit que sur cette étape beaucoup de pèlerins se perdent, il y en a même qui se sont perdus pendant plusieurs jours… »
Il y eu des étapes sous le soleil brulant, mais aussi sous la pluie battante en pleine forêt et là pas question de bivouac ou de repas, juste hâte de terminer au plus vite, au mieux et surtout sans tomber malade car le lendemain un parcours d’encore 35 kilomètres m’attendait, en espérant une accalmie…
Il y a des milliers de personnes qui font le chemin et il y a mille façons de le pratiquer. J’ai rencontré un pèlerin assis sur un siège au bord de la route dans le village de San Roman da Retorqua, qui à mon passage plongea son regard dans le mien avec insistance et força mon arrêt.
- Holà
- Holà, Français ?
- Oui comment l’avez-vous deviné ?
- Cela fait cinquante ans que je regarde les gens passer, alors j’ai pris l’habitude de les reconnaître.
J’entamais un brin de conversation avec cet homme, qui parlait plusieurs langues sans les avoirs étudiées, qui n’a jamais fait le chemin, mais qui le connaît par cœur au travers des récits, des rencontres et des lectures. C’était sa façon à lui de cheminer…
Des histoires et des étapes journalières qui nous menèrent fatigués, mais heureux, sur la place centrale de la cathédrale de Saint Jacques de Compostelle, où nous avons eu droit à la traditionnelle messe des « pelegrinos « ; cette messe de récompense évoque la fin du pèlerinage. Cette célébration hautement symbolique se déroulait dans l’imposante cathédrale romane du 10ème siècle, édifiée sur les ruines d’une église en l’honneur de Santiago au 8ème siècle. La cathédrale de dimensions impressionnante, était constituée de plusieurs nefs avec un transept central imposant. Lors de la cérémonie ce transept est balayé par un ostensoir en laiton argenté énorme (1,5 m de haut et plusieurs kilos), le Botafumeiro.
Cet ostensoir fumant est projeté par un système de corde et de poulie par sept personnes, sur toute la travée centrale de la cathédrale qui mesure 100 mètres. Un mouvement de balancier rapide puissant et impressionnant rase la tête des fidèles et encense la cathédrale. Waouh ! un final en apothéose !
Après la cérémonie, nous nous rendîmes dans la Crypte, qui se trouvait sous le monumental autel majeur de la basilique, le reliquaire de Saint Jacques. But ultime de tout pèlerin et terme spirituel du pèlerinage. J’avais emporté dans mon sac à dos une petite statue de Saint Antoine du couvent de Bastia, que je dissimulais dans la crypte, après une dernière prière de remerciement.
Nous n’avons pas réalisé la dernière balade, qui devait mener le pèlerin de Saint Jacques au Cap Finisterra, (fin de la terre) et retrouver l’océan Atlantique ; jeter nos godillots usés, sur la place centrale de la ville (on en trouve parfois des centaines qui forment une pyramide), on en trouve aussi parfois sur les arbres tels des fruits murs qui pendent au gré du vent. Ce geste symbolique signait une fin ou plutôt d’un nouveau départ. Après un apéritif et un repas copieux dont les auberges espagnoles ont le secret, c’est sans trop parler et sans enthousiasme que l’on pointait le GPS sur la frontière espagnole signe d’une fin de voyage, ou plus exactement la fin d’une étape, car le voyage dans son ensemble était encore long pour moi. Nous avons passé la frontière, et nous voilà en direction des hautes Pyrénées et de la ville de Lourdes.
Le Sanctuaire Notre Dame de Lourdes
Il nous était impossible de retourner à Bastia, sans transition et surtout si près du site marial mondial de Lourdes, qui accueille chaque année plus de 6 millions de pèlerins. Le site est depuis 1858 en effervescence, médiatique, spirituel, cultuel et sociétale suite aux 18 apparitions de la vierge Marie à Bernadette Soubirou, du 11 Février au 16 Juillet 1958.
Des milliers de malades et d’handicapés viennent suivre un protocole complexe un mélange de religions, de rites, et de croyances dans cette fantastique ruche, dans cette bulle ou tout est organisé, pour prier et espérer.
Chaque pèlerin ou même un curieux ne peut rester insensible à cette puissante énergie, qui au-delà de l’aspect touristique rapidement dissipé, vient s’infuser dans cette force invisible que l’on appelle la foi. Foi qui déplace les foules, les montagnes, pour des milliers de raisons différentes, qui vont de l’attente d’un réconfort, à une réponse à des questions précises ou existentielles, à un soutien, une aide, et parfois l’aide de la dernière chance. Des centaines de guérissons ont eu lieu après un passage à lourdes, seulement 70 guérisons ont été considérées comme miraculeuses par le très sérieux bureau des constatations médicales de Lourdes.
Guérison subite ou pas, visible ou pas, la foi débouche sur l’espérance et l’espérance c’est la vie, la vie constitue à elle seule son propre but. La foi et la religion aident, adoucisses les souffrances, car la pratique amène le fidèle dans cette voie.
Le vieil adage « il y a toujours pire que soi « prend tout son sens à Lourdes, on croise vraiment des hommes et des femmes très malades avec des handicaps lourds. Les mains et les regards vers le ciel comme dans une ultime imploration, les aides à la personne spécialement formées à cela les plonge dans des piscines dédiés dans un rituel bien rodé. Avec Jean Louis nous limitèrent évidement au rituel de base, c’est-à-dire nous asperger de l’eau de lourdes qui abonde, car la ville est traversée par le fleuve, Le Gave de Pau.
Nous avons eu la chance d’assister à des cérémonies spécialement dédiées à Marie, pour des pèlerins d’Asie, qui sont des fervents adorateurs de la mère du Christ.
Lourdes et la foule de curieux, de croyants, de fervents, de résidents et nous pèlerins d’un jour, avons quand même eu un choc transitoire avec le calme et la sérénité du chemin de Saint Jacques.
Le moment important, calme et poignant fut le passage dans la grotte des apparitions. Toujours cette force invisible qui vient naître à l’intérieur de nous quand on a la capacité de s’intérioriser, de pouvoir descendre au fond de soi, de pouvoir à ce moment précis de prier. Prier en récitant des prières connues, prier en parlant intérieurement à ce Dieu inconnu que l’on aime, à qui l’on confie, le temps d’un instant, ce qui est enfoui au fond de notre cœur, alors là peut-être la magie opère et les mystères de la foi se dévoilent un peu. A ce moment là l’émotion nous gagne, on somatise peut-être un peu… Croyant ou pas, en tout cas cela vaut le coup de le vivre, sûrement pour moi mais aussi de le témoigner simplement, car le moment vécu est cent fois plus puissant que les quelques lignes que je suis en train de rédiger.
Sur le chemin du retour nous avions déjà envisagé la prochaine destination qui allait être la Grèce et la Crète car j’étais en lien régulier avec une amie qui avais quitté la Corse en très mauvaise état de santé physique et psychologique et qui avait, à travers son exil, connu une renaissance. Son histoire et son exode m’intéressaient et c’est tout naturellement que je mettais en place ce voyage dans ce pays où ont été construites les bases de notre civilisation européenne actuelles et notamment les bases de la démocratie. La Grèce et son église Orthodoxe, sœur des traditions Russes, Serbes, roumaines, bulgares, géorgiennes etc…
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Le Maroc
« Conduis-toi sur la terre comme un voyageur et comme un étranger que les affaires du monde ne regardent aucunement »
Geert Groote
Ces voyages, afin d’appréhender la deuxième religion monothéiste, l’Islam, ont été réalisés en plusieurs étapes successives et distinctes dans le temps, dans plusieurs pays et sur plusieurs sites. Je les rédigerais à la suite dans ce récit.
Tout d’abord mes délires professionnels m’amenaient à séjourner régulièrement au Maroc (voir livre autobiographie de l’auteur sur le chemin de St Jacques de Compostelle. Ed BOD 2016). Plusieurs mois à Marrakech, ainsi que quelques trips sportifs notamment une traversée en partie du désert Marocain, m’ont familiarisé un tant soit peu avec ce peuple et cette religion.
Les Musulmans, sont très croyants et la foi fait partie de leur quotidien. Certains pays en ont fait leur religion d’Etat. Les discussions fréquentes avec eux m’ont toujours fait penser qu’il y avait sur le fond davantage de points de concordances que de points de divergences émanant de la forme. Je ne vais évidement pas énumérer les listes par opposition, Marie, ( Mariam ) mère du Dieu Chrétien est citée dans le Coran trente quatre fois et nous avons un prophète commun Abraham.
Je connaissais assez bien la région de Marrakech, car j’allais régulièrement à la messe à la paroisse des Saints Martyrs de Marrakech, ou a eu lieu en 2019 un jubilé avec les 800 ans de rencontre des Franciscains au Maroc. François d’Assisses lors de l’évangélisation du Maroc y rencontrait le Sultan Malik Al-Kâmil. Les deux hommes étaient bouleversés par leur rencontre et le partage de leurs expériences de foi. Des traités d’amitiés furent scellés, ce qui n’empêchait pas la politique de reprendre la main et de s’empresser de désunir ce qui avais été scellé… éternel recommencement.
La petite église a été édifiée en 1928, elle est la seule église à 300 kms à la ronde. Elle est située dans le vieux et célèbre quartier de Guéliz à Marrakech. Pour la petite histoire, en 1928 il y avait peu d’habitations dans la région de Marrakech et quand les marocains devaient se rendre dans cette partie de la ville ils disaient : « va où il y a l’IGLIZ… « C’est ainsi qu’est né le célèbre quartier de Guéliz…Rien n’est issu du néant, il y a toujours eu un commencement, n’est-ce pas ?
Dans les années 50, cette église ne faisait pas bon « genre » elle trônait toute seule dans ce quartier en expansion, c’est pourquoi une mosquée fut édifiée en face à cinquante mètres, avec bien sûr un Minaret plus haut que le clocher, qui depuis plusieurs années a été réduit au silence. Les deux communautés se respectent et aucun incident n’eu lieu même si une protection militaire importante était en faction après les attentats de la place Jemaa el-Fna de Marrakech dans les années 2015.
En 2018, une petite communauté de trois prêtres missionnaires Polonais assuraient l’office journalier et proposaient à la communauté chrétienne stable en nombre, des baptêmes des communions et des mariages. Je me rendais régulièrement à la messe du soir et conversais avec les prêtres. Ils me faisaient part de leur découragement, de la chute importante des vocations dans le monde, sans oublier la pression que subissait la religion catholique sur la planète. Dans leur église ils pouvaient et souhaitaient bien sûr recevoir des musulmans simples fidèles ou Iman (qui ne venaient pas d’ailleurs) alors qu’il leur était interdit de franchir les portes de la mosquée d’en face.
Le prêtre Congolais qui faisait partie de la mission exerçait également la fonction d’aumônier de prison (tout comme moi) et c’est donc avec intérêt que j’écoutais le récit de ses visites carcérales, qui se déroulaient dans des conditions d’un autre siècle.
Chers lecteurs, si vous doutez de la qualité de vie que vous avez en France ou en Occident, évitez de regarder la télévision ou internet, prenez un billet d’avion, et allez arpenter d’autres pays, d’autres régions dans le monde, vous en reviendrez avec un tout autre regard…
Ces missionnaires m’impressionnaient. De par leur culture, leur courage, leur espérance et leur foi, ils relativisaient subitement mon voyage que l’on disait de courageux et à risques…
L’Eglise du Maroc comporte deux archidiocèses à Rabat et à Tanger et rassemblent toutes les paroisses du territoire du Maroc. 80% des Chrétiens sont issus de l’immigration noire, les autres sont des Européens. Cette église de Marrakech couvre un territoire grand comme la Corse.
La rencontre avec un vieux commerçant, fils de commerçant depuis toujours, remarquait mes allées et venues dans le quartier m’interpella un jour, il m’invitait à prendre un thé dans l’arrière-boutique. Des échanges sincères entre les deux concepts de religion qui nous divisait autant qu’il nous liait. Il me confirmait que le pouvoir, l’argent et la politique auraient bientôt vite fait de consumer le côté structurel et fondamental des religions.
Il me disait être le fils d’une longue lignée des Amazigh, tribu des Zkara, qui prônaient depuis des siècles la nature, la liberté et le vivant comme religion. Les Amazigh étaient les descendants d’aborigènes africains, aux rituels aussi étranges et lointains que contemporains. Par exemple les morts n’y étaient pas vénérés, ce qui me faisait penser à l’évangile de Mathieu, ou Jésus dit « Laissez les morts enterrer leurs morts… «.
Nos rencontres étaient régulières, certains de nos désaccords ne mirent jamais en péril notre relation, d’autant qu’il était un remarquable tailleur sur cuir qui était capable de me confectionner tout ce que je lui dessinais. Quand le commerce est aussi un vecteur d’union… Il terminait souvent nos entretiens par un proverbe arabe. Je vous en site deux.
- « Est fou l’homme, qui plante un noyau de date et qui croit un jour consommer ses fruits… »
- « Un vieil homme assis voit plus loin qu’un jeune homme debout ».
Mes virées à travers le Maroc me menaient également à la grande Mosquée de Casablanca, la Mosquée Hassan-II, érigée en partie sur la mer, qui ressemble à un gigantesque bateau avec pour mat géant un minaret culminant de 210 mètres. La salle des prières peut accueillir 25 000 fidèles d’une superficie totale de 20 000 m2. De part ses dimensions elle est l’une des plus grandes mosquées au monde. Hélas l’accès intérieur m’en était interdit.
Mes escapades furent également nombreuses dans les petites villes et villages, notamment dans le grand Sud Saharien, où j’ai pu noter que la religion donnait totalement le tempo et réglait le rythme de la vie et de la journée pour en être le fil conducteur principal. J’ai non seulement toujours respecté leur religion à la pratique assez rigide, mais j’ai été admiratif tant leur foi, leur ferveur et leur espérance est sans faille.
Je respectais tellement leur foi, qu’une une pièce du restaurant leur était exclusivement dédiée pour leur culte.
On en avait assez de voir tant de foi et d’abnégation manifestées un peu de partout et n’importe où. Ils nous confièrent n’avoir jamais vu un Européen faire cela…
J’étais également étonné de constater à travers les entretiens avec nos salariés qu’ils étaient emprunts d’une rigueur extrême de leurs pratiques, ils avaient très peu de connaissance de leur croyance, et accordaient peu d’intérêt à l’histoire écrite du Coran, ils ignoraient les divergences qui existaient entre chiites, les sunnites, les soufis etc… Ils me disaient souvent, et à raison peut être, que tout cela était de la politique et pour eux ce qui comptait c’était leurs rituels et leurs traditions. Pratique qui disparait jour après jour pour les chrétiens dans le monde.
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Portugal Fatima
« Dans la vie, il n’y a pas de problèmes et d’obstacles ; il n’y a que des défis et des épreuves »
Michel Bouthot
Le temps de me remettre de ces températures hostiles, une autre destination avait déjà été programmée, depuis longtemps : le Portugal avec le mythique pèlerinage de Fatima. Voyage cette fois avec Jean Louis, toujours prêt à m’accompagner.
Jean Louis dit ne pas croire en un Dieu des hommes, à des dogmes puissants et annonciateur, mais j’en suis certain, Jean Louis a une grande foi et est croyant. Il est déjà sensible à tous les lieux saints que je lui propose de visiter, il pratique à sa façon une spiritualité dépouillée.
Sa grand-mère très pieuse l’a toujours inondé de prières, il est conscient que quelque chose de subtil et profond a été semé. A la dernière célébration de Noël, il est venu me rendre visite à minuit, pour me remettre un missel de prière très ancien et m’a donné une feuille sur laquelle étaient inscrits les mots sacrés de transmission du savoir de « L’occhiu ».
Sous différentes appellations, cette tradition se pratique dans de nombreux pays de la Méditerranée. C’est une sorte de prière à mi-chemin entre tradition, foi, religion, chamanisme, qui aurait le pouvoir de sortir le « mauvais œil «, la scoumoune, la malchance à celui qui la reçoit. Cette prière se transmet de bouche à oreille le soir de Noël.
Cela n’étant pas « le trip » de Jean Louis, il me confiait cette sorte de mission transmise par sa grand-mère. J’avoue ne pas être non plus fanatique et pratiquant de ces méthodes que je respecte évidemment. Si une personne vous dit ne pas croire en Dieu, dites-lui, tu crois au Diable, si elle vous répond, oui, c’est qu’elle croit donc en Dieu… Le mal n’existe que par l’absence de bien, donc…
Fatima, est à deux heures de voiture de Lisbonne, l’une des plus belles villes d’Europe ; nous l’avons visitée durant deux jours. Lisbonne la grande, au passé glorieux, Lisbonne la religieuse, car les Portugais sont de fervents catholiques pratiquants. Au risque de me répéter, je pense que la pratique d’une religion (ou de toute activité) est essentielle et primordiale. Il est plus important une petite pratique régulière, qu’une grande croyance peu mise en application.
Comme m’avait dit notre Evêque Monseigneur De Germay, en Corse vous êtes de fervents croyants, mais votre croyance est plus orientée en croyance de traditions et peu de religion, c’est à dire que pour les grandes fêtes, Noël, Pâques, Sainte Marie et pour certains saints importants en Corse comme Saint Antoine, St Joseph …vous êtes mobilisés et présents, mais passées les cérémonies et la fête le lendemain vos églises sont vides.
Je suis tout à fait d’accord avec lui et comme disait mon Aumônier Diocésain le père Patrick Vincensini, un croyant non pratiquant est comme un nudiste qui ne pratique pas … C’est-à-dire qu’il n’est pas nudiste…Implacable comme démonstration !
Les Portugais eux sont des croyants fervents et pratiquants, ils ont avec les Espagnols évangélisés sur une grande partie de la planète et continuent leurs pratiques religieuses de façon régulières dans leur pays mais aussi dans les pays où ils s’expatrient (plus de la moitié des Portugais travaillent hors de leurs pays.
Lisbonne ou la petite San Francisco avec ces tramways, sa baie traversée par un grand pont de métal surplombé par la gigantesque statue du Christ roi, qui tel le Corcovado est bras en croix, et semble bénir tous ceux qui posent leurs regards dans cette direction.
Les monuments, religieux, les églises sont partout et rivalisent de beauté, de grandeur et de majesté. La magnifique cathédrale de Santa Maria Maior est une des plus anciennes de Lisbonne et est surprenante par son style Roman du XII -ème siècle. Nous faisons un rapide passage avant de nous rendre au Couvent des Carmes, du grand ordre du Carmel.
C’est un Couvent de pierres blanches qui reflètent avec force tel un phare, les rayons du soleil le soir couchant. Ce Couvent a été édifié tout près de la principale église gothique de la capitale, qui s’écroula lors du terrible et meurtrier séisme de 1755, et rayé pratiquement la ville de la carte. Cette église ne fut jamais reconstruite et les ruines des murs témoignent de la puissance de la catastrophe.
Lendemain, départ vers la destination principale de notre pèlerinage, point GPS inscrit sur le sanctuaire de Notre Dame de Fatima. Fatima, qui est aussi et surtout connue pour être un prénom arabe féminin et non pas cette ville du centre du Portugal, qui était autrefois en partie arabo musulmane. Le prénom de Fatima est très connu car il était porté par la fille de Mahomet.
La statue de la Vierge de Fatima est reconnaissable entre toutes, car elle est représentée avec une couronne sur la tête. Tout comme la ville de Lourdes Fatima doit la représentation de son succès après les apparitions mariales reçues par trois petits bergers au cours de l’année 1917, Fransico, Jacinto Marto et leur cousine Lucia dos Santos, dans les années qui ont suivi elle est devenue religieuse dans l’Ordre du Carmel, elle est morte à l’âge de 97 ans en 2005.
Après deux heures de route tranquille au loin apparaissait déjà le campanile de l’imposante basilique Notre Dame du Rosaire.
Les structures d’accueil des fidèles sont comme d’habitude dans ces lieux de pèlerinage importantes, bien adaptées et bien structurées. Une fois la voiture garée nous prenons la direction de la basilique
La date de ce voyage avait été choisie au hasard, en dehors d’une date de fête chrétienne, afin d’éviter la foule, ce qui devait être plus propice au recueillement.
Au détour d’un mur d’enceinte apparaissait sous nos yeux une énorme esplanade concave, que j’évaluais à 10 stades de foot, avec des monuments, des églises, répartis selon un plan qui nous avait été remis dès le passage d’un immense accès dédié. Les fidèles tels des fourmis s’agitaient au milieu de ce site dans un ordre impeccable.
Les apparitions de Fatima ont eu lieu en 1917, elles ont bouleversé l’ordre public, politique et religieux du 19ème siècle, car au-delà des apparitions et communications rapportées par les trois enfants, la vierge a délivré trois messages distincts, devant être gardés secrets. Deux visions qui seront officiellement publiées en 1941, après bien des rebondissements et un secret qui ne sera dévoilé qu’en l’an 2000 par le pape Jean Paul II, à nouveau après moultes épisodes rocambolesques.
Autour de ces mystères et autres hypothèses repris durant un siècle par la presse, le cinéma, et évidement les charlatans, se sont succédées les vraies et les fausses révélations, les vraies et les fausses apparitions. L’histoire officielle de l’église retient que la première révélation est une révélation apocalyptique du monde avec une mer de feu au centre d’un enfer, avec une série de détails et de circonstances précises. Le deuxième secret concerne la Russie et le cœur immaculé de Marie au Saint de la consécration de la Russie. La Vierge met en garde que si la guerre ne se termine pas et que si la Russie ne se converti pas à la paix le monde basculera.
(J’écris ces lignes le 24 Avril 2023 de Amman en Jordanie et ce deuxième secret résonne d’une façon différente que lorsqu’il a été révélé en 1941, n’est-ce pas…). Le troisième secret se présente comme une version allégorique qui peut être interprétée de diverses façons, et permettrait de discerner l’attentat dont a été victime Jean Paul II sur la place Saint Pierre.
Jean Paul II a toujours dit qu’une main avait tiré sur lui et une autre avait dévié la trajectoire de la balle sans en divulguer davantage sur ce troisième secret dont il a été dépositaire. Jean Paul II s’est rendu à Fatima à trois reprises. Un gigantesque monument a été érigé en son nom.
Tout aussi surprenant, en 1917 a été observé dans le cadre des apparitions mariales de Fatima, un phénomène céleste, qui avait été annoncé trois mois avant par les trois bergers témoins des apparitions de la vierge. La presse locale avait été avertie par les autorités religieuses de cette manifestation solaire par anticipation également. Le 13 Octobre 1917 à 13 heures 45, 40 000 à 50 000 personnes, relatés par les médias de l’époque, ont pu assister durant de très longues minutes à une danse du soleil, qui s’est mis à tournoyer dans le ciel avant de fondre sur la terre comme pour la percuter.
C’est après un mouvement de foule terrorisée qu’un calme relatif était revenu. Cet évènement prédit, dans une période de tension politique au Portugal, avait fait l’objet d’une avalanche d’articles de presse, enthousiastes ou critiques par les médias internationaux. Durant de nombreuses décennies le phénomène a été étudié par les chercheurs sans pour autant tirer de conclusions acceptées par la communauté scientifique.
C’est au centre de ces évènements, miracles et apparitions contemporaine que je me dirigeais vers ce lieu de pèlerinage mythique que je devais réaliser à genoux. Une progression à genoux durant un kilomètre environ, sur une bande de pierre blanche qui mène directement sur le lieu de l’apparition de Fatima en 1917, et où a été érigée à l’époque une minuscule chapelle.
J’avais prévu pour type d’épreuve des genouillères, et c’est après un protocole de prières requises que je me suis lancé. Quelques personnes courageuses me précédaient et n’étaient pas physiquement capables et prêtes pour cette épreuve très physique.
Certains pèlerins chapelet en main, les dents serrées et le visage en larmes progressaient à genou en suivant un tracé de marbre, brillant à force d’être frotté, d’autres abandonnaient, d’autres reprenaient en pleurs. Certains une photo d’un proche ou d’un disparu sur le cœur. Tels des manchots dans une marche saccadée et ordonnée des pèlerins ont progressé sous un soleil déjà haut qui se reflétait et chauffait l’esplanade et les pierres blanches. Une marche à genoux vers où ? Pourquoi ? Pour qui ? La foi dépasse les montagnes et l’entendement. La foi a un sens et comble ceux qui ont eu la grâce d’en être touchés.
Je n’entendais plus rien, je ne voyais plus rien, je ne ressentais plus rien, juste un point une force dans mon ventre qui irrigue ma tête. Des images défilent, le passé, mon père, mon enfance ; mon énergie se décuple, j’aurais pu courir à genoux en dépassant les autres pèlerins qui tombe, les uns après les autres, à mes côtés sous la douleur de leurs genoux. Je récite un notre Père, un je vous salue Marie, encore un autre Père de plus en plus fort pourtant aucun son ne sors de ma bouche. Les prières initiales ressemblent parfois à des demandes pour soi ou pour ceux que l’on aime, mais au fil du temps, des pèlerinages, et de ce grand pèlerinage autour du monde, elles deviennent simplement des mercis, elles sont là pour se dépouiller, se dissoudre pour s’unir à nouveau. Désolé, pardon, merci, je t’aime.
Il est à nouveau difficile et complexe pour moi de retranscrire fidèlement ce qui se passe dans de tels moments de quintessence spirituelle où le cœur parle un langage que le cerveau ne peut retranscrire.
Je laisse à chaque lecteur le soin de lire avec son cœur tout doucement sans juger et d’essayer de se plonger dans l’évènement.
Au bout de je ne sais combien de temps j’arrive au terme du chemin qui mène devant la minuscule chapelle des apparitions, qui est restée, comme à l’époque ou la vierge est apparue il y a plus de 100 ans, sans artifice, sans prétention.
Beaucoup n’y sont pas arrivé à genoux, mais qu’importe, tout le monde est présent, assis sur les bancs de bois en union de prière, en paix. C’est le cas pour moi, je suis vidé mais serein et satisfait du devoir accompli. Ce genre de voyage, de pèlerinage où se mélangent épreuves physiques, mentales et spirituelles me convient, cela me ramène à tous mes défis sportifs qui n’étaient finalement que des épreuves pour me rapprocher chaque fois un peu plus de Dieu.
Je me lève enfin pour rejoindre Jean Louis, aucune douleur aucune gêne aux jambes, cela me rappelle également le chemin de croix que j’avais fait le vendredi saint à l’église Saint Jean à Bastia, où j’avais parcouru durant deux heures, la moitié de la ville pieds nus en portant une croix de trente kilos sur mes épaules, sans aucune douleur.
La foi déplace les montagnes et est quoique l’on en dise ou qu’on en pense une ressource insoupçonnée. Le pèlerinage n’était pas encore terminé car le site est devenu en 100 ans un des plus hauts sites mariaux du monde, même les non-croyants dans le sanctuaire ne peuvent rester indifférents à la sensation d’une spiritualité puissante qui infuse et dégage en même temps.
Jean Louis me confirmait cette sensation. Du côté opposé de la basilique Notre Dame du Rosaire se trouve la Basilique de la Très Sainte Trinité, une œuvre architecturale moderne gigantesque de 125 mètres de diamètre sans pilier intermédiaire pouvant accueillir 8700 personnes. Quand on se trouve en son centre ont est latéralement aspiré par la périphérie du fait des effets d’optique, des couleurs et des matériaux… impressionnant travail de l’architecte Alexandros Tombazis.
Impossible de manquer le magnifique musée historique qui retrace entre autres la vie et l’histoire de ces apparitions et phénomènes qui questionnent toujours la science.
Après une journée marathon de ce type, on en ressort épuisé et bien davantage que lors d’un réel marathon, et je sais de quoi je parle car j’en ai réalisé 40 à travers la planète. Sans trop mot dire on se dirigeait vers la voiture et prenions la direction la côte atlantique, la mer et le soleil, j’en avais bien besoin pour me remettre de mes émotions.
Cependant avant de quitter Lisbonne et le Portugal, nous avions programmé une visite au magnifique et grandiose Monastère des Hiéronymites de Lisbonne.
Bien nous en a pris car au moment où j’écrivais ces lignes, le Pape François y était reçu dans le cadre des JMJ (Journées mondiale de la jeunesse) 2023. Le monastère est régi par l’Ordre de Saint Jérôme, qui est un ordre pontifical.
C’est en 1502 que le roi Manuel 1er entreprend la construction de ce chantier pharaonique pour plusieurs et différentes raisons politiques et royales, mais aussi notamment pour fêter le retour des Indes de Vasco de Gama. Le monastère est impressionnant par ses dimensions et par la richesse des ornements de façade.
Il est considéré comme l’œuvre architectural le plus aboutis du style manuélin. La richesse portugaise de l’époque a permis aux architectes de donner cours à leurs inspirations les plus extravagantes. Le monastère a échappé au séisme de 1755 qui a ravagé Lisbonne. Les modifications et les diverses extensions en ont fait un édifice religieux de tout premier ordre classé en 1907 monument historique sur la liste du patrimoine mondiale de l’UNESCO.
Le cloître de 55 mètres carrés de côté est impressionnant, de par sa dimension et la richesse des façades. L’église Sainte Marie abrite le tombeau de Vasco de Gama, dans une nécropole attenante où sont enterrés rois, reines et leurs descendances. Le raffinement et la richesse de la construction des voûtes transepts, autels, cryptes etc.… un émerveillement impressionnant. Comment les hommes peuvent-ils être aussi géniaux, créatifs et divins autant que destructeurs, méchants et diaboliques… ?
Nous marquions une pause sur les parvis monumentaux afin de récupérer, car j’avais encore les émotions de Fatima comme charge émotionnelle. Nous faisions donc l’impasse sur la suite de la visite de cette merveille architecturale, soit le musée archéologique, le musée de la marine, les jardins etc…
Le retour à l’hôtel pour une récupération s’imposait. On dit que les voyages mettent à rude épreuves le corps et les sens, cependant les pèlerinages rajoutent encore une charge supplémentaire au corps émotionnel, au cœur et à l’âme.
Le retour en Corse comme d’habitude était un mélange de satisfaction et de contentement mais me laissait également une note d’inachevé. Comment en quelques jours appréhender, capitaliser les richesses et les puissances énergétiques des lieux visités ? Cela faisait pourtant partie du jeu, cela faisait partie de mon voyage, de mon défi, un tour du monde de la foi, des croyances et des religions en un temps limité.
Qu’avons-nous pas fait au bon Dieu pour en arriver là… ?
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La Grèce
« Et puis il y a ceux que l’on croise, que l’on connaît à peine, qui vous disent un mot ? une phrase, vous accordent une minute, une demi-heure et qui changent le cours de votre vie »
Victor Hugo
Nous voici partis en voiture de Bastia vers l’Italie, Livourne puis traversée transversale de l’Italie pour rejoindre le port de Bari dans l’Adriatique, et embarquer sur un bateau Grec vers le Péloponnèse, la Grèce étant à l’origine de la civilisation occidentale vers le Moyen Orient ; je ressentais déjà un air de grand voyage, seul sur le pont à la proue du bateau qui chancelle malgré une mer calme n’étant agitée que par les éclats de l’astre du jour en son ascension.
Nous débarquons à Patras où nous nous installons pour la première partie du voyage dans la plaine de Thessalie où se dressent d’imposants pitons rocheux où trônent des Monastères. Au 12ème siècle une communauté de moines chrétiens orthodoxes, en ont construit plus d’une vingtaine. Aujourd’hui, il ne reste plus que six monastères en activité, ces incroyables Météores constituent l’une des plus belles curiosités de la Grèce. Ces constructions sont impressionnantes qui de nos jours forcent encore les lois de la gravité et le respect des meilleurs architectes.
A présent quelques uns sont encore habités et abritent des communautés de moines qui pratiquent leurs cultes chrétiens orthodoxes, dans une grande complexité de rites, de symboles et de chants aux odeurs d’encens.
Avec Jean Louis nous avons visité trois monastères, tels des agresseurs, car pour atteindre le Saint des Saints, il fallait emprunter des ponts de cordes ou autres ponts à levage et un plateau à bascule. Une fois à l’intérieur, on se retrouvaient au centre d’un labyrinthes musé, très bien conservé.
Il y a peu de visiteurs et nous profitions de ce privilège, pour arpenter ces couloirs qui allaient tantôt sur les murs d’enceintes avec plongeon garantie dans le vide si on n’a pas le pied sûr, nous croisions çà et là, un moine priant à haute voix en longue robe noire, avec comme coiffe, « le kamilavkion », qui est un couvre-chef cylindrique et leur donne davantage de hauteur.
Alors les questions fusent dans la tête, pourquoi avoir réalisé ces extraordinaires édifices ? Comment des hommes si fragiles avec si peu de moyens technologiques ont-ils peut réaliser cela ? Pour qui ?
Pour se protéger des envahisseurs ? Pour pratiquer leurs cultes ? Pour augmenter leur foi ? Pour s’élever ? Pour aller au fond de soi ? Les questions sont nombreuses souvent les mêmes et pourtant au fil des siècles les réponses semblent être différentes.
Le lendemain nous changions de décor pour aller sur le site antique de Delphes, après poses et haltes gustatives pour nous rappeler que l’homme se nourrit aussi de pain…
Delphes est une petite cité d’environ 1000 citoyens, construite IV siècle avant J-C et se situe entre deux imposantes roches du Mont Parnasse. Elle a été édifiée dans une vallée loin de la mer, pas facile d’accès, et sans atouts géographiques visibles.
Ce vaste complexe archéologique a, semble-t-il, été bâti à la croisée et aux carrefours d’axes énergétiques, de vapeurs de sources sacrées, de failles minérales spirituelles, suffisamment puissantes pour y abriter un oracle légendaire, le temple d’Apollon, dont des déesses et divinités, comme Gaia, qui souhaitaient siéger au centre du monde pour le présent et pour l’éternité. Une sorte de vie éternelle qu’ils ont depuis 26 siècles réussis.
Le site n’est pas très important, nous le parcourions en slalomant entre les vestiges, bien conservés et surtout bien entretenus, sans les chemins de visite imposés avec un sens de circulation, ce qui ajoute au charme des lieux.
Une errance d’une petite journée nous conduisait à un stade antique, pour ne pas faire oublier aux habitants que le corps était également important pour accéder au sacrée.
Nous nous portions vers de vastes terrasses qui furent le théâtre de combats sans merci avec les divers assaillants et conquérants de l’époque, dont les Romains eurent le dernier mot.
Le temple d’Apollon dont les ruines sont visibles aujourd’hui est modeste, il fut construit vers le milieu du Vème siècle avant J-C. dans un cadre naturel magnifique. Le théâtre de Delphes est en excellent état de conservation. Il est de taille moyenne (moins de 1000 places), il est a été construit au dessus du temple d’Apollon, à flanc de coteau. C’est extraordinaire de constater que, où que l’on soit placé dans les gradins on voit très bien la scène.
En visitant régulièrement les constructions et ouvrages romains, on est toujours stupéfaits par les moyens qu’il fallu engager pour atteindre de telles dimensions et pour arriver à ce niveau d’ingénierie. Sur le fronton du temple de Delphes nous cherchons la célèbre phrase de Socrate « Connais-toi toi-même «. Se connaître sois même, est ma devise favorite ; j’ai même réalisé une peinture où est inscrite la maxime fondatrice de la philosophie, je pense que de nos jours il est encore plus difficile de traverser la vie sans en prendre la mesure et le sens profond de ces mots sans intégrer cette célèbre et antique maxime.
Les jours suivants et avant d’embarquer vers la Crète à partir du gigantesque port du Pirée, une visite d’Athènes s’impose.
Si le peu de visiteurs des autres sites nous avaient agréablement surpris, la visite de l’acropole nous faisait changer de braquet avec une foule cosmopolite, qui alternait entre « selfies » et autres reportages vidéo.
Ce qui nous surprenait le plus était le contraste entre un monument vu et revu en photos, en documentaire ou en film et la puissance réelle de la construction qui surplombe la mégapole d’Athènes et qui se dresse devant le visiteur blasé.
Effet garanti immédiat, car nulle envie pour nous de faire des selfies, mais juste de nous poser toujours des questions sur cette créature humaine dotée de tant d’intelligence, de force et de puissance créative pour réaliser cela, mais tout autant de cruauté, d’avidité et d’énergie pour le détruire et se détruire…
Le site nous semblait moins chargé de sacrée que ne l’était Delphes, nous faisions assez rapidement le tour du Parthénon, du temple d’Athéna, puis après quelques photos, nous empruntons un escalier interminable taillé dans la falaise, qui nous amène directement et sans transition dans un quartier d’Athènes où nous finîmes de jouer les touristes, dans cette grande ville qui ne s’est pas encore remise de la grande crise économique et qui avait vu grand très grand pour les jeux olympiques de 2004. Les stigmates des sites sportifs à l’abandon restent encore visibles.
Le jour suivant est réservé au Marathon d’Athènes, un symbole pour tout sportif qui se respecte, un emblème pour le marathonien que je suis, pour en avoir fait une quarantaine.
Si à présent réaliser un marathon est supposé n’être pas trop difficile dans l’inconscient collectif, il n’en était pas de même il y a 30 ou 40 ans, et le cercle des marathoniens est relativement très fermé. Alors que dire il y a 500 ans avant J-C lorsque un messager Grec, hâtait en courant Marathon / Athènes soit 40 Kms pour annoncer la victoire contre les Perses à l’issue de la bataille de Marathon. Arrivé à bout de course la légende dit qu’il serait mort d’épuisement après avoir annoncé la nouvelle.
La visite incontournable du musée du marathon pour le sportif que je suis était belle mais surtout symbolique.
Le jour suivant nous voilà embarqués sur un ferry qui faisait la liaison directe vers l’île de Crète, la plus grande des îles grecques et la cinquième des îles de la Méditerranée.
A peine débarqués du port d’origine Vénitienne du XIVème siècle de la ville de Chania, ou La Canée en Français, nous avions l’intention de nous diriger vers le Sud et l’inconnu, mes directions préférées.
Après un rapide tour de la région, il me semblait être dans une Corse pastorale d’il y a 30 ou 40 ans, avec une côte littorale qui est une succession de belles plages et de pics plongeant dans une eau cristalline. Le tourisme effréné et l’illusion de cette économie unilatérale n’a pas comme beaucoup d’endroits sur la planète que de bons effets durables.
S’agissant d’un peuple très religieux, les Crétois ne manquent pas de fêter tout évènement et les manifestations familiales sont propices à des rites. Le culte orthodoxe, religion officielle prédomine en Crète. Cependant des églises orientales, grecques ou byzantines, sont innombrables et visibles de toutes les routes. Elles sont aussi grandes ouvertes, et sur leurs parvis des femmes sans âge, font rouler entre leurs doigts un long chapelet de perles nommé KomboloÏ, qu’elles utilisent autant pour prier que pour passer le temps.
Nous décidions de passer la porte d’une belle église, des dizaines de regards scrutent nos faits et gestes, il me semblait entendre leurs pensées, « et voilà encore des touristes qui viennent piailler et demander assistance à notre Dieu, ils n’en ont pas chez eux… ».
Passée la lourde porte sculptée, une grande potence métallique se dressait face à nous, des dizaines de fins et longs cierges se consumaient sur un lit de sable. Nous en profitions pour acheter des cierges et les planter en ayant pris soin de les accompagner d’une prière ou d’une intention particulière. J’avais tellement de choses à dire et à demander que j’en plantait trois ou quatre que j’allumais en faisant passer la flamme d’un à l’autre. A l’intérieur tout brille, tout est dorure, un mur d’icônes au fond de l’église semble remplacer nos traditionnels autels catholiques, le plafond est une succession de coupoles et de pans coupés qui supportent de très grands et ostentatoires et de lustres où brillent des centaines de loupiotes.
Nous faisons le tour du sanctuaire, surpris de ne voir aucune statue de Saint, mais de magnifiques et discrètes icones colorées, ou se signe par d’innombrables mouvement de bras les mêmes femmes que nous avons rencontré sur les parvis.
Près de la sortie dans une sorte de « guérite « semblable à un confessionnal, un prêtre, orné de la traditionnelle et grande coiffe noire, enveloppé dans un habit noir à liseré doré, lisse sa longue barbe blanche, en nous fixant sans nous regarder vraiment. Je me retourne vers l’autel, me signe et sortons sans dire un mot. Ce silence est brutalement coupé par la sonnerie de mon téléphone, mon amie Jeanne vient aux nouvelles et me demande si je suis bien arrivé en Crète, je la rassure et elle me demande de me rendre dans sa maison, car une grande fête s’y prépare pour le baptême d’un enfant.
Nous mettons en route le GPS, qui nous indique que nous avons trente minutes de trajet.
Si vous pensez que parfois tout est perdu, si vous pensez que la vie ne vous épargne pas et vous martyrise, ne perdez jamais la foi et l’espérance qui sont les deux vertus de la religion chrétienne.
J’ai connu Jeanne à Bastia, nous avions des relations professionnelles, hyper active, elle avait créé son agence immobilière et se battait chaque jour entre les prospects, les clients, les réunions de syndic et autres locataires aux diplômes d’architectes obtenus sur Google…que j’ai croisé dans une autre vie…Un monde ou les gains aiguisent les appétits mais ou les pertes peuvent êtres nombreuses et surtout catastrophiques.
Jeanne avait la quarantaine ou un peu plus. Je lui avais fait part de ma vision de son business et de son état de santé que je voyais se dégrader. Ne la voyant qu’épisodiquement, j’apprends par « la bande « comme on dit en Corse que Jeanne avait été violentée, et rouée de coup par un client. Hospitalisée, de séjour en séjour, elle allait de burn out en crises somatiques. Je prenais de ses nouvelles en lui en proposant une aide qu’elle n’arrivait même pas à formuler. Les mois passaient, j’apprenais que son agence Immobilière avait cessé toute activité et qu’elle séjournait toujours à l’hôpital pour une maladie complexe, sans traitement et dont l’issue semblait comme toujours incertaine.
Les mois passaient et, comme toujours, étant affairé à mes business ou autres défis sportifs… je recevais un ou deux ans plus tard une demande « d’ami « par le réseau « facebook », d’une Jeanne Leptokaritis de Grèce…son visage sur son profil dissipait mes doutes, car n’ayant plus de nouvelles depuis fort longtemps, je m’étais même dit qu’elle était partie pour le grand voyage sans retour….
En fait de grand voyage, elle me racontait par téléphone, sa résurrection. Effectivement d’hôpital en maison de repos où elle avait perdu autant de kilos qu’espoir, elle reçut un appel téléphonique d’une lointaine amie qui résidait en Grèce et qui lui proposait de passer quelques jours dans son village. L’idée même du voyage semblait insurmontable et pourtant…
Et pourtant deux à trois ans plus tard, jeanne avait élu domicile en Crète, avait appris la langue, sa maladie avait disparu, ses kilos et sa joie de vivre son réapparus, elle avait repris une activé professionnelle, était mariée à un Grecs d’origine allemande, (elle avait dans un premier temps appris l’anglais pour communiquer avec lui …) et était enceinte d’un petit garçon … ! Comme on dit en Corse « Paranu follè … « cela semble incroyable … » et pourtant je l’ai vu !
Alors miracle, karma, destinée ou foi en soi et en Dieu que sais-je, mais les faits factuels sont têtus…Alors à bon entendeur qui parfois désespère !
Arrivés sur le parking de la maison de Jeanne, après des retrouvailles émouvantes, elle nous présentait à toute sa famille. Elle nous conduisait vers un sanctuaire baptismal, dans une chapelle Orthodoxe sur une colline, pour la célébration d’un enfant de la famille de Sakis (le mari de Jeanne).
La narration de cet évènement aurait demandé un chapitre tant il était riche, chargé, et intense.
Sur une colline aride, surmontée d’une chapelle, battue par un léger vent soutenu qui faisait louvoyer les tenues de cérémonies, qui éloignait ou rapprochait les incantations et les musiques traditionnelles, un prêtre soulevait un enfant vers les cieux et le plongeait entièrement et à plusieurs reprises dans une vasque de pierre. Le soleil au zénith, chauffait la nature aride et la roche blanche.
Les divers mouvements de personnes dans divers sens aussi désordonnés que rituels, se mélangeaient aux odeurs d’encens et de poissons frits dans l’huile qu’une autre équipe préparait derrière la chapelle, donnait davantage de mystère à cette célébration. Impossible pour nous, de comprendre le sens de toutes ces cérémonies, sans compter la barrière insurmontable de la langue.
Nous étions cependant à notre place, car en Grèce plus qu’ailleurs les amis de mes amis sont mes amis et l’hospitalité et le plaisir de donner ne sont pas une légende.
Le soleil Crétois même sur le déclin faisait son œuvre, car pour l’occasion une barrique de vin fait maison avait été emmanchée d’une cannelle et le rosé fruité accentuais le mysticisme de la cérémonie et du lieu.
Les images du film légendaire de Zorba le Grec, revenaient à ma mémoire et venaient se confondre à la réalité du moment.
De présentations en explications confuses de notre venue de Corse, on se fit littéralement adopter.
Le mot « adopté » est faible car notre séjour fut une suite d’invitations culinaires, de visites de lieux historiques et religieux que Sakis voulait nous faire découvrir, puisque il connaissait aussi le but et le thème de mon voyage. De monastères en lieux sacrées ou des miracles eurent lieux, nous terminâmes ce séjour par la visite dans Chania (La Cannée) où l’église Agios Nikolaos est un beau symbole de l’histoire de la ville. Son campanile et son minaret, où musulmans et chrétiens se partagent le lieu dans des règles incompréhensibles, me rappellent la gestion du Saint Sépulcre à Jérusalem.
Le temps du retour avait sonné une nouvelle fois, le chemin inverse en bateau, en voiture, sur les mers, Ionienne, Egée, Méditerrané et Tyrrhénienne nous ramenèrent à Bastia.
Les retours sont toujours moins propices à la discussion et au dialogue, les retours font place à la réflexion, la décantation des moments vécus, du ressenti et de ce qu’il reste en nous. Comment peut-on imaginer que la laïcité ai pu mener à construire, édifier tant de merveilles, mais aussi qu’aurait été le liant de nos entretiens sans comprendre la langue, si ce n’est pas la foi qui agit comme un vecteur comme une boussole.
Qu’avons-nous fait au bon Dieu pour en arriver là … ?
En ce qui me concerne, pour en arriver là, je pense le savoir, il faut une bonne dose de prédisposition naturelle, c’est-à-dire avoir ce don, cette grâce de Dieu, puis les évènements de la vie font le reste. Les rencontres, les épreuves qui nous mènent vers les meilleures dispositions pour être « touché, appelé «. Je peux en témoigner, cela existe et ce n’est pas vous qui choisissez, c’est lui… Le mystère de Dieu.
Il fallait bien rentrer et les deux jours de voyage m’avaient aussi permis de peaufiner un autre projet qui était déjà dans mon road book vers une destination extraordinairement riche en histoire, avec ses pyramides et ses temples qui marquent l’inconscient collectif autant par sa magnificence que ses mystères : l’Egypte.
La période Covid, avait perturbé et chamboulé l’organisation de ce tour du monde de la foi et des croyances, c’est-à-dire que le voyage ininterrompu par étapes a été réalisé en fonction d’autre éléments dictés par la situation sanitaire mais aussi par mes activités familiales, professionnelles et en fonction de ma forme physique perturbée par l’état de mes oreilles interne, dont il fallait en tenir compte.
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La Turquie
« Plus vous voulez vous élever, plus il vous faut avoir les pieds sur terre »
Michel Tournier
Je relie ce voyage au Maroc à un voyage fait quelques années plus tôt en Turquie, avec Véronique et Eva, chiites, car impossible de ne pas raconter dans ce tour du monde, le passage à Istanbul. La Turquie est un pays musulman. Plus de 80 % de la population est musulmane, cependant l’islam n’est pas une religion d’Etat comme dans beaucoup de pays Arabes, (Maroc, Algérie, Tunisie, Libye, Egypte, Irak, Jordanie, Yémen, Oman, Emirat Arabes Unis, Qatar, Bahreïn, Koweït, Iran Etc…) mais aussi l’Arménie qui a une religion d’Etat Chrétienne.
En Arabie Saoudite ou il n’existe pas de constitution, la religion musulmane est la seule autorisée. La France depuis le 9 décembre 1905 a promulguée la loi concernant la séparation de l’Eglise et de l’état, en proclamant la liberté de conscience et garantir le libre exercice des cultes en encadrant la pratique religieuse dans l’espace public.
En Turquie on estime environ que 80-85% des musulmans sont sunnites, et 15-20% chiites. Les chiites sont surtout alevis mais il existe une petite minorité de duodécimains. Les autres branches restent réparties entre, les alaouites, Coraniques, et aussi un petit pourcentage de Coptes (Chrétiens d’Orient).
Une religion d’état est une religion officiellement adoptée par un état, ce qui signifie que la législation de cet état se conforme aux préceptes de la religion en question.
Istanbul la magique, à cheval entre l’Europe et l’Asie en est séparé par le détroit du Bosphore. La ville a changé de nom, Byzance (la bien nommée), puis Constantinople, capitale du vaste empire Ottoman, dont la chute en 1923 changeât le nom de la ville qui devint Istanboul (Istanbul). Si la religion est musulmane, les influences culturelles sont variées et le reflet des nombreux empires qui ont régné sur Istanbul transparait sans équivoque.
Notre hôtel était dans le centre culturel et névralgique, dans le quartier historique de Sultanahmet, qui a été l’épicentre de l’installation de 15 millions d’habitants en 2000 ans ! Les Egyptiens, puis les Romains entre autres y ont laissé des empreintes incontournables. (Obélisque, théâtres, hippodrome, temples, construction et infrastructures souterraines, etc…).
Nous nous dirigions vers la célèbre mosquée Saint Sophie, du Grec « Sagesse de Dieu, ou Sagesse Divine «. « C’est un chef d’œuvre architectural et un témoignage unique de la rencontre de l’Europe et de l’Asie au cours des siècles.
A l’origine c’était une basilique chrétienne, dont la construction a débuté au IVème siècle. Elle est devenue Mosquée en 1453, après la prise de Constantinople par les armées ottomanes.
En 1934 elle perd son statut de lieu de culte pour devenir un musée, puis en 2020 elle redevient un lieu de culte musulman… Qu’avons-nous donc pas fait au bon Dieu pour en arriver là…Sainte Sophie est magnifique et impressionnante elle est bâtie sur l’esplanade qui surplombe la mégapole et le Bosphore. Nous avons pu la la visiter car c’était toujours un musée lors de notre voyage. Sa coupole, ses mosaïques à fond d’or restent de nos jours une référence en termes d’art byzantin. Sa riche décoration intérieure, les peintures, les marbres de couleur, ses mosaïques à la gloire du Christ, de la Vierge et des empereurs et impératrices de l’Empire byzantin sont d’une véritable splendeur, on comprend aisément qu’elle fut transformée en musée.
Sans attendre nous nous dirigions vers la mosquée voisine, la bien nommée Mosquée Bleue, de construction plus récente 1616, sous le règne du Sultan Ahmet 1er. La Mosquée Bleue tient son nom du fait qu’elle comporte environ 20 000 carreaux de faïence bleu d’Iznik. Elle est magnifique de l’extérieur, mais aussi de l’intérieur. Elle y comporte comme bon nombre de mosquée la tombe de son fondateur Au-delà de ces dimensions impressionnantes elle diffère des mosquées traditionnelles rencontrées dans le monde, car elle possède 6 minarets, au lieu de 4, 2 ou 1 minaret classique, que l’on rencontre généralement. Cela a suscité de nombreuses controverses car la Mecque en a également six. Plus tard, et pour apaiser les fidèles, un septième minaret a été construit afin de la différencier.
Nous avons pu admirer rapidement (du coin de l’œil) les magnifiques mosaïques à dominantes bleue qui ornent la partie du dôme et la partie supérieure de la Mosquée. L’extérieur est également impressionnant et ne cesse de rivaliser avec sa voisine Saint Sophie. Sur cette « corne d’or « géographique, dénommée ville antique, se trouve également le palais de Topkapi qui domine de ses 70 hectares le Bosphore et la mer de Marmara. Le palais des Sultans Ottoman a été construit en 1465 sur l’emplacement de l’acropole de l’antique Byzance.
Après plusieurs centaines d’années de faste, de grandeur et de décadence de ces empires il devient en 1921 à la chute de l’empire un musée. Le palais comporte des centaines de pièces, regorge de trésors de l’empire disparu, il est inscrit au patrimoine mondial de L’UNESCO.
Malgré cette forte identité musulmane, le pays ou en tout cas la ville respire un parfum de libéralisme culturel ou le port du voile n’est pas systématique. Ce vaste pays de 90 millions d’habitants fonctionnant en régime démocratique est candidat depuis de nombreuses années à une intégration dans la communauté européenne.
Impossible de venir a Istanbul, sans assister à une cérémonie des Derviches tourneurs, dénommée SEMA. Ils n’ont en effet rien d’un groupe folklorique. Ce sont des religieux musulmans appartenant à l’ordre des soufis des mevlevi, fondé au XIIIème siècle par le poète mystique Dlalal al-Din al-Rumi. Cet ordre avait comme particularité de faire tourner ces adeptes sur eux-mêmes comme des toupies.
Au rythme de nombreux instruments de musique, les adeptes qui deviennent de vrais athlètes, atteignent un état de transe psychologique. Après de longues minutes et des centaines de tours (qui donnent le tournis aux spectateurs), les Derviches tourneurs lèvent les bras en l’air, puis pointent un bras vers le sol et accélèrent de plus en plus le rythme. Ils relient de la sorte le ciel et la terre, et tentent de les unifier pour mieux les harmoniser.
Je retrouvais dans cette cérémonie de mise en mouvement intense du corps, un point commun avec mes défis sportifs de l’extrême, une manière de me rapprocher d’une Divinité, de ma divinité et de la divinité de mon Dieu qui ne s’était pas encore manifesté a moi…
Dans l’existence que nous traversons à toute vitesse nous sommes mus par des instincts essentiels et fondamentaux que nous ne connaissons pas et qu’il nous est difficile d’appréhender. Je me disais donc à présent, doute, doute encore, cherche en toute humilité afin de ne pas être entaché par l’égo ce chemin que l’on parcourt d’un souffle au galop.
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L’Égypte
« L’homme meurt lorsqu’il n’a pas de rêves, et quand il les atteint, il rentre dans l’immortalité »
Etienne Meloni
Le prochain voyage approchait et nous avions l’habitude avec Jean Louis de trouver des dates qui correspondaient toujours à l’actualité politique, souvent tourmentée. L’Egypte venait de connaître une série d’attentats terroristes et le site internet du Ministère des Affaires Etrangères déconseillait fortement de s’y rendre.
Tout était néanmoins programmé et se poser trop de questions même si l’on se doit de rester prudents on ne partirait jamais.
Cette fois tout était programmé par une agence de voyage renommée avec un guide francophone pour profiter pleinement de ce que nous allions découvrir pendant ces 15 jours. Six mille ans d’histoire, méritent une attention soutenue, pour aller de découvertes en découvertes et nous étions bien décidés à recevoir tout ce que nous pouvions retenir et comprendre cette civilisation pour un bénéfice concret et plein de sens, surtout en ce qui me concernait pour mener à bien ce projet de tour du monde des religions et de la foi, qui sommeillait en moi depuis mon enfance.
Nous arrivons à l’aéroport de la mégapole du Caire attendus par un guide. Nous étions un groupe d’une petite dizaine de personnes qui avions décidé de braver les attentas promis par les islamistes et autres déçus de la révolution Egyptienne de 2011.
Les gardes de l’armé, qui étaient aussi discrets que leurs armes semblaient efficaces veillaient à notre sécurité.
Il faisait nuit et le trajet vers notre hôtel se passait sans encombres dans la pollution et la grouillante mégapole du Caire.
Le jour de notre retour vers l’aéroport fut plus risqué car une explosion avait eu lieu devant nous visant un bus de touristes sans heureusement faire de victimes. On apprenait plus tard que nos déplacements avaient toujours été encadrés.
Dès le premier matin je m’immergeais immédiatement dans cette atmosphère si particulière que fait naître ce lieu, j’étais réveillé par le téléphone, c’était Jean Louis qui me demandait de tirer les rideaux de ma fenêtre, les yeux mis clos je m’exécutais et là, reflétant le soleil levant, je voyais, émerveillé, la grande pyramide Khéops, sans aucun doute l’une des plus belles pyramides du monde. Ce n’était pas une image dans un livre d’histoire, elle était bien là, face à moi avec ses 150 mètres de haut, sa structure résultant de l’assemblage de plus de deux de millions de blocs de calcaire et ses 4500 ans d’histoire, j’étais fasciné.
Nous voici partis directement sur le site de l’Egypte antique de Saqqarah, où furent édifiées les premières nécropoles il y a 2500 ans avant J-C, dès les premières dynasties Egyptiennes.
L’incroyable pyramide à degrés magnifie le site de Djéser et a immortalisé le premier empire Egyptien.
Les Egyptiens avaient comme préoccupation fondamentale la résurrection, la vie après la mort, ils mirent tout en œuvre pour atteindre cette obsession. La réflexion qui m’a guidé tout au long de ce voyage est qu’ils y ont arrivés et bien arrivés, car 4500 ans plus tard ils sont bien présents à travers leurs monuments et ont plus de rayonnement que de leur vivant, faisant l’objet de recherches et fantasmes en tous genres et font couler encore beaucoup d’encre …
Dans la retranscription de ce voyage je ne vais évidemment pas faire l’inventaire historique de cette succession de merveilles qu’offre l’Egypte, cela m’éloignerait du but initial de mon voyage, je relate une trame assez linéaire en prenant soin de conserver le fil rouge du sens de mon voyage et du sens de ce que je deviens je crois, à savoir un esprit et un cœur qui se bonifient pour l’éternité dans un support dégradable et non un corps doté d’un esprit. La visite du musée égyptien du Caire situé sur la place Tahrir, qui est l’un des plus grands musées entièrement consacré à l’Antiquité égyptienne, me donne confirmation de cette pensée. Des centaines de momies, plus ou moins bien conservées, il ne reste pas grand chose, quelques kilos d’ossements, des bandelettes et l’image qu’elles impriment dans notre conscient, c’est-à-dire le coté macabre, la mort et la torture de ces corps après la mort.
Néanmoins si l’on se réfère aux les réalisations et aux œuvres on ne peut qu’admettre que la foi déplace les montagnes et à fortiori des blocs de granit de centaines de tonnes, qui suscitent encore de nos jours des questionnements sur les techniques de déplacements.
De nos jours ont serait bien incapables de réaliser de tels ouvrages, mais également d’induire une pensée sociétale capable de transcender la matière. De nos jours l’existence des hommes ne se résume qu’à la dizaine d’années où il est actif et productif. Enfant avec une éducation peu prise en compte et réalisé auto-transversalement, et une vieillesse « torchée « hors du cycle sociétal actif où rapidement arrive la mort avec crémation, plus de cérémonie commémorative, plus de sépulture et enfin l’oubli, pour mourir comme si on n’avait jamais vécu…
Le fait sentir, de se projeter et de se laisser absorber par un tel travail laissé aux générations à venir vous laisse sans voix. On peut aussi comprendre et supposer cette notion de vie éternelle. J’en ai fait une expérience troublante.
Pendant la période « Covid » et la menace des attentats, j’étais sur le plateau de Gizeh au centre des trois pyramides. Une sorte de retour vers le passé et très peu de visiteurs, aucun signe de modernité qui nous permette de nous situer au XXIème siècle. J’étais dans mes pensées lorsque le guide demandait : « qui veut rentrer au cœur de Khéops ? » ; Personne ne se manifestait. J’étais l’unique candidat, et après les formalités de sécurité j’entrais, seul, au centre de la grande pyramide. Après un étroit passage éclairé par de faible lampes je me dirigeais à l’aide d’une corde sur une coursive qui prenait de la hauteur et m’imposait une marche courbée, pour déboucher dans un sas où je croisais un visiteur sorti lui aussi de nulle part et qui dans un anglais aussi approximatif que le mien me dit « Amazing ! amazing !«.
Je continuais mon chemin pour redescendre cette fois, parcours interminable et hors du temps (je sus plus tard que j’avais parcouru qu’une centaine de mètres), à nouveau un sas et un orifice très bas qui semblait être la seule issue pour avancer. Je me suis courbé pour arriver dans une pièce très faiblement éclairée et sans contours et découvrir en son centre un « bassin « de pierres qui abrite le corps momifié de Kheops, qui fut le deuxième pharaon de la IVème dynastie, 2650 ans avant J-C.
Je restais seul je ne sais combien de temps, je devais faire des efforts pour ne pas me laisser absorber et diluer dans les mailles des filets du temps passé, présent et futur. Un tourbillon d’odeurs acre, un oxygène qui peine à être renouvelé dans ce boyau étroit achève le travail de dédoublement de soi !!!
Je retrouvais mes esprits, quand un autre visiteur en sueur s’extirpait péniblement de l’orifice d’entrée. Il soufflait et parlais un arabique angliciste, qui eut pour effet de me faire reprendre péniblement le chemin inverse. Je déboulais quelques minutes plus tard sur le plateau désertique inondé de lumière et c’est les yeux mi-clos que j’apercevais le guide souriant qui me dit : »si tu tardais encore j’envoyais la sécurité ».
Une heure d’expérience de la sorte ne peut remplacer des années et des années d’explications sur la foi, les croyances, et le sens de la vie … Je mesure l’intervalle qu’il peut y avoir entre ces mots que j’écris, le fond de ma pensée et la vivacité de ces moments des années après… Je me dis quand même que j’ai le mérite d’avoir tenté ces expériences.
La lumière du soleil couchant commençait à faire briller le sommet de la pyramide, le pyramidion, qui est le seul élément où se trouvent encore les parements de pierre blanche. Quand toute la pyramide en était couverte il se disait que leurs éclats était aperçus des limites du royaume.
La nuit venue nous assistons à un spectacle son et lumière, réglé à la perfection, où de nos postes d’observation judicieusement choisis, le Sphinx semblait organiser et donner la mesure du spectacle. Monuments inanimés avez-vous donc une âme ?
Le doute n’était pas permis !
Le lendemain nous avions quartier libre et nous allons voir l’une des plus anciennes églises copte d’Egypte, située dans le vieux Caire, El Moallaqa, son nom officiel est Sitt Mariam ou Sainte Marie, elle est daté du XIème siècle. Les Coptes font partie de la grande branche des Chrétiens d’Orient qui ont évangélisé l’Afrique à partir du IIème siècle, ils ont donné aux églises de très grands noms tels que Saint Augustin, le pape Saint Miltiade etc…
Les religions chrétiennes ont été supplantées par l’islam à partir du VIIème siècle. Les Chrétiens d’Orient sont de nos jours tyrannisées, leurs édifices saccagés et menacés de disparition.
Le parvis du Sitt Mariam était effectivement bien gardé par des véhicules blindés et des hommes au regard menaçant armés jusqu’aux dents. Notre présence les ayant mis en alerte et ils se dirigèrent vers nous. Le guide nous avait prévenus, on présentait nos passeports et après une fouille en règle nous avons pu pénétrer dans l’église. Elle ressemblait à une église Corse, double clocher, discrète, l’intérieur richement orné, le chemin de croix était sur les murs périphériques, et des bougies finissaient de se consumer dans un brûloir métallique richement sculpté.
Une dizaine de personnes en habits de cérémonie prirent place devant l’autel pour commencer ce qui semblait être une préparation de noce, car un homme et une femme prirent place devant le prêtre qui arborait une tenue de cérémonie lourde et coloré.
Les énormes enceintes du fond de la nef que j’avais remarqué, car elle était surmontée de grosses caméras vidéo, se mire à émettre une violente musique orientale qui eu comme effet de nous expulser à l’extérieur. La visite fut symbolique mais eu le mérite de me rappeler l’histoire et de prendre conscience que le martyr des Chrétiens d’orient est cruel et n’aura de fin, que si la pratique de leurs culte aura disparue. J’espère que les monuments et ces belles églises seront épargnés.
Le programme des jours à venir était également très attendu, car il comprenait une croisière sur le Nil de quatre jours. Après le transfert il est prévu d’aller Louxor, puis au barrage d’Assouan.
Je ne vais pas dans l’écriture de ce chapitre reprendre la liste non exhaustive des sites archéologiques extraordinaires que j’ai vus, des temples, des palais, des tombeaux, des sculptures, des musées etc… un livre n’y suffirait sûrement pas, il y en a tant sur l’Egypte pour se documenter et choisir ce que vous souhaitez visiter, dans le monde il y a tellement de merveilles mais ce voyage là est vraiment à faire. Je tourne le monde depuis 40 ans et je vous l’assure c’est un voyage à faire absolument.
La croisière était très bien organisée. Nous embarquions sur des « petits « bateaux à fonds plats, accueillant une trentaine de passagers. Nous allions de merveilles en merveilles, dans le calme absolu du Nil qui venait trancher avec le choc des siècles, le guide nous dévoilait au fur et à mesure de tout ce qui se présentait à nous.
Je fais ci-après une liste succincte de ce que je découvre sans commencer à développer la visite historique, car j’en serais incapable et un volume littéraire ne suffirait pas. Il y a tant de choses marquantes, je noterais néanmoins que j’ai été surpris par la transformation d’une salle de temple, en église Romaine daté du IIIème siècle.
J’espère qu’un jour vous aurez juste l’audace de prendre la décision de vous rendre à Edfou, au temple de Kôm Ombo, parcourir la vallée des rois, Karnak et son complexe religieux, Abou Simbel, le Village Nubien …, je dis audace car une fois la décision prise, tout n’est qu’enchantement.
A chaque site visité vous serez enchantés et parfois troublés, ce qui aura comme effet de vous poser les éternelles questions.
Comment ont-ils fait pour édifier de tels monuments ? Pourquoi ? Pour qui ? comment se fait-il que cette civilisation se soit éteinte ? Notre conscience de voyageur itinérant n’aura pas toujours de réponses, pas possible et incroyable, pour les autres à vos ordinateurs, livres d’histoire et anthropologiques…
En ce qui me concerne je vous délivre mes sentiments, mes émotions, mes réponses du moment car comme je le dis souvent nos réponses sont provisoires et dépendent souvent de l’instant présent, du lieu, de notre âge.
Les moments les plus propices à cela ont été, comme toujours, hors du brouhaha et loin des explications studieuses où mon esprit reçoit des informations que j’essaye de filtrer en conscience afin de me protéger.
Sur la proue du bateau c’était un ravissement de voir les couchers et levers de soleil sur le Nil, ils ont engendré des souvenirs forts. Les ombres des palmiers qui s’étirent (le bateau passe parfois très près des berges), la relative fraîcheur, et les ronrons du moteur à peine troublés par les appels réguliers à la prière des innombrables mosquées sur les berges du Nil qui vous rappellent en permanence que vous êtes en pays musulman et viennent compléter un état d’induction hypnotique.
Les sociétés ont besoin finalement de peu de chose, si je puis dire… être réglées et hiérarchisées, en obtenant et réalisant le fait que chaque individu est à sa place et à la place où il doit être. Faire en sorte que chaque personne se connaisse du mieux possible en continuant toute son existence ce travail. Répondre chronologiquement aux besoins fondamentaux, c’est-à-dire physiologiques, de sécurité, d’appartenance à un groupe, d’estime et d’accomplissement, le tout avec un vecteur liant que sont la foi et la croyance. A commencer évidemment par la foi et la croyance en soi (point de départ) pour aller vers un point inatteignable, la foi et la croyance dans les mystères de l’univers que je nomme Dieu.
La société égyptienne a semblé réaliser cela car pour avoir vécu 3000 ans et être encore présente de nos jours dans nos recherches et questionnements donne du sens à ma définition.
C’est peut-être pour cela que l’Egypte bouleverse, qu’elle imprègne, c’est pour cela que l’on n’oublie pas un voyage sur la terre des Pharaons, car il correspond à notre vrai nature d’homme de façon fondamentale et vient nourrir nos besoins d’être spirituel illimité voyageant un temps illimité (le kairos ), dans une enveloppe physique limitée, au temps limité ( le chronos).
Ces obsessions d’immortalité, où sont mêlés et adjoints le vivant, le minéral, le végétal et l’animal, avaient, ont du sens, et sont communes a beaucoup de religions, même si aujourd’hui notre société montre des signes évidents de rupture et de fin avec comme toujours un retour en arrière impossible.
La foi déplace les montagnes dit-on, elle les déplace vraiment, quand on touche la matière, la montagne, les carrières de pierres, quand on déplace un fleuve comme le Nil, en quelques années pour édifier d’autres montagnes à coté, qui au-delà de la foi peut le faire ? L’argent, les guerres, les tyrans, le temps, les hommes aux mains non guidées ?
Autres idées reçues également, l’esclavage en Égypte n’a pas existé comme on le défini de nos jours, le travail et les structures étaient construites selon des normes et des concepts qui ne peuvent être intelligibles de nos jours.
Je ne peux néanmoins oublier de dire et citer le récit biblique de l’exode selon lequel les Hébreux, réduits en esclavage par l’Egypte, s’en émancipèrent avec au départ l’aval du pharaon, qui revint plus tard sur sa décision.
Récit fondateur du Judaïsme, où Moise conduisait son peuple, pour retrouver la terre promise, sans aller au préalable sur le Mont Sinaï où il aurait rencontré Dieu pour la première fois et reçu les Dix Commandements.
Puis l’épreuve d’errance de quarante années dans le désert, avec les différentes stations marquantes jusqu’à la terre promise, que l’ancien testament retrace dans un volume dédié.
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Israël
« La vraie patrie est celle où l’on rencontre le plus de gens qui vous ressemblent »
Stendhal
Pour ce premier voyage, j’ai commencé fort car la vie, le destin, toujours au bon moment, me propose un voyage avec une délégation de Francs-Maçons de Corse, « obédience du droit humain mixte international «. (J’ai été Maître Franc-Maçon durant 12 ans, de 2004 à 2016 voir chapitre xx).
De la délégation initiale de départ il ne restait pas grand monde car finalement je suis parti seul. Je rejoignais d’autres membres à Jérusalem au point de rencontre de l’aéroport Ben Gourion. Je ne connaissais évidemment personne, cependant parmi une vingtaine de pèlerins, un visage ne me semblait pas inconnu. A force de le regarder et à force de nous regarder je me dirigeais d’un coup vers lui et je lui dis :
- Simon Bidousa ? Il me regarde et dit
- Mr Meloni ?
On s’était reconnus, et tombions littéralement dans les bras l’un de l’autre. Dans une autre de mes vies, il y 30 ou 35 ans, je commercialisais des alarmes électroniques résidentielles de première génération. Simon était venu en Corse me faire la promotion et la vente des premiers systèmes SYSTAL. Simon, Juif de père et de mère, voyageait avec moi et fut un guide précieux et privilégié. Il me présentait son pays, complétait d’une belle manière les commentaires de notre guide et me confiait sa pratique intime de la religion Juive. Il n’y a pas de hasard que des rendez-vous et cela était de bonne augure !
A peine arrivés à notre Hôtel, le ton de ce voyage était donné car suite aux tensions récurrentes entre Israéliens et Palestiniens, il s’en suivit une énième attaque suicide d’un bus en plein centre de Jérusalem qui donnait lieu à de violentes représailles qui étaient le point de départ d’une troisième Intifada… Résultat, le premier monument visité à Jérusalem a été un abri antiatomique, ou nous avons eu droit à une visite virtuelle de la ville et à une « tenue Maçonnique » d’un nouveau genre.
Après plusieurs transferts sécurisés, nous avons pu commencer notre voyage sous bonne escorte.
Quatre mille ans d’histoire pour une petite bourgade que rien ne laissait présager à faire une agglomération d’un million d’habitants. Rien, car Jérusalem est dans une région désertique, sans eau, sans ressources naturelles, loin des routes commerciales, loin des axes de migrations naturelles des hommes, loin de tout.
Pourtant les grands conquérants, les grandes civilisations, les grands empires, les différentes cultures, les grandes religions et celles en devenir se sont tournées vers Jérusalem. Tour à tour égyptiens, perses, juifs, jordaniens, israéliens, palestiniens, grecs, romains, byzantins, arabes, croisés, mamelouk, araméens, ottomans, anglais, européen etc… l’ont conquise, détruite, puis reconquise et détruite à nouveau. Jérusalem est au centre des intérêts spirituels de plus de la moitié de l’humanité. Un mille-feuille de 4000 ans d’histoire qui aujourd’hui encore va de rebondissements politique en découvertes historiques prêtes à remettre tout en cause. Les vérités historiques se mêlent aux mythes, les revendications historiques effacent les vérités du moment et cela dans un cycle continu qui va et vient au gré de l’histoire des hommes et de leurs civilisations.
Le Jérusalem historique est construit sur sept collines, et malgré une tension perceptible, tout tremble et tout semble figé depuis des millénaires, ou comme le disent les Italiens « Tutto a posto è niente in ordin »( tout est en place et rien n’est en ordre). Les huit millions d’israéliens résidents semblent ne pas peser lourd face aux 14 millions d’israéliens expatriés, qui, autour de la planète, financent, structurent et influencent ce petit, jeune et instable état, créé après la deuxième guerre mondiale.
Les chrétiens, dans leur intégralité œcuménique, ainsi que les arabes, les arméniens, les druzes, les grecs etc… résident à Jérusalem, ils semblent tous vouloir se réapproprier leur histoire.
Les trois grandes religions monothéistes, et toutes leurs composantes, se partagent leur territoire : horaire de prières, accès et différentes portes et places de la ville, dans un modus vivendi surprenant. Tous semblent autant aboutis qu’à faire. Tout est prêt à basculer cependant tout semble en équilibre. Il doit y avoir des règles de vie, de pratiques incompréhensibles pour de simples pèlerins comme nous, Simon me valide cela et me dit que même pour lui ce n’est pas simple du tout, car il vit en France, il a la double Nationalité, donc il est surveillé de très près par le Mossad (service secret Israélien).
Ce petit état d’Israël n’a officiellement que soixante ans, il n’était qu’un champ de ruines après la Shoah et pourtant la formidable résilience de ce peuple et de toutes les composantes induites ont réussi à le remettre en marche.
Difficile en quelques pages de mon récit de voyage de relater une visite aussi riche de cette ville de 4000 ans d’histoire. Je vous en livre donc ma courte, et inachevée expérience en témoignant mon ressenti sur les principaux axes et lieux que nous avons visité avec un guide historien. Une vie ne suffirait pas pour expérimenter et appréhender ce pays, cette région, son histoire, qui est au centre de la terre promise…
Tout d’abord et compte tenu des fortes tensions et manifestations dans les rues, nous avons commencé par les sous-sols et les catacombes de la ville, qui sont autant de musées, de galeries, et de réseaux structurants pour la vie de chaque jour.
En effet comme nous sommes dans une région désertique, avec très peu d’eau souterraine et peu de précipitations, depuis l’antiquité les hommes ont creusé, sculpté et créé des galeries dans la roche calcaire des sous-sols afin d’acheminer l’eau des montagnes et des sources environnantes.
Au fur et mesure du temps et de l’histoire des hommes, certaines de ces galeries sont devenues des cathédrales naturelles. Stalactites et stalagmites rivalisent de créativité et de beauté, le bruit de l’eau qui s’écoule, et les lumières viennent terminer le décorum a mi-chemin entre mysticisme, naturel et fantasmagorique. Le guide présente sans arrêt son programme de visite, impossible de le suivre physiquement dans les canaux et dans son débit verbal. Il nous reprécise que ces galeries et grottes souterraines, ont servi au cours de l’histoire de lieux de prières, de célébrations, d’habitations. Nous avons traversé de la sorte la moitié de Jérusalem pour remonter à l’air libre plusieurs kilomètres plus loin à l’ouest de la ville.
Le surlendemain, les émeutes tout comme elles avaient commencé, ont cessé. Entre répression, représailles, négociations complexes, se trame dans ces lieux que nous arpentons sans vraiment comprendre les enjeux, les intérêts ou tout simplement l’histoire qui s’écoule. Histoire tramée par la vie des hommes, des civilisations, donc la vie des religions, des croyances et de la foi de l’homme, des sapiens.
La visite, sous bonne escorte quand même, nous menait sur « la Via dolorosa », le chemin de souffrance, le chemin de croix que Jésus a parcouru il y a 2000 ans avant d’être mis en croix. D’un demi kilomètre de long, elle débute dans un bâtiment qui a, semble-t-il, été un palais ou un tribunal qui a donc jugé Jésus à mort, pour traverser la cité et se terminer au mont Golgotha, ou Jésus a été mis en croix avec deux autres hommes jugés pour des faits de vols et de crimes. La Via Dolorosa, comporte 14 stations, 14 lieux que Jésus a arpentés en portant sa croix. Ces 14 stations ont construit un pan de l’histoire Chrétienne. On retrouve ces 14 stations autour de toutes les églises chrétiennes du monde, sous forme de cadres, de tableaux, d’icones, ou de représentations diverses.
- 1 ere station : Jésus est condamné à mort
- 2 eme station : Jésus est chargé de sa croix
- 3 eme station : Jésus tombe sous le poids de sa croix
- 4 eme station : Jésus rencontre sa Mère
- 5 eme station : Simon de Cyrène aide Jésus à porter sa croix
- 6 eme station : Véronique essuie le visage de Jésus
- 7 eme station : Jésus tombe pour la seconde fois
- 8 eme station : Jésus console les filles de Jérusalem
- 9 eme station : Jésus tombe pour la troisième fois
- 10 eme station : Jésus est dépouillé de ses vêtements
- 11 eme station : Jésus est attaché à la croix
- 12 eme station : Jésus meurt sur la croix
- 13 eme station : Jésus est descendu de la croix et remis à sa mère
- 14 eme station : Jésus est mis dans le sépulcre
On chemine le long de cette Via Dolorosa, en marquant arrêt sur arrêt et en écoutant notre guide qui s’efforce de retenir notre attention tant la Via est empruntée par divers groupes d’étrangers, qui tentent également de refaire l’histoire avec leurs guides respectifs.
Quelques années plus tard me voici pénitent de l’église Saint Jean Baptiste de Bastia ; ce chemin de croix prenait alors une autre signification, je rentrais dans une dimension indescriptible, que nous verrons plus en avant dans mon voyage.
L’après-midi de la visite, était réservée exclusivement à l’église du Saint Sépulcre construite sur le lieu de la crucifixion de Jésus de Nazareth, au mont Golgotha, qui veut dire « Crane «. L’édification aurait commencé en 325 par l’empereur Romain Constantin qui souhaitait glorifier la mort et la résurrection du Christ. Durant 1800 ans le site et l’église ont été le théâtre de modifications, de constructions, de démolitions, d’incendies, de changement de régime, d’autorité, de gouvernance. Des païens, des romains, des musulmans, des byzantins, des chrétiens, des orthodoxes etc… se sont succédés pour contrôler le tombeau du Christ qui se trouve à l’intérieur de l’église, dans un grand édifice de bois et de pierres.
J’allais de coins en recoins dans cette église, tout seul, afin de m’imprégner davantage du poids de l’histoire mais également du sacré des lieux. Dans une crypte ou brûlaient mille cierges, autour de dorures et d’ostensoirs, se consumait un encens aux agréables fragrances. Un religieux à la chasuble richement tissée me propose de mettre ma main dans un trou au sol, au centre d’un autel de marbre, dont il était sûrement le gardien privilégié.
Je faisais rentrer mon bras dans l’orifice assez serré et touchais une roche aux aspects lisses qui semblaient être les « restes « ou a été crucifié Jésus au mont Golgotha. Je touchais, et lissais cette roche à genou avec autant de questionnements que d’émotions indéfinissables. Au bout d’un moment le religieux posa sa main sur mon épaule, et me dit dans une langue incompréhensible que je devine…qu’il était temps de partir.
Je ressortais de cette nef, pas encore au bout de mes émotions, car je me dirigeais vers le tombeau du Christ qui se trouvait au centre de l’église sous une coupole de grande dimension. Sous la coupole une magnifique construction de pierres roses surmontée d’une petite tour, se trouverait le tombeau du christ, se trouverait car selon l’histoire, les époques et mêmes les lobbies, l’homme aurait fait plusieurs fois son histoire…
Pour moi Jésus, son âme, son histoire et ce qu’elle représente était bien à l’intérieur ce tombeau. Un autre religieux gérait et filtrait l’entrée. On avait le droit de passer quelques minutes à l’intérieur du caveau du Christ. Je patientais quelques instants, et j’en profitais pour me recueillir ; visualiser d’où je viens, où je suis et où je souhaiterais aller. Je le dis souvent la foi soulève les montagnes et sauve ceux qui en sont « touchés ».
L’homme, le gardien du temple…se dirige vers moi, il est immense et sa robe scintillante d’un seul tenant ne fait qu’accentuer sa taille, tout comme sa coiffe qui l’allonge davantage. Sans parler, d’une large main, il me montre l’entrée comme un aval pour y aller. Je ne le regarde pas mais vois que de son autre main il lisse sa longue barbe tel un rituel immuable. Je me place devant la petite porte basse où je dois me courber pour la traverser ; à l’intérieur, une minuscule pièce au plafond assez bas peu éclairée, se trouvaient deux banquettes de pierres de chaque côté de l’élévation. Je n’avais pas besoin de visualiser de mes yeux où je suis, mon « 3ème œil « avait déjà tout intégré, je vous livre d’ailleurs à présent tout ce récit et ses détails sans aucune note, sans avoir à fouiller dans ma mémoire, tout me revient instantanément.
Un autre gardien était assis sur la banquette qui me faisait face me faisait un signe de la tête pour m’inviter à m’assoir face à lui. Tout était calme et volupté. Au bout de quelques secondes qui m’ont parues une éternité, il me fait signe de passer ma main au travers d’un orifice, au centre de ce qui doit être le summum, la matérialité du tombeau. Je passe ma main avec délicatesse à travers l’orifice, le bout de mes doigts arrive enfin à toucher quelque chose dont la matière ne m’est pas connue que je caresse une fois, deux fois, et retire ma main. Sans me rassoir je refais je chemin inverse, me courbe et ressort d’un coup tel un bouchon, qui libère un vieux vin en lui redonnant de l’oxygène.
La visite continue, on se dirige, bien guidés cette fois, sur la pierre tombale ou Jésus a été lavé avant la mise au tombeau. Une immense dalle de pierre est posée sur une roche taillée. Là aussi une visite minimaliste gère les pèlerins. Devant moi une femme en pleurs frotte son visage avec un tissu imbibé d’un liquide qui ressemble à une huile, sur la pierre tombale. Huile, sueur, et pleurs se mélangent aux émotions de cette femme qui se retire pour me laisser la place. Difficile de succéder à cette démonstration de foi. Je frotte mes mains sur la pierre, récite un notre père et fais marche arrière, un peu décontenancé par ce sentiment si fort qu’à généré ce moment.
Dirigés vers une autre crypte nous voyons une pierre ronde posée au sol, qui représente, l’omphalos Mundi, le centre du monde pour les chrétiens. J’avais vu lors de ma visite en Grèce à Delphes une pierre représentant dans l’antiquité, l’omphalos Mundi au milieu du temple d’Apollon.
Il est bientôt 19 heures et les gardiens du temple, nous font signe de sortir. Depuis le 13ème siècle une organisation complexe pour la gestion des clefs et donc de l’ouverture et fermeture des portes est confiée à différentes communautés. Chrétiens, arméniens, orthodoxe et même musulmans qui ont le privilège familial de garder les clefs depuis plus de 800 ans.
Le lendemain, nous prenons la direction du mur des lamentations, qui est une partie du mur qui soutient l’esplanade du temple de Jérusalem. Du deuxième temple, car le premier temple, dit « temple de Salomon », aurait été détruit selon la bible hébraïque par l’armé Babylonienne, avant notre ère.
Le mur des lamentations est considéré par le peuple Juifs comme l’endroit le plus saint pour la prière. Sous bonne garde, après plusieurs filtrages de sécurité, nous voilà sur cette immense place de pierre chauffée à blanc par un soleil de feu. Face à nous ce grand mur de pierre de taille énorme m’impressionne.
Les fidèles habillés de tenues traditionnelles, se courbent et se redressent devant le mur en faisant des incantations, des prières, leur livre de prières à la main, ils ondulent tels une vague de fond incessante. Les femmes et les hommes sont séparés.
Je rentre dans une file et me retrouve face à face avec le mur. Mes compagnons de prières à ma gauche et à ma droite ils ont déjà commencé leurs prières dans un rituel bien rodé. Ils ondulent harmonieusement d’avant en arrière et récitent et chantent en s’adressant à Dieu. Je suis vraiment déstabilisé, cependant je récite un «Je vous salue Marie », un « Notre père », un « Je crois en Dieu ». J’avais pris soin, comme le veut la coutume, de rédiger mes vœux et mes demandes d’intercession sur un petit papier afin de l’insérer dans les pierres du mur. Je me retire à reculons comme pour ne pas offenser le sanctuaire.
Je retrouve le groupe pour une visite du temple attenant au mur des lamentations. L’entrée est obstruée par une cérémonie qui doit être une Bar-Mitzvah, d’un adolescent habillé d’un pantalon noir, d’une chemise blanche, d’une kippa posée sur la tête, avec sanglé sur son bras et sur sa tête deux petites boites où se trouvent à l’intérieur quatre passages bibliques. La foule qui l’entoure entonne des chants litaniques le tout dans un mouvement ordonné qui m’est totalement incompréhensible. La troupe avance, derrière des rabbins qui tiennent une immense urne de bois qui laisse apparaitre à l’intérieur des rouleaux de la Thora d’une grande dimension.
Nous quittons religieusement les lieux en prenant le temps d’analyser ce moment. Parti de Corse tout seul, sans trop savoir comment tout cela allait se passer se pose la question où suis-je ? Je suis au bon endroit, ou je devais être ou je dois être… Effectivement, comme le dit Dietrich Bonhoeffer « Il y a un sens dans chaque voyage, qui est inconnu au voyageur «.
Le lendemain une autre étape vers le lac de Tibériade, la mer morte, le Jourdain, en car et toujours sécurisés, car la nuit du ciel Israélien avait été animée par des tirs de roquettes, des sirènes hurlantes et des ripostes…
Cette région n’aura décidément pas de paix, et cela dure depuis des milliers d’années. Après quelques heures de voyage monotone, la région est désertique a plus de 80%, pas d’eau, peu de précipitations, de la rocaille, des pierres et le soleil qui chaque année réchauffe un peu plus la planète.
Nous n’avons pas pu nous rendre à la ville voisine de Bethléem, car les checks-points Cisjordanien étaient sur les dents et nous demandaient une autorisation spéciale pour aller sur ce lieu sacré où Jésus est né. J’aurais vraiment aimé voir cet endroit. Nous arrivons enfin en Galilée, et à la ville Capharnaüm ville emblématique le l’époque de Jésus où de nombreux miracles seront accomplis notamment par des malades en quête de guérison.
Capharnaüm, veut dire en hébreu village de compassion, village de consolation et ne veut surtout pas dire pas comme en langue française bazar, fouillis etc…
De nos jours, Capharnaüm est un village de pécheurs qui vivent beaucoup du tourisme. Le guide nous propose la visite de la basilique de Saint Pierre, basilique contemporaine construite à côté des ruines d’une basilique byzantine du Vème siècle elle-même construite, d’après les historiens, sur les ruines archéologique de la maison de Saint Pierre. Une grande statue de Saint pierre garde religieusement les lieux.
Plus en amont nous visitons également les ruines de la synagogue de Capharnaüm, également d’origine byzantine judéo chrétienne du 1er siècle. Elle est l’une des plus anciennes synagogues du monde. En Israël, notamment on est assommé par le poids de l’histoire, tout a une origine, tout est issu de quelque chose, tout s’explique. Je n’arrive plus à emmagasiner tant d’informations, la fatigue et la chaleur viennent définitivement fermer mes écoutilles intellectuelles, du coup je me retire, monte sur un petit promontoire et me concentre uniquement des ces lieux, cela est déjà énorme. J’imagine cet endroit il y a 2000 ans, la foule, les malades, les attentes, les luttes, les guerres, tant de cruautés et tant d’espérances. A cette époque la vie d’un homme ne devait pas valoir grand-chose et pourtant il devait y avoir le même instinct de survie que de nos jours, ils ne s’exprimaient pas de la même manière certainement.
J’aperçois au loin mon petit groupe qui se rassemble pour une visite en bateau sur le lac de Tibériade. Grand Lac d’eau douce de 160 Km2, alimenté par le Jourdain et situé sous le niveau de la mer, comme la mer morte. Si aujourd’hui le lac est une belle station balnéaire, il fut il y a 2000 ans le théâtre de nombreux épisodes de la vie de Jésus, pêche miraculeuse, marche sur les eaux, tempête et mer calme.
Nous embarquons sur des larges barques en bois, où nous avons droit à un spectacle pour touristes plus assoiffé de boissons que d’histoire, le guide tente de faire entendre sa voix sur des musiques et des chants traditionnels. Dès notre retour, et sans attente nous nous engouffrons dans le bus, car ce soir nous dormons dans un Kibboutz. Les kibboutz sont des exploitations collectives de divers ordres, agricoles, artisanales, mais également tournées vers la recherche et le développement. Quelques centaines de personnes travaillent de façon collectiviste et communautaire au service de diverses causes complexes et historiques. Elles ont eu et ont toujours une forte influence sur l’économie et la politique. Il y en aurait plus de 300 en Israël.
Visite tambour battant de notre Kibboutz qui était spécialisé dans la recherche et l’économie de l’eau. Je n’ai retenu qu’une chose, en Israël l’eau est et deviendras de l’or blanc et leur objectif est de transformer, valoriser l’eau sans en perdre une goutte.
Après le repas je me baladais sur les rives du lac de Tibériade où j’ai eu droit à un magnifique lever de pleine lune sur les flots du lac, transformant l’eau pas en or mais en argent. Après une journée comme celle-ci et des moments comme celui-là, je sais pourquoi je voyage.
Le lendemain direction Massada et son histoire terrible. Massada est un site géologique constitué d’une petite montagne rocheuse de quelques centaines de mètres, un promontoire naturel, qui s’élève comme une forteresse. Son sommet est une sorte de plateau de 1 ou 2 hectares, sa circonférence n’est que falaise abrupte.
Un téléphérique nous amène sur le plateau où fut construit depuis l’antiquité une forteresse qui fut, au fil des guerres et invasions avant notre ère, imprenable. Durant la conquête et l’invasion romaine de la région, quelques centaines de familles juives et des soldats, s’y refugiaient et furent épargnés de la domination et du joug Romain. La situation insolite et rebelle de Massada faisait néanmoins de plus en plus de remous à Rome, en tout cas suffisamment pour que l’empereur, prenne l’affaire en mains et au sérieux. L’empereur nomma son meilleur général, Lucius Flavius Silva avec mission de prendre Massada. Des milliers d’hommes et de matériel de guerre firent le siège à Massada durant trois ans, en tentant toutes sortes d’assauts militaires infructueux du fait de la situation géologique complexe du site.
Les réfugiés dans la forteresse encaissèrent le siège sans trop de problèmes car ils vivaient en autarcie. Récupération et gestion des eaux de pluie, agriculture sur le plateau etc… Il paraitrait que l’empereur romain en fit une affaire personnelle de tout premier ordre et mobilisa d’autres garnisons pour faire tomber Massada. Le général en chef de cette opération décida alors de déplacer une montagne… Déplacer une montagne voisine, rien que ça ! Soit des millions de tonnes de terre et de pierres pour construire une rampe inclinée de plusieurs centaines de mètres de long et de haut, afin d’avoir accès aux murailles de la forteresse.
Encore une fois, il est impossible avec des mots d’interpréter ce chantier titanesque. Je me demande si de nos jours avec les moyens modernes on serait capable de réaliser un tel ouvrage. Raser une montagne pour la replanter des kilomètres plus loin. Le chantier dura à nouveau des mois ou des années. Les habitants de la forteresse durent comprendre surement au fil des mois de cette abnégation une issue certaine. Quand les soldats Romains arrivèrent au terme de l’ouvrage, quand les dernières tonnes de pierres furent déposées au sommet et qu’ils purent enfoncer les portes de Massada, ils se trouvèrent devant des scènes horribles et des visions terrifiantes de la fin de l’histoire.
Les centaines de personnes de la forteresse, au lieu de se rendre à l’envahisseur et s’avouer vaincues, échafaudèrent un macabre plan. Des groupes de personnes furent en charges de tuer successivement d’autres groupe entre eux, femmes et enfants, afin qu’il ne reste qu’une seule personne, le chef du groupe qui se suicida à la fin de la tuerie collective.
Avant cela ils prirent soin de brûler toutes les habitations et leurs outils. Ils n’épargnèrent qu’une maison qui leur servait d’entrepôt de nourriture, afin de montrer aux assaillants qu’ils avaient de quoi tenir encore des années. Ils consignèrent leurs tragiques histoires sur des parchemins en vue et à la disposition des assaillants.
La stupeur des soldats romains à l’arrivée sur les lieux, retenti jusqu’à Rome. Bravoure, courage, face à la folie des hommes, qui traverse les siècles et dont j’en suis aujourd’hui un humble témoin aujourd’hui.
Je quittais Massada, lieu visiblement tranquille dont son silence assourdissant rugit encore de douleur 2000 ans plus tard, je me retirais afin de rejoindre notre petit groupe, qui visiblement avait besoin également de plus de légèreté, cela tombait bien, car notre guide nous proposait le traditionnel bain dans la mer morte. Une petite trempette dans cette mer qui disparaitra à terme, tant son eau est pompée pour l’utilisation civile. Cet endroit est le plus bas de la planète, moins 400 m environ, le taux de salinité est de plus de 30%, cela donne une sensation étrange de flotter comme une bouée. Il est interdit de mettre la tête sous l’eau et gare à ceux qui ont une petite griffure ou une écorchure, la salinité de l’eau est agressive et provoque des douleurs.
Le lendemain, nous nous orientons vers l’esplanade des mosquées pour une visite interdite par l’armée Israélienne compte tenu des émeutes et guérillas encore actives. Dommage, car c’est l’un des lieux le plus sacré du Judaïsme, avec le dôme du rocher, sur la place où se dressait dans l’antiquité le Temple de Jérusalem et ou se dresse à présent, et entre autres, la célèbre mosquée Al-Aqsa, troisième lieux Saint de l’Islam.
Nous nous dirigeons ensuite vers le Mont des Oliviers à l’est de Jérusalem, autre lieu important pour les trois religions monothéistes. C’était le lieu de prédication favori de Jésus. Le site est à présent entouré d’églises, de chapelles, d’un monastère orthodoxe, de temples et de mosquées.
Nous étions en train de nous recueillir tranquillement sur une des terrasses où avaient été plantés des jeunes oliviers, lorsque Simon mon ami de trente ans que j’avais retrouvé à l’aéroport me dit : « viens », il me prit la main et on dévalait les escaliers de pierres millénaire en direction du cimetière Juif le plus grand au monde. Simon me dit : « on va voir ma mère ». Pour un juif être enterré dans le cimetière au Mont des Oliviers est un privilège et une consécration suprême. Simon zigzaguait à vive allure dans les allées et carrés blanc comme neige des pierres tombales, nos pas était toujours couverts par les détonations provenant de l’esplanade des mosquées.
« Dépêche-toi » me dit Simon « bientôt ils vont se déplacer vers nous et nous allons rester coincés ». Quelques pas plus loin Simon, tel un chien d’arrêt stoppa net son pas et ne bougeas plus un pouce. Il était devant la pierre tombale de sa maman, je fis deux pas en arrière pour respecter son recueillement.
Je l’entendais prier en hébreux, se courber plusieurs fois, puis d’un coup d’un seul, volte-face et me dis « Go, on dégage ». On retrouvait notre petit groupe qui commençait déjà à s’inquiéter de notre disparition subite.
La nuit ne fut pas de tout repos car nous quittions notre hôtel de Jérusalem, pour Tel-Aviv apparemment plus calme. Cela a été une chance car on a pu profiter de la grande ville de 500 000 habitants, construite au bord de l’eau il y a peine 100 ans. Au 19ème siècle elle était avec Jaffa, sa voisine, un modeste port de pêche ; aujourd’hui elles ont fusionné pour devenir une grande ville, une grande puissance économique.
Ce voyage mené tambour battant, nous a fait faire le « yoyo » entre des millénaires d’histoire du passé et du présent, des salves de roquettes du Hamas avec les ripostes Israéliennes qui nous ramenaient sans cesse à la réalité. La réalité humaine et à nouveau la folie des hommes, et bien sûr l’incompréhension du message des religions qui prêchent, l’amour et la paix en se faisant la guerre…
Le retour à Bastia fut pour moi un choc, mais la vie a toujours raison et je préparais déjà une nouvelle destination qui allait me mener sur le chemin de Saint Jacques de Compostelle. Un Pèlerinage sûrement plus calme et plus physique.
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Témoignage
Jordanie
« Toutes choses sont dites déjà, mais comme personne n’écoute, il faut toujours recommencer »
André Gide
La période de confinement mondial face au COVID commençait à décroître et je pouvais accélérer le rythme de mes voyages. Les conflits armés étaient par contre en recrudescence, guerre en Ukraine, Syrie, Israël, Palestine, guerre civile au Soudan etc… Mais je pouvais néanmoins faire mes plans.
J’optais pour le moyen Orient, avec la Jordanie et le Liban. A la dernière minute un conflit au Liban me faisait ajourner ce voyage, que je reprogrammais pour une autre date et je me concentrais sur la Jordanie, ce qui était déjà un beau morceau de la Terre Sainte, terre sacrée depuis 3000 ans, que se partagent les pays voisins, Israël, L’Irak, l’histoire des religions Monothéiste.
Mon agence de voyage qui me refusait le programme au Liban, m’organisait un voyage spirituel d’une douzaine de jours en Jordanie. Douze jours pour appréhender un pays aussi riche d’histoire c’est peu mais bon, la route est longue et je suis loin de voir le bout de ce projet un peu fou d’un tour du monde de la foi, des religions, des croyances et de la spiritualité.
La Jordanie a une situation politique relativement stable, le tourisme est une ressource importante pour le pays qui entend bien la conserver. Elle a traité des accords de Paix avec ses voisins et a toujours eu d’excellentes relations avec l’occident, notamment avec les Anglais qui ont aidé à dénouer la révolte Arabe de 1921 avec le célèbre Lawrence d’Arabie, immortalisé par le grand écran, qui a réussi à unifier les nombreuses tribus nomades et rivales du Joug Ottoman.
Avec Jean Louis, qui était encore du voyage, nous atterrissions à Amman, capitale de la Jordanie. Jean Louis toujours aussi peu croyant, encore un de ces Saint Thomas incrédule mais toujours prêt à vivre les expériences qui au fil du temps, au fil des voyages, tout comme pour moi nous façonnent en profondeur.
La Jordanie a une superficie qui fait la moitié de la France pour 10 millions d’habitants, dont la moitié à Amman et le reste dans 3 ou 4 grandes villes. 80 % du pays n’est que désert de sable et de roches avec très peu de ressources naturelles, notamment très peu d’eau.
Un désert, et pourtant elle est au cœur de depuis plus de 3000 ans de l’histoire des trois religions monothéistes, avec les chrétiens, les musulmans et les Juifs. Elle a vu aussi naître des civilisations anciennes comme les Omeyyades
Les Nabatéens qui ont construit la 7ème merveille du monde avec la cité de Petra. La civilisation Romaine a également étendu son empire dans ce pays montagneux, elle a construit des citées sur la route des épices, de l’encens et de la soie.
Nous prenions rendez-vous avec notre guide qui allait, avec la dizaine personnes du groupe, nous prendre en charge pour nous emmener dans des lieux historiques, saints et sacrés qui ont contribué à la magnifique histoire de l’humanité.
Basile nous conduisait d’emblée dans le centre historique d’Amman dont la première origine remonte à la période néolithique. Les Romains, influencés par la période hellénistique au tout début de notre ère se sont implantés durablement dans la région et ont construit, au carrefour des voies Romaines, une partie de la ville Antique. Une partie car la civilisation Byzantine a rapidement pris le relais, avant que les arabes ne s’installent au gré des déclins des civilisations.
Le théâtre antique romain d’Amman est l’un des plus grands et un des mieux conservé au monde. Il pouvait accueillir 6500 personnes. Je me suis installé au dernier rang et je pouvais aisément entendre une personne parler au fond de la scène. On a beau être familiarisés avec la civilisation Romaine, je suis chaque fois impressionné quand je visite leurs sites à travers le monde.
Les romains étaient des bâtisseurs de génie car nous utilisons encore 2000 ans après leur savoir-faire, ils étaient des guerriers redoutablement bien structurés, mais aussi de grands philosophes qui ont su tirer parti de la civilisation grecque. Ils ont su également instaurer une paix Romaine dans leurs immenses empires. Une fois la paix instaurée, une fois leurs guerres d’invasions gagnées, les romains avaient comme stratégie de s’unir et de s’allier avec ces peuples conquis afin de leur offrir leur haut niveau de civilisation avancée. Ils construisaient de la sorte et à travers les parties du monde conquis des petites « Rome » qu’il était difficile de refuser tant le niveau était élevé (construction, arts, culture, santé, sécurité, nourriture etc… et bien sûr divertissements).
Au Nord de Amman la ville de Jerash est considérée comme l’un des sites de la Rome antique les mieux conservés du Proche-Orient. Les nombreux temples dédiés aux divinités Romaines sont impressionnants de par leur grandeur, mais aussi de décadence car dès leur conversion au christianisme certains ont été transformés en églises, puis en mosquée, puis à nouveau en églises à l’époque des croisades dans leurs conquêtes de l’Orient au XVème siècle. Tout se transforme et rien ne se perd surtout pas la foi. Je commence à en être convaincu, être convaincu que l’homme quelle que soit son époque, sa civilisation, sa puissance a besoin de croire et de pratiquer.
La croyance précède la connaissance, la dépasse parfois afin de mieux se laisser dépasser à nouveau. Mes recherches sur ces thèmes et surtout mes voyages valident ces propos. Le Moyen Orient aride et sans ressources (hormis de pétrole, depuis moins de cent ans et que pour une toute petite partie de ce pays) est un objet de conquête et de convoitise sans pareil, pourquoi cette terre aride mais promise est-elle toujours autant convoitée et conquise ?
Les jours suivant direction le Mont Nébo qui est l’un des principaux lieux bibliques de la Jordanie. C’est là que Moïse dans l’exode arracha le peuple hébreu du joug Egyptien, et le mena à la recherche de la terre promise, après 40 années d’errance dans le désert.
Après 40 ans de doutes qui ont failli voir l’extinction de son peuple, ils arrivèrent au sommet du Mont Nébo d’où ils pouvaient apercevoir et contempler leur terre, la terre promise qui s’étendait sous leurs yeux.
Moïse ne put cependant les mener au terme du voyage car il succombait sur le Mont Nébo, où il fut enterré. C’est Josué son successeur qui accomplissait la tâche finale et menait les hébreux sur la terre promise. La vue du Mont Nébo est époustouflante, sous nos yeux la mer morte, Jérusalem, Jéricho (la plus vieille ville du monde), le lac de Tibériade, Bethléem…
Cet endroit, actuellement animé par les Franciscains, est un site magnifique reconstitué où se trouvent les vestiges d’une église historique avec des mosaïques anciennes superbes qui témoigne de l’évènement. Les évangiles témoignent également du passage de Moïse par le Mont Nébo.
Le Saint pape Jean Paul II s’y est rendu en 2000, il a inauguré un superbe monument, qui fait l’apologie de la foi avec les trois religions monothéistes représenté par le visage de Moïse, celui de Jésus, et d’une partie du visage de Mahomet voilé. En effet la religion musulmane ne représente aucunement le visage ou la statue de Mahomet, quel en soit le lieu. Leur Dieu ne peut être vénéré et représenté sous une forme humaine.
Ce monument me parle énormément, valide ma pensée, et me confirme qu’au-delà des divinités des Dieux, on doit avant tout respecter la croyance de son prochain, parfois la partager et en faire l’expérience, car au-delà des politiques dogmatiques engendrées par la haine, le pouvoir malsain de quelques minorités utilisant la peur, il reste l’essentiel, c’est-à-dire l’amour.
Dieu quel qu’il soit est amour et pardon, bienveillance, tolérance, espérance, il ne peut en être autrement. Les partages de pratiques spirituelles et religieuses que j’ai pu pratiquer dans divers lieux de la planète confortent ma pensée, il y a plus de choses qui nous rassemblent que celles qui pourraient nous opposer ; comme disait Antoine de Saint Exupéry, nos différences au lieu de nous diviser nous réunissent.
Quand le pouvoir de l’amour aura pris le pas sur l’amour du pouvoir les choses vont se clarifier et les différences s’atténuer. Alors que personne ne le sait, personne ne le croit, mais j’en suis intimement persuadé, l’espérance est sur le chemin, notre chemin commun. J’en suis tellement convaincu que pour un fervent chrétien pratiquant comme moi, j’ai nommé dans mon village du Cap Corse ma maison et ma société « Le Minaret « …
Le lendemain nous allons découvrir la basilique Orthodoxe de Saint Georges située dans le quartier historique de Madaba. Cette église, au cœur d’un pays musulman et au cœur d’une ville ou les mosquées dressent fièrement leurs minarets vers le ciel, une église Orthodoxe a été récemment rénovée et reconstruite sur les murs d’une église du Vème siècle, côtoie sans vergogne et avec harmonie une mosquée située à quelques mètres. La particularité de cette église est que sur son sol primitif antique, les archéologues y ont trouvé une magnifique mosaïque de pierre de 16 mètres sur 8, représentant la plus ancienne carte de la terre promise.
C’est extraordinaire, tout y est représenté et nommé, le mont Sinaï, les villes de Jérusalem, Bethléem, Jéricho, Tibériade, le delta du Nil, le monastère du Mont Nébo, la mer morte, et d’autres lieux bibliques. Cette mosaïque, qui est un véritable chef-d’œuvre représentant la terre promise, vient confirmer les écrits de la bible et vice versa.
Le lendemain nous partons pour l’incontournable visite de Pétra située au milieu des montagnes du désert. Ce qu’il y a de gênant dans mes voyages et la visite de ces sites magnifiques, saints ou sacrés, c’est qu’ils sont réputés et donc visités par beaucoup de monde.
Cette affluence a un inconvénient majeur, c’est que l’émotion et la puissance du lieu est édulcoré par l’arrivée ou la présence de nombreuses personnes sur ce même lieu de toutes les nationalités de toutes inspirations, qui se regroupent vers les marchands » les marchands du temple… « prêts à tout pour vendre leurs marchandises.
Cependant cela est un passage obligé, je comprenais bien sûr cette réalité touristique économique et j’essayais de rester « focus « sur mon approche spirituelle, j’avoue que parfois ce n’était pas facile.
Pétra est une citée que les nabatéens ont réalisé et occupé pendant quatre ou cinq siècles à compter du 1er ou 2ème siècle avant notre ère. Petra a été édifiée dans un massif rocheux assez friable au couleur rose rouge marron. Le site, de quelques kilomètres carrés, a comme particularité principale sa construction dans la roche, des cavités pour réaliser des tombes, des lieux de prières et des mausolées pour leurs habitants. En fonction de l’importance des personnes, cela allait d’un simple trou dans la roche à de véritables merveilles et des monuments de plusieurs dizaines de mètres de haut richement sculptés.
Certaines tombes ressemblaient à des frontons d’église ou de monastère. Le type d’architecture est de diverses inspirations : égyptienne, grecque et même romaine. On ne sait pas grand-chose de cette civilisation Nabatéennes qui n’a pas laissé d’écrits, peu de signes montrant leur niveau de civilisation. On pense que c’était des marchands.
Le site est surprenant car pour arriver au centre de la cité nous étions obligés d’emprunter un canyon de plusieurs centaines de mètres, qui débouchait subitement sur une grande façade imposante sculptée. Les Romains ont investi les lieux, durant deux ou trois siècles, ils ont comme d’habitude édifié leurs petite Rome, avec un théâtre de 4000 places construit dans la roche (le seul au monde de cette taille dans un rocher), une voie romaine pour relier d’autres citées, deux temples pour vénérer leurs dieux, des sites de sacrifices, puis enfin des églises du 4ème siècle, témoins de leur christianisation finale, pour à leurs tours disparaître laissant la cité au peuples nomades de la région.
Un tremblement de terre a semble-t-il secoué fortement la région au XIVème siècle et Petra a été abandonnée de tous, même par les bergers musulmans. C’est au 18ème siècle qu’un archéologue Suisse, avec l’aide des bédouins locaux à fait ressurgir cette cité en sommeil depuis plusieurs siècles.
Les jours suivant notre guide Basil mettait le cap au sud en direction de la mer morte, la mer rouge avec la célèbre ville d’Aqaba, qui est le seul accès à la mer pour la Jordanie. Le grand sud était toujours aussi aride et sec, je me demandais comment ces régions allaient-elles faire face au dérèglement climatique qui s’accélère ? Pour sa part Israël a depuis longtemps pris les devants, une goutte d’eau est recyclée cinq fois, elle a installé un barrage sur le Jourdain (malgré l’interdiction validée sur les traités de paix avec la Jordanie) …
Tout cela n’était pas ma préoccupation car on filait avec Basile et cinq autres personnes sur le site du baptême du christ Béthanie au-delà du Jourdain. Pour arriver à destination une autorisation spéciale délivrée par l’armée Jordanienne s’imposait car le minuscule bras du Jourdain où se trouve le lieu saint, ne mesure qu’une dizaine de mètre et en face se trouve Israël. Les hommes en armes des deux pays se font face, se regardent, s’espionnent et au milieu coule une rivière…
Sur le site se trouvent plusieurs églises et chapelles, orthodoxes, chrétiennes, implantées discrètement sur le petit plateau, nous serpentons un sentier arboré et serein comme un préambule avant l’apothéose. Arrivés sur un petit promontoire un monument et des mosaïques murales attestent de la venue du Saint Pape Jean Paul II en 2000.
Comme au Mont Nébo le Pape a dit que la sainteté et le sacré du site transcende les hommes et leurs religions et que malgré l’histoire les hommes n’auront d’autres choix que de vivre en harmonie. Passé le monument on débouchait subitement sur le lieu du baptême du Christ, il était étrangement vide, il y régnait une sérénité prégnante. Le guide nous donnait toutes les explications historiques, que j’entendais à peine. A la place de cela je voyais Jésus dans l’eau immergé jusqu’à la taille et Jean à ses côtés lui versant l’eau sur sa tête, j’imaginais un vent du ciel, telle une trombe plongeant sur les deux hommes, le père, le fils et le Saint esprit en même temps, et seulement moi pour contempler… Waouh !
La rationalité nous mène du point A au point B, mais l’imagination n’a point de limite. Basile revenait vers moi et m’invitait à plonger mes pieds mes mains, ma tête dans le Jourdain. J’étais seul, seul au monde… A moitié immergé dans l’eau, je priais le « je crois en Dieu », « Notre Père », j’invoquais l’esprit Saint pour mes aïeux, ce qui étaient là, et celui que nous attendions avec joie, le fils de ma fille en Juin… Je trempais mon chapelet dans l’eau, puis passé un temps non mesuré, je refaisais le chemin inverse, je me disais que le pouvoir de l’eau, la mémoire de l’eau, la science l’a démontré, est indépendante du temps et de la matière.
Il était temps de repartir après avoir pris quelques photos et fais vidéo, j’entendais Basile expliquer que sur le site se trouvait une église du 5ème siècle, ou les archéologues avaient mis à jour une mosaïque validant et recoupant les écrits des évangiles, sur le thème du baptême et de son lieu. Cette mosaïque est concordante avec la bible, ainsi qu’avec la carte mosaïque de la terre Sainte retrouvée dans l’église orthodoxe du 4ème siècle de Madaba. Pour moi pas besoin de preuves, « tu ne m’aurais pas vu si tu n’y avait pas cru … ».
Direction la mer morte, pour le traditionnel bain « flottant « … La mer morte est l’endroit le plus bas de la planète, moins 430 mètres, l’eau est saturée en sel (plus de 30 %) et le corps à moitié immergé, ne coule pas, rien ne vit à l’intérieur, une odeur de potasse y règne… Mais pourquoi ces territoires sont tellement convoités, pourquoi une terre sainte dans un endroit si hostile ? Le Christ privilégie décidément les endroits pauvres, durs et difficiles.
Retour à Amman via Paris et Bastia, car mon pèlerinage est loin d’être terminé, plus j’avance et plus ma conviction est forte, le besoin de croire est inhérent à l’homme, c’est un besoin fondamental, il n’y a pas mille Dieux, mais il y a mille façons de le prier, cela varie, change, en fonction des périodes, des sociétés et des hommes.
A peine arrivé, je faisais monter en puissance les itinéraires du voyage, je changeais d’agence de voyage, quittais « Voyageurs du Monde » et optais pour une agence en ligne plus facile et plus souple : l’agence « Evaneos ».
Elle a cette particularité très intéressante qui met directement en relation les voyageurs avec un agent local Francophone qui connaît bien le pays et qui peut « monter « un voyage à thème.
Je me connectais et m’affiliais également avec des groupes de voyageurs ou des communautés qui réalisent des tours du monde. (Tourdumondiste / tour du monde en famille / Tour du monde.fr etc…) les échanges réalisés sur des forums ou des communications plus intimes et privées, me montraient que j’étais loin d’être le seul avec cette énergie vitale du voyage. Les échanges permettaient également de trouver des astuces et des réponses aux mille et un problèmes rencontré lors de la préparation du voyage ou pendant le périple.
Avec Evanéos, je programmais pour les mois à venir, l’Ethiopie, le Pérou, la Jamaïque, l’Australie, la Polynésie … je ne voulais pas non plus oublier de me rendre au Bénin afin de rencontrer des adeptes de la pratique du Vaudou, en effet, le pays et la région sont et ont été à l’origine des premiers rites recensés de cette pratique spirituelle animiste et chamanique de connexion avec un Dieu, avec un au-delà.
Evanéos refusait de me faire partir dans cette région, ainsi que le Ministère des Affaires Etrangères car ce pays est à risques au regard de la politique, comme beaucoup de pays d’Afrique, alors je prendrai le temps de la réflexion pour le Sénégal ; à suivre au prochain numéro ci-dessous et bonne lecture.
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La Russie
« Toujours tu préfères le hasard au vide et le chaos au rien »
Paul Valery
J’étais en train de mettre en place le voyage en Grèce en prenant divers renseignements sur Internet, quand une publicité automatique de type « push », apparaît sur mon écran : « Dernière place pour le marathon de Moscou, profitez de l’offre avant closing », avec en toile de fond la caractéristique de la cathédrale de Saint Basile, sur la place rouge, avec ses coupoles multicolores.
Mon cerveau fait la transition immédiate, Orthodoxie Russe, Moscou, passage obligé pour un tour du monde de la foi, La Russie immense, avec ses 10 fuseaux horaires était incontournable. J’étais néanmoins en préparation du voyage en Grèce, cependant l’adage « Il n’y a pas de hasard mais que des rendez-vous », résonnait à mes oreilles, je pouvais reporter le voyage en Grèce, mais pas le marathon de Moscou.
Sans réfléchir davantage je « clique « sur la pub, et me voilà déjà immergé, chez les Slaves russes. Le programme est court, sept jours, démarches visa inclus, hôtel, possibilité de guide pour visite de la ville, reconnaissance du parcours sur la Moskova, le fleuve qui traverse la ville, prix attractif de dernière minute, je parcours la totalité de l’annonce et je me concentre. Ma condition physique est correcte, comme je m’entraînais toute l’année, je pouvais sans chercher une performance, m’aligner au départ d’un 42 kilomètres sans avoir à souffrir, 7 jours c’était jouable pour mon timing, pour la Grèce il n’y avait pas d’urgence, je clique et dix jours plus tard me voilà à Nice devant le comptoir d’embarquement d’Aéroflot, la compagnie d’aviation Russe. Cinq heures plus tard l’avion atterrit sur l’aéroport international de Moscou-Cheremetievo, la vie est fantastique.
Dix jours avant j’avais les yeux rivés sur Athènes et à présent j’atterrissais à Moscou. A la question posée à Platon, « mais où habites tu ? » « J’habite la terre » disait-il.
Cette définition me convient parfaitement. Les voyages contrairement à ce que l’on croit ne coûtent pas chers, à moins de descendre dans des palaces et de voyager dans des clubs etc… Les transports sont peu chers, donc le prix est une mauvaise excuse pour ceux qui ne voyagent pas. Le plus difficile est de bloquer la date du départ, et surtout la bloquer sans trop réfléchir. Cela grâce à Dieu je sais le faire.
Les formalités de douane passées, me voilà dans le hall central vieillot de l’aéroport en train de chercher un panneau avec mon nom, au milieu de la traditionnelle cohue des arrivées. Je me retire légèrement du mouvement et j’aperçois une dame qui n’en peut plus de tenir une feuille au-dessus de sa tête, avec mon nom inscrit dessus. Je l’aborde elle parle Français et me dis « Go to Hôtel, je suis très mal stationnée ». On traverse Moscou en trombe sous un ciel chargé qui donne quarante nuances de gris aux murs tout aussi gris que l’humeur de la « daronne « qui fonce vers l’hôtel. Le lendemain j’avais rendez-vous avec mon guide Nathalie, pour les inscriptions au marathon. Nathalie n’avait pas les mêmes jolis yeux, que la guide de Gilbert Bécaud dans sa célèbre chanson, mais mon imagination était suffisamment débordante pour que la magie opère. Les formalités pour cette inscription ont été plus éprouvantes que le marathon. Nathalie me dit « j’ai honte de mon pays, la vie est plus difficile et compliquée que sous l’époque Soviétique », elle me raconte l’histoire de ses parents à la campagne en grande précarité qui contraste avec les beaux quartiers et les belles boutiques de la capitale qui restent ouvertes 24 h sur 24.
Mon guide m’avait préparé pour les trois jours de temps disponible un programme festif et classique, je lui demandais de modifier cela et de me guider dans des lieux plus authentiques, moins visités, hormis bien sûr la cathédrale Saint-Basile-le Bienheureux sur la place rouge. C’est ce que l’on fit d’emblée en prenant le magnifique métro de Moscou.
Arrivés sur la place Rouge, La cathédrale Saint-Basile datant du 15eme siècle m’impressionnait par sa beauté, on aurait dit un décor de parc d’attraction. Ses neufs coupoles principales, ainsi qu’une autre sur le campanile, bariolées et dorées, ainsi que son architecture tout en rondeur, contrastaient avec la sobriété et la rigidité de la place Rouge. La légende dit que le Tsar Ivan le Terrible ordonna, à la livraison de l’édifice, de crever les yeux des architectes afin qu’ils ne puissent plus reproduire une même œuvre.
L’intérieur est composé de neuf chapelles. Il n’y a pas d’autel central, pas de statues de Saint, comme dans les églises catholiques, mais des grandes icones dorées, des grandes suspensions ostentatoires, des couloirs qui nous mènent aux différentes chapelles au son d’une musique douce de style grégorien. Les brûloirs reçoivent des cierges très fins et très longs. Je m’isole dans une chapelle sombre et me recueille, je fais le vide, j’efface de ma tête d’où je viens où je vais, juste cet instant avec moi-même.
Je suis tiré de ce moment de supplément d’âme par Nathalie qui en guide consciencieux respecte son timing. Direction la cathédrale du Christ-Sauveur, ou l’histoire folle de la religion régie par les hommes, mêlée comme souvent à la guerre et surtout à la bêtise et à l’égo des leaders.
C’est une très belle construction de pierres blanches de formes carrées, surmontée par une grande coupole dorée, encadrée de quatre coupoles plus modestes. Cette cathédrale a été édifiée une première fois entre 1839 et 1883 en mémoire de la victoire de la Russie sur la grande armée de Napoléon 1er. Puis Staline la fit détruire à la dynamite en 1931, pour combattre les lieux de cultes et les dogmes d’un nouvel empire communiste qui a vu le jour suite à la révolution d’Octobre. Il y fit construire la plus grande piscine à ciel ouvert du monde, en 1960 tout est à nouveau détruit et le régime décide de construire alors le palais des Soviets avec comme ambition d’être le bâtiment le plus haut du monde (415 mètres), le projet ne vit jamais le jour et la cathédrale fut reconstruite à l’identique en 1995. Elle est dédiée au Christ Sauveur et est le siège du patriarcat de Moscou.
Je quittais les lieux, dépité par cette histoire incompréhensible, mais quand Seigneur mettra tu définitivement tes mains dans la tête et le cœur des hommes ? Qu’avons-nous pas fait au bon Dieu pour en arriver là encore ?! A l’heure où je rédige ce livre l’histoire se répète à nouveau, la Russie détruit l’Ukraine, la Chine menace d’envahir Taiwan, la guerre civile fait rage au Soudan, les putschs se succèdent en Afrique, les démocraties sont menacées, le monde et ses gouvernances sont devenues multipolaires et les équilibres depuis la fin de la 2ème guerre mondiale sont menacés. J’ai eu la bonne idée de me rendre à Moscou avant cette guerre, car ce n’est pas pour les décennies à venir qu’aura lieu une nouvelle édition du Marathon de Moscou.
Le lendemain une visite était prévue au Kremlin, sommet du pouvoir politique, militaire et autrefois sommet de l’église Orthodoxe. Le kremlin, n’est pas avec ces 2,5 kilomètres d’enceinte le noyau de Moscou, mais il est le noyau d’un territoire grand comme vingt six fois la France. Je n’étais guère impressionné par cela, nous étions fouillés vingt fois avant de pénétrer dans ce périmètre, d’en faire un rapide tour, je n’avais même plus envie de visiter une des cinq églises. Nathalie le comprend, nous ressortions avant d’être à nouveau fouillés, pour aller voir la Place Rouge, le Mausolée de Lénine, sans conviction.
Je demandais à Nathalie de nous mener dans un bon restaurant typique Russe ou l’on y mange bien. Elle me répondit sans réfléchir, de ne pas m’attendre à bien manger dans un restaurant Russe, tout est en quantité, calorique, peu de légumes, peu de fruits, elle suggérait plus tôt d’aller dans un restaurant continental, je lui rétorquais « bè non, je vais quand même goûter la nourriture locale ».
Effectivement le repas et le service correspondaient à ce que m’avait dit Nathalie… Elle avait juste omis de me préciser, qu’avant le repas on boit un verre de Vodka, au milieu on boit un verre de Vodka et à la fin on boit un verre de vodka… Mon guide enfilait les verres plus prestement que moi… Il était temps de rentrer à l’hôtel car demain il paraît que je cours le Marathon de Moscou !
Je me rendais de bonne heure avec un taxi sur la partie Sud de la place rouge, ou un regroupement était déjà en train de fourmilier. Des tentes militaires installées ça et là faisaient office de vestiaires, de bureaux et de toilettes. Il y avait une grande agitation dans l’organisation, et sans que je comprenne grand-chose, je communiquais comme je pouvais avec les athlètes russes et étrangers qui ne décodaient pas mieux que moi et, malgré le stress classique du départ d’un 42 kilomètres, je souriais avec fatalité.
J’avais couru six mois auparavant le marathon de New York, ou malgré les 50 000 participants, tout était fluide, tout était géré et organisé très clairement. Chaque coureur suivait un protocole précis et allait de sas en sas (toilettes, vestiaires …). En fonction de notre niveau nous étions canalisés dans canaux de pré-départ, puis on avançait progressivement vers la ligne de départ.
L’heure théorique de départ approchait et je ne savais toujours pas où ranger mes affaires de rechanges, mon téléphone, mon passeport etc… Et c’est finalement avec mon sac à dos que je prenais le départ dans une cohue indescriptible. Le parcours banal longeait le fleuve Moskova qui traverse Moscou et nous faisait faire des allers retour sur les berges ; les ravitaillements habituellement importants et positionnés tous les 5 kilomètres, étaient pour ce marathon clairsemés et très peu nourrissants. Les derniers coureurs n’avaient pas dû trouver grand-chose à boire, car les derniers ravitaillements étaient inexistants et l’organisation démontait déjà les stands à mon passage alors que je devais me trouver dans le premier tiers du classement.
J’avais donné rendez-vous à Nathalie à l’arrivé de l’épreuve, elle ne parvenait pas à cacher son dégoût pour ces manquements. Pas de douche, pas de récupération, j’enfilais mes affaires que j’avais trimballées dans mon sac à dos pendant 42 kilomètre et elle me dit : « viens j’ai une surprise pour toi ». Elle m’entrainait à plusieurs dizaines de mètres sous terre pour prendre le métro, qui est de par sa décoration un véritable musée.
Après plusieurs stations, on retrouvait le ciel gris de Moscou ; devant moi se dressait une magnifique bâtisse que je reconnu du premier regard, Le théâtre du Bolchoï. On dépassait la grande statue de Karl Marx, qui semblait présenter ce prestigieux monument de 1825. On en faisait le tour extérieur, puis passions sous les grandes colonnes du fronton principal et trouvions porte close, car pas de visite possible de l’intérieur, décidément mon pays va mal marmonne Nathalie. Heureusement que j’avais prévu autre chose.
Via un établissement immortalisé par Bécaud, le café Pouchkine. Ce café brasserie incontournable de Moscou, où le décor, l’ambiance et le chocolat m’avaient fait oublier les déconvenues du Marathon. C’est aux rythmes des violons, des tartines et de la vodka pour Natalia que la journée et mon séjour prit fin. Je n’en garderais pas un grand souvenir sportif, ni spirituel mais bon, j’avais validé cette étape sur mon road book.
Mon retour en Corse fut comme à l’accoutumé à cent a l’heure, car le voyage pour la Grèce était programmé et Jean Louis avait déjà les valises à la main. Je prenais quelques jours de repos pour boucler les miennes et Go to the first time de L’Europe.
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Népal
Proverbe Népalais Lao Tseu
« Un voyage de mille lieues commence toujours par un premier pas »
J’étais dans mon cycle Asie et bouddhisme, à nouveau pas de hasard, je tombe sur un reportage TV, qui présentait une aventure Népalaise, avec ascension du mythique camp de base de l’Everest.
En moins d’un mois j’avais pris contact avec une agence qui proposait assistance à l’ascension et aux formalités nombreuses pour la réaliser, VISA, billets voyages internationaux etc…. Deux mois plus tard j’étais dans l’avion. Toute la partie sportive de ce qui allait devenir un défi est relaté dans mon ouvrage « Autobiographie de l’auteur sur le chemin de Saint Jacques de Compostelle « Ed. BOD 2016.
Le défi physique s’est rapidement transformé en défi mental, puis en expérience spirituelle et mystique.
Après les classiques heures d’avion transcontinentales, immersion tout seul cette fois avec mon sac à dos dans la bouillante Katmandou. Un guide devait m’attendre à l’aéroport, je dis devais car après des heures de formalités, de recherche de mes bagages dans un aéroport a l’abandon, sans téléphone en état de recevoir du réseau je voyais un type assis au fond d’un couloir a moitié endormi avec un écriteau au sol où était écris mon nom.
Notre premier contact était comme dans les Westerns avec un petit coup de pied contre sa chaussure.
« Helo, my name is Mister Meloni !” Il fut sur pied d’un seul coup ! Et après une dizaine de « sorry, sorry » nous traversions Katmandou « tombeau ouvert » dans une voiture dont j’ignorais la marque, mais espérais davantage sur la qualité de ses freins…Durant la première journée d’acclimatation je me rendais au vaste temple bouddhiste voisin de ma pension, le temple de Pashupatinath. C’est en remontant la rivière Bagmati que je prenais réellement contact avec la bouillante Katmandou.
Elle était dans les années 70, la Mecque des hippies, des révolutionnaires de l’économie de marché, des pacifistes, des antimilitaristes, de la nouvelle vague, en tout cas l’aboutissement d’un nouveau parcours initiatique, ou la marijuana était en bonne place. A présent les amateurs des hautes cimes ont détrôné les hippies même s’il reste toujours un fort parfum de nostalgie.
Le temple de Pashupatinath situé sur les berges de la rivière Bagmati, est l’incarnation de Shiva, qui est considéré comme une divinité nationale au Népal, avec Vishnou et Trimurti. Il est considéré comme le Dieu du Yoga et est représenté assis en fleur de Lotus. Son immense statue trône sur une placette à droite du temple. Le bâtiment a été reconstruit au XVIIème siècle suite à la destruction par un séisme de la précédente structure. On y pratique régulièrement des crémations de personnalités, de nobles, ou de personnes fortunées. Assis sous des arcades, des « Shadhu » en tenues orange fluo égrainent un chapelet et murmurent des prières. Le Shadhu est une personne qui a renoncé à la vie sociétale pour se consacrer à la libération totale de l’illusion, de l’ego, des peurs, de l’arrêt du cycle des naissances, et fusionné avec le divin.
Ce temple inscrit au patrimoine mondial de l’humanité est un des plus sacrés de l’hindouisme au Népal. De par sa construction de faible hauteur et ses rénovations récentes le temple a résisté aux nombreux séismes dont le Népal est régulièrement frappé. Lors du dernier séisme je participais à une campagne de dons, notamment pour aider un village de Sherpa qui avait été totalement détruit et où résidait mon guide Tilak.
J’entrais dans l’enceinte, gravissais la rampe d’escalier, dépassais les petits tours pointus qui semblaient monter la garde et d’où s’échappaient des fumées d’encens qui formaient des volutes et des arabesques en s’élevant au ciel sous le commandement d’un chef d’orchestre invisible et divin. Je pénétrais dans une salle carrée assez sombre qui accueillait en son centre une statue dorée, probablement celle de Shiva dans une autre posture que celle de l’extérieur.
Toujours les fumées d’encens portés par les visiteurs sur des bâtonnets qui encensaient la statue en faisant un tour complet autour de sa base en laissant à ses pieds ce qui me semble être une offrande. On doit tourner autour d’une divinité, d’un autel, d’une statue, toujours dans le même sens, le sens inverse des aiguilles d’une montre.
Je m’asseyais sur des bancs de taille basse recouverts de feutre rouge et j’observais le manège, pratiquer une respiration en cohérence cardiaque afin de rentrer en méditation. J’en avais besoin car je n’avais pas encore pu récupérer de la fatigue de ces deux jours de voyage.
J’avais pourtant besoin de toutes mes capacités car demain dernier breefing avec le guide, ou l’on devait régler stratégie, tactique et planning de nos 10 jours d’ascension vers le camp de base de l’Everest qui se situe quand même à 5500 m d’altitude.
Il fallait prévoir aussi l’achat des billets pour prendre un vol Katmandou / Lukla, valider le rendez-vous avec un sherpa qui devait emmener nos bagages pendant toute l’aventure, mise en service de mon téléphone satellite, vérifier les charges des GPS, téléphone, appareil photos, contrôler les approvisionnements etc…
Quand le minuscule monomoteur de 6 sièges voyageurs de la compagnie Himalaya Airlines se posait à Lukla, je soupirais et comprenais pourquoi cette compagnie était sur la liste noire de l’aviation internationale… Je me rendais compte également pourquoi Lukla est l’aérodrome le plus dangereux au monde. Une pointe de montagne a été écrêté en son sommet et remplacé par un ruban d’asphalte, à sa gauche, à droite, devant et derrière le vide de la profonde vallée…
L’avion était le moyen le plus rapide pour se rendre au départ de l’immense chaîne de montagne qui s’adosse au contrefort de l’Himalaya. L’autre moyen aurait été huit jours de piste en 4×4. Mon guide Tilak, et le sherpa me faisaient signe d’y aller car on devait arriver au premier village avant la nuit. Tilak parle un anglais approximatif avec un fort accent Népalais, et moi la même chose avec un accent Corse…
Avant la mise en jambe j’ai eu droit à une cérémonie de mes deux accompagnateurs qui d’après ce que j’en compris, demandaient à la montagne de les accueillir, ils affirmaient également qu’ils n’allaient pas l’offenser, la polluer. Je prenais des leçons de vie à chaque instant.
Tilak est comme tous les Népalais un Hindouiste pratiquant. Il m’enseignait que la vie était précieuse et partout, dans les minéraux, végétaux, animaux. Je ne l’avais pas vu couper une branche, arracher une feuille ; Il me disait aussi de faire attention en marchant d’éviter autant que possible les touffes de plantes. Tout au long de l’ascension, et de façon régulière, se trouvaient des petits abris dédiés à la prière et au repos, tous sont précédés de moulins de prières de différentes formes et de couleur, que l’on doit toujours contourner par la droite en les faisant tourner avec la main gauche en passant. Faire le contraire porterait un malheur à l’expédition.
Je m’en suis rapidement compte car lors d’une marche, je prenais les moulins coté gauche, Tilak poussait un grand cri, vociférais en Népalais, ce qui m’obligeais à faire marche arrière pour reprendre le rituel correctement.
Sur ce chemin mythique je remarquais souvent des drapeaux de prière colorés qui flottaient au vent et pavoisaient un lieu. Ils étaient par groupe de 5, avec les 5 couleurs du Bouddhisme : Bleu pour l’espace, blanc pour le ciel, rouge pour le feu, vert pour l’eau et jaune pour la terre, Tilak et le sherpa s’inclinaient discrètement à chaque fois que nous passions devant.
Les premiers jours d’ascension, n’étaient pas d’une grande difficulté, malgré le passage à 4000 mètres, que nous avions fait pour arriver au village de Namche porte d’entrée de l’Himalaya, où était idolâtré le Sherpa Tensing Norgay qui a été le premier homme, avec Edmund Hillary à avoir atteint le sommet de l’Everest en 1953. Sa famille y réside toujours.
L’étape du soir était d’ailleurs prévue dans une Guest House toujours tenue par des membres de sa famille. Une journée d’acclimatation à l’altitude était prévue à Namche. J’en profitais pour visiter le temple bouddhiste dédié à Tensing, qui était non loin d’une maison musée où je pouvais mieux appréhender l’histoire de cette ascension que celui-ci avait réalisé pour la première fois.
Cette aventure extraordinaire est relativement récente car la conquête de la lune n’a eu lieu que 16 ans plus tard ce qui souligne davantage la difficulté d’une telle expédition, où décèdent chaque années des dizaines d’alpinistes. Les stèles rencontrées sur le chemin attestent de cette triste réalité.
Le bouddhisme, l’indouisme ou les religions asiatiques dans leur ensemble, sont étonnantes car elles sont à la croisée entre philosophie de vie et adoration de divinités. Leurs sources sont très anciennes et antérieures au christianisme. Leur pratique est relativement discrète, sans ostentation débordante, elles prônent l’unicité entre le vivant, la matière, et l’univers. La paix et l’harmonie entre le corps, le mental et l’âme. Elles ont connu elles aussi des luttes de pouvoir, mais le prosélytisme n’a jamais été un moyen de conquête féroce.
Le lendemain nous partions à l’aube avec entrée dans la zone des 4500 m, on communiquait moins, le pas était plus lent, la végétation changeait, c’était un univers minéral puissant. Nous passions un col et s’en présentait un autre, on levait les yeux et ça grimpait encore, nous traversions des petites vallées par des ponts de corde, sous nos pieds une eau blanchâtre et tumultueuse percutait les rochers et reprenait de la vitesse dans un bruit assourdissant.
Les langues de glace apparaissaient plus fréquemment et annonçaient le grand glacier du Khumbu, sur notre droite le sommet de l’Ama Dablam brillait sous les rayons de soleil d’altitude, et ses 6 812 m semblaient à notre portée.
Tilak me précisait qu’au sommet du plateau qui était devant nous on apercevrait l’Everest. Je me méfiais du devant nous car les distances à cette altitude sont trompeuses. Effectivement cela nous pris 2 heures pour atteindre le plateau. Le vent était glacial, les drapeaux de prière claquaient, et Tilak hurlait ! Everest Everest !
Nous nous abritions au creux d’une roche en contemplant en silence sa Majesté Everest, le plus haut sommet de la planète avec ces 8 848 m. Tilak me secouait, Go il reste encore une heure pour atteindre notre gîte du soir. Le sherpa sanglait sa charge sur son front et nous reprenions péniblement notre route sur un chemin à flanc de montagne pour notre destination du soir.
Le rituel du soir était immuable : nous prenions soin de nos pieds, du matériel, recharger les appareils, à 17h30 nous attendait un repas Népalais constitué de soupe, de viande de Yak, de vermicelles ou haricots, avec du thé brulant pour faire passer le tout. La nuit ou du moins la récupération nocturne est impérative. Le sommeil à ces altitudes est un réel problème et pourtant il fallait le trouver car à 4h30 les préparatifs du départ commençaient. J’apercevais chaque matin Tilak prendre quelques instants pour se recueillir assis en Seiza, jambes jointes repliées sous les fesses. Il prenait quelques minutes pour égrènes son chapelet, se courbait plusieurs fois et récitait des prières de gratitude et de recommandations.
L’heure du départ était arrivée, les sherpas « transporteurs « nous précédaient, ils sont payés au kilo pour transporter matériel et matériaux divers entre les localités du bas des vallées et les villages des sommets, pour quelques dollars par jours. De vrais athlètes sans en avoir l’apparence, ils portent plus de 100 kilos sur leurs dos (j’ai vérifié) durant des heures, des jours, une vie. Une vie courte (leurs espérances de vie dépasse rarement 65 ans). Je demandais à Tilak, pourquoi on ne prenait pas des animaux, mules ou Yak pour faire ce travail ? Il me répondait que les animaux ne pouvaient pas porter ces charges lourdes à ces altitudes, ils n’y survivraient pas…
Cette journée fut compliquée, mauvais temps, pas de visibilité, maux de tête, envie de vomir, nous croisions à plusieurs reprises des alpinistes qui redescendaient en mauvais état, certains vomissaient, peu d’échange de mots. Tilak me demandait d’être fort, mais humble, « on va redescendre nous aussi » me disait-il. J’ai relaté avec beaucoup plus de détails toutes cette aventure dans mon précèdent ouvrage, dans ce récit je resterais donc plus centré sur l’aventure spirituelle et émotionnelle vécue.
Nous voilà enfin au camp de base et un sommet voisin, où je ne prenais plus aucun plaisir si ce n’est la sensation du but atteint, du devoir accompli…sinon que Neige, glace, froid, peu de lumière, peu de communication, peu de communion. Des stèles commémoratives d’alpinistes rajoutaient au lugubre de ce paysage lunaire. Le mal des montagnes survenait, je vomissais durant une journée. Cela m’étonna fortement car j’avais gravi plusieurs sommets quelques mois et années auparavant sans aucun souci.
Des sommets Corse à plus de 2 550 mètres, mais également le Mont Blanc avec ces 4 807 mètres. Cependant l’Himalaya c’est autre chose, de plus ma condition physique n’était sûrement pas la même… On tentait de grimper encore plus haut, et faire un sommet voisin lors d’une ouverture du ciel, sans succès.
Pendant cette ascension sa majesté Everest nous est apparue tout étincelant, il semblait très proche, 3 petits kilomètres que l’on nomme la zone de la mort. Tilak prenait les choses en main à nouveau « Go down, go down « ! « On redescend, On redescend».
La redescente était catastrophique, j’en perdais même le contrôle, à un bivouac du jour Tilak, me retrouvait dans un temple Bouddhiste nu-pieds (un des plus hauts temples habités du Népal et du Tibet) à 4 750 m.
Je participais à une cérémonie avec une dizaine de moines en habits traditionnels. Une cérémonie dont j’ai un vague souvenir, si ce n’est une sorte de transe, rythmée par les chants, la musique des bols, des cymbales et des grosses trombes. Tilak m’en fis un compte rendu précis. J’avais été adopté par le groupe et sans rien comprendre rien savoir, je faisais partie du mouvement. L’âme c’est ce que nous ignorons. Une cérémonie de deux heures, où danses et ablutions se sont succédées, j’étais entré dans un état de transe hypnotique hors du temps dans laquelle Tilak me tira. Tilak, me disait que certaines personnes sont parfois gagnées par de fortes hallucinations, elles se mettent toutes nues, et veulent remonter à tout prix vers le sommet…
La haute montagne est réellement piégeuse, de plus à ces altitudes pas de médecin, pas de médicaments, seul l’hélicoptère et encore au-dessous de 5000 mètres et à des prix prohibitifs, avec le versement de la somme demandé avant de décoller ! L’ascension de L’Everest est le défi d’une vie, mate les hommes, les rends humbles et gare à ceux qui n’en comprennent pas rapidement les codes, car la haute montagne ne pardonne pas souvent.
Il est admirable de voir jusqu’où il faut aller puiser au fond de soi pour vaincre le Mont Everest, à tel point qu’Edmund Hillary en était venu à déclarer : » ce n’est pas la montagne que nous cherchons à conquérir mais nous-mêmes ».
Il me reste peu de souvenirs précis des 3 ou 4 jours de redescente. Un grand vide, une décompensation. La fatigue, l’altitude, le trop plein que je cumulais depuis plusieurs années par mes défis physiques, il ne m’en reste qu’une grande introspection, des questions ; Pourquoi ? Pour qui ? Pour combien de temps ? Ce voyage au Népal ainsi que l’ascension vers le camp de base a été marquant il sonnait le glas de ma période grand défis et dépassement de soi par l’activité physique extrême.
Le transfert de Lukla vers Katmandou en petit avion était aussi compliqué, la tempête était annoncée pour plusieurs jours, le retour en avion retardé pour une durée indéterminée.
Après une négociation et quelques dollars de plus avec deux alpinistes belges courageux nous décollions pour les montagnes russes cette fois, tant l’avion bougeait. Les 4 jours de repos à Katmandou furent un repos nécessaire et mérité, je reprenais mes esprits.
Je terminais ce voyage chaotique, mais inoubliable, par la visite du temple de Swayambhunath qui est l’un des plus anciens et plus saint des sites bouddhistes de Katmandou. Il est situé sur une colline, surplombant la ville et l’on peut y contempler de magnifiques levers de soleil. Ce monument est classé au patrimoine mondial de l’UNESCO.
C’est un des Stuppa bouddhistes les plus sacrés du Népal, où sont peints des yeux de Bouddha qui accrochent le regard d’emblée et donnent rapidement le » La » de la visite. Les drapeaux de prières sont omniprésents et claquent dans la brise fraîche du matin, une grande ferveur enveloppe ce site.
Je cherchais un endroit isolé, car malgré l’heure matinale il y avait du monde, des touristes, des curieux, des pratiquants, dans un calme relatif, troublé par le cri des singes qui réclamaient nourriture. Je m’allongeais en Shavasana, (bras et jambes en croix), fermais les yeux et tentais une méditation. Je m’adressais à mon corps et le remerciais de m’avoir si longtemps accompagné, et à l’intérieur de moi je pensais : « je ne t’ai pas souvent accordé l’intérêt que tu mérites, et je t’ai même souvent maltraité, mais aujourd’hui je te remercie ».
Dans ce monde régi par la compétition, le pouvoir, la discorde il faudra bien que je déclare la paix en moi, que je prenne les choses en main comme un acte révolutionnaire interne.
Les bouddhistes ont des concepts philosophiques, une éthique de sages qui consistent à polir par nos pensées et nos actes ce joyau brut qui est en nous, avec la dilution des souffrances, des peurs, afin de les transformer durant cette vie ou celles à venir en paix, amour, joie compassion et patience pour et atteindre peut-être un jour l’état d’éveil du Bouddha, un Nirvana, une inaccessible étoile, ou le simple fait d’être sur le chemin est un signe de victoire sur nous-mêmes. Le simple fait de tenter de dissoudre ce qu’il appelle « l’illusion du moi « est un signe de victoire sur nous-mêmes qui aura un impact sur nos karmas et donc sur les générations futures.
Je pensais que le retour en Corse allait comme à l’accoutumée être simple et passer une classique transition d’accoutumance au décalage horaire, à mes activités classiques et que le quotidien allait reprendre le dessus.
Cependant cette fois je ne parvenais pas à retrouver mon rythme, quelque chose d’inhabituel me perturbait et me contrariait fortement.
Les jours et semaines qui passèrent n’arrangèrent rien, car de bilan de santé en cure de médicaments, je ne parvenais pas à retrouver le calme, l’équilibre et le sommeil. Et cela se compliquait surtout par une brusque perte de l’audition, d’hyperacousie et d’acouphènes, ce qui me conduisait à faire le tour de France des spécialistes, sans succès pour autant.
Mon cortex auditif, ayant apparemment été victime d’une ischémie causée par l’altitude, mais aussi par différents motifs notamment de ne plus vouloir entendre les âneries et autres idioties dans mon entourage professionnel notamment ! D’une hyper activité, physique et mentale je devais à présent rejoindre de gré ou de force, une autre partie de moi, plus spirituelle, plus proche de mon âme. Obligé de mourir afin de renaitre ! Deux années de folie, que je relate dans mon ouvrage autobiographique.
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Témoignage
La Chine
« L’esprit a beau faire beaucoup de chemin, il n’ira jamais aussi loin que le cœur »
Proverbe chinois
La crise mondiale du COVID 19, ayant contrarié fortement mon programme, je n’ai pu me rendre en chine, je vais donc relater mon voyage en chine à travers le périple d’un trail (course pédestre en pleine nature) de la grande Murail de chine.
L’aventure et les tours du monde, comme je l’ai déjà évoqué, sont encrés en moi depuis mon enfance je me souviens même plus de l’âge que j’avais quand j’ai formulé cela à ma mère, qui regardait mon père en disant : « mais qu’est ce qu’il a ce petit ?.. ».
Me voilà arrivé à l’aéroport de Paris Charles de Gaulle en compagnie d’une vingtaine d’inconnus qui s’était inscrits prêts comme moi à une aventure en Chine. Après une rapide prise de contact avec le manager du groupe, qui nous remettait le road book à étudier pendant le vol, je comprenais que le thème du trail, au-delà de l’épreuve sportive, allait au départ nous plonger en immersion pleine nature, en montagne chinoise avec un retour à la civilisation vers Pékin, tout cela en cheminant sur la muraille de chine. Voyage sportif mais aussi spirituel, car l’issue était le cœur de la cité interdite de Pékin, qui est la capitale culturelle du pays.
Après un vol de 8 h, nous atterrissons à Pékin. Je mesure actuellement la chance que nous avons eue de traverser les continents et les pays avec très peu de contraintes, pas de mesures sanitaires, peu de contrôle, et peu de conflits armés d’ampleur. Après les formalités d’usage pas de répit, le groupe s’engouffre dans un bus pour un nouveau voyage à travers les montagnes de la province du Hebei. Six heures interminables plus tard qui me laissaient penser que l’on avait pris de l’altitude car mes oreilles se bouchaient progressivement, nous arrivions à destination aux premières lueurs du jour et moi j’avais l’impression que c’était le soir. Les décalages horaires mettent à l’épreuve nos horloges biologiques internes et je rends grâce, au personnel navigant des compagnies aériennes qui en font leur quotidien. Les brumes se dissipaient laissant apparaitre une grande habitation avec une multitude de toits pointus, qui se confondaient avec de grands arbres masquant à peine les sommets d’une autre vallée. Une vraie carte postale.
Même si notre corps réclamait sommeil et repos pas question de profiter du lieu et des lits des petites habitations traditionnelles chinoises Siheyuan, car pour vaincre le décalage horaire, il fallait immédiatement se caler au fuseau horaire du pays.
Notre petit déjeuner était servi dans une salle aux milles senteurs de thés et d’encens par des petites dames en habit traditionnel qui courraient dans tous les sens comme des fourmis, dans un balai harmonisé. Puis passage par une pagode, habitation aux toits superposés en épi qui s’élèvent vers le ciel, où se retrouvent tous les matins les employés et les visiteurs du site pour une pratique sportive douce avant de démarrer la journée. Le Tai- chi-chuan, est une gymnastique de groupe aux mouvements complexes effectués de façon continue avec grâce.
Au fond de la salle dans un renfoncement, un magnifique autel richement sculpté et coloré où trône en plein centre le Bouddha Chan Butai. Bouddha au gros ventre qui symbolise prospérité et joie de vivre. Je m’empressais de frotter son ventre, car cela apporterait chance et richesse dans la croyance populaire. Je ne me risquais pas une méditation, ou à une pose spirituelle car je craignais de m’endormir, je prenais donc la direction du point de rendez-vous fixé sur la placette extérieure, humide et déjà réchauffée par les premiers rayons de soleil qui perçaient les feuillages et les nombreux toits pointus des habitations..
Je retrouvais donc les participants du périple plus endormis que vaillants. Nouveau petit briefing, j’allais vers Pascal, que j’avais rencontré dans l’avion et dans le car, pour emprunter un chemin qui allait nous mener vers ce qui allait être notre fil rouge et notre boussole durant tout le voyage, la Grande Muraille de Chine.
C’est la structure architecturale la plus importante à la fois en longueur en surface et en masse construite par l’homme. Sa construction a démarré au début du IIIème siècle avant J.C et pour se terminer aux environs du XVIIème siècle. Ouvrage de plus de 7000 km de long que la dynastie Ming avait envisagé comme frontière et remparts pour protéger l’empire du milieu au soleil levant, des agressions extérieures.
On devait donc courir sur cette muraille de 5 à 15 mètres de haut sur plusieurs mètres de large au relief crénelé, qui épouse tel un serpent un relief très vallonné. Les innombrables tours de guets viennent ponctuer l’ouvrage tel une partition musicale géante. Voilà le décor du défi dont je narre la partie purement sportive et physique dans mon livre « Autobiographie de l’auteur sur le chemin de Saint Jacques de Compostelle « Edition BOB.2016. Je concentrerai mes écrits sur la partie du voyage plus spirituel qui était le double défi de l’aventure.
Après une journée d’acclimatation, plus vaseuse que studieuse, on nous informait que le départ de la 1ère étape était prévu le lendemain à 8 h.
Après une courte nuit mon réveil me sortais de je ne sais quel rêve, j’ouvrais les yeux, et voyais au travers le rideau de mes paupières les murs de ma chambre couverts de tentures, tableaux et autres décorations rococo au symbolisme asiatique ; j’avais oublié que j’étais au fin fond de la chine … Petit stress, pas de repères familiers, qu’est-ce que je fou la ! Passé ces états d’âme, je savais néanmoins pourquoi j’étais là, j’entrouvrais les rideaux avec mes doigts qui frottaient au passage les carreaux couverts de buées.
Il faisait donc si froid dehors et même pas assez chaud à l’intérieur, car je grelottais. J’enfilais une triple couche de vêtements de sport adaptés et filais cherchez du réconfort au petit déjeuner. Je repassais vers la salle principale ou je voyais une dizaine de personnes en train de faire des mouvements lents et ondulés dans une rythmique assurée. On dit que les mouvements du Tai-chi-chuan, doivent reproduire de façon lente les mouvements d’un animal (un chat par exemple) en train de jouer. L’odeur du thé qui infuse et des crêpes qui grillent me sortent de ce ballet.
Une heure plus tard nous voilà sur les remparts de la Muraille pour une trotte (marche et course à pied) de plusieurs heures qui allait nous conduire dans un autre village où se trouvait un temple Taoïste. Après une première journée physique assez difficile sur le chemin de ronde de cette muraille qui monte et descend dans un mouvement sinusoïdal incessant, on trouve un guide avec un panneau indicateur « Muraille/ Pekin End first run «.
Je contrôlais ma montre GPS qui me validait cette fin d’étape, je quittais la muraille sur les indications de mon road Book, et retrouvais Pascal dans une petite habitation qui ressemblait, à celle laissée le matin. Tous les chinois se ressemblent mais pas que…
Nos sacs de voyage étaient pris en charge, je les retrouvais dans une chambre, identique à celle de la veille, où je pouvais me doucher. La pause du déjeuner s’étant faite sur la Muraille, je ne me risquais pas à une sieste et me rendais directement au temple Taoïste. Une construction à base carré modeste ou s’empilent en quinconce une multitude de petits toits ondulés, avec des faîtières à tête de dragon.
Une minuscule porte basse me propose d’entrée dans une salle aux couleurs vives et aux décorations riches qui contrastent avec ceux que j’avais vues précédemment. Le plafond semblait en verre tinté où étaient suspendus des dizaines de lustres, les fumées d’encens s’échappaient d’un bruloir dont le parfum me serrait un peu la gorge, une musique douce monocorde sortait de je ne sais où.
Le calme et la paix m’invitaient à prendre place sur un des nombreux coussins posés au fond de ce qui semblait un autel, entouré de divinités de couleur dorées monochromes.
Elles scintillaient sous les lueurs des lampes tamisées et me faisait de ce fait des clins d’œil évocateurs. Le Taoïsme est avec le Bouddhisme et le Confucianisme le 3ème pilier de la pensée religieuse chinoise. Il se fonde sur l’existence d’un principe fondamental où l’origine de tous s’appelle Tao, la voie.
La pensée taoïste prône un idéal de vie où l’individu doit se mettre à l’écart de la société pour vivre en harmonie avec la nature.
La voie et son commencement qui sont à l’origine de l’univers et du monde, 8 grands principes structurent sa pensée et son action (L’alignement, le non agir, l’équilibre, la respiration, prendre le temps, l’intention, la circulation de Q.I. l’énergie et l’évolution).
Tout un programme gigantesque qui contraste néanmoins avec ma vie tumultueuse, dont je sais qu’elle ne pourra pas toujours être de la sorte… Je suis ici pour cela, pour apprendre et évoluer. Après un long moment de silence, des bruits me sortaient de ma méditation, c’est Pascal et le reste de l’équipe qui arrivait bruyamment avec un guide pour une visite studieuse et scolaire du site, je leur emboîtais le pas.
La deuxième étape nous enfonçait davantage dans la campagne chinoise. La montagne serpentait et ondulait à travers les crêtes et les collines, que des paysans d’un autre âge s’efforçaient de rendre arable. Ces hommes, paysans, toujours souriants, se redressaient péniblement de leurs labours sur notre peu discret passage. Leurs yeux écarquillés en disaient long sur leur étonnement de voir des hommes courir sur cette muraille. Pour qui ? Pour quoi ? Nous avions tenté d’établir un contact oral, mais aucune chance, ils ne doivent même pas parler Mandarin, mais sûrement des dialectes ancestraux qu’ils nous débitent en riant et laissant apparaître une dentition poussée anarchiquement sur leurs mâchoires. Ils portaient plusieurs couches de vêtements ceinturés par une corde. Le seul geste compréhensible était de mettre leurs mains jointes sur la poitrine en courbant le buste, pour nous dire un au revoir.
Nous pénétrions régulièrement dans des tours de guets qui devaient servir également de lieu prière pour les soldats de l’empire avant d’aller au combat. Des divinités Bouddhiques étaient souvent présentes avec d’autres objets divinatoires dans des petits contreforts.
Le village étape était situé sur la route d’un temple Tibétain, une lamaserie de la paix et de l’harmonie, où des moines Tibétains venaient pratiquer leurs retraites. La durée minimum pour avoir le titre de Lama est de 3 ans, 3 mois et 3 jours à effectuer d’une seule traite ! Dans ce genre d’endroit on est vraiment hors du temps que notre conscience d’occidental a du mal à comprendre. Quelle que soit la religion : asiatique, chinoise, japonaise, hindouiste, tibétaine etc… on retrouve au premier abord de grandes similitudes dans leurs cultes, lieu de pratique ou philosophie de vie, que le néophyte ne peut différencier. Cependant si l’on va plus loin, si on tente l’expérience de recherche et d’étude de l’histoire ou de la théologie, on va rapidement trouver des différences fondamentales, qui ont également dans ces régions du monde été l’objet de guerre et de rivalités.
Le dénominateur commun de ces religions reste l’éveil de l’homme et la fin des souffrances dans un monde terrestre duel, une sorte de pendant de la chrétienté avec une vie éternelle sans péchés.
De tous mes voyages spirituels, mes pèlerinages et les pratiques religieuses rencontrées, il y a toujours eu une constante ou une règle que j’ai expérimentée. Quand deux personnes parlent et confronte leurs religions, leurs concepts, pratique, je n’y est jamais vu d’entente et de concorde, cependant quand ces deux mêmes personnes parle uniquement de leurs expériences, de ressentis, de leurs pratiques j’y est toujours vu de l’entente et de la compréhension. J’en ai tiré une grande leçon, ne jamais mélanger à présent les deux, soit la pratique ou bien la politique de la pratique…
La 3ème étape nous rapprochait progressivement de la civilisation et de Pékin. Après 4 heures de trail, une halte était prévue dans une ferme aquacole de rivière, qui était également un monastère dédié au travail et labeur soutenu. On pouvait lire en sinogrammes « Travailler c’est prier « … A la question posée au défunt pape Benoit XVI, combien y a-t-il de chemin pour accéder à Dieu ? « Il y en a autant que des êtres humains… ».
Cette étape a autant abreuvé nos âmes desséchées que nos corps affamés…Des truites et autres poissons de rivières nous avaient été proposés au repas de plusieurs façon (cuit, mi cuit, vapeur, crues etc…) J’ai goûté à tout. Le passage au temple pour la pratique spirituelle du soir avait tourné court, car l’épreuve physique, et la digestion avaient vite fait de me transporter dans d’autres lieux bien mérités également.
Les autres étapes s’enchaînaient entre course quotidienne, ravitaillements, et bivouacs sur cette muraille qui ne présentait jamais le même visage, la même construction, les mêmes dimensions, il est vrai qu’elle a été édifiée sur des centaines d’années au prix de grandes souffrances humaines qui contrastaient avec les messages de paix et d’abolition de la souffrance que délivrait le moindre lieu de prière.
Ce soir point de lieu de prière mais nous avions eu droit à la cérémonie du thé dans les règles de l’art. Cette cérémonie aura duré de 2 heures, ou patience, attention, pleine conscience et pleine présence devaient être au rendez-vous au risque de passer à côté de cette subtile et puissante cérémonie qui permettait également retrouver un chemin qui nous amenait au plus grand temple de Dieu qui reste : notre cœur.
Nous commencions à voir Pékin, et on en ressentait déjà les signes forts, rudes et cassant de cette civilisation, et c’est un peu nostalgique que nous faisions les dernières étapes avant qu’un bus nous amène au centre de Pékin.
Ma chambre était au 33ème étages d’un building, qui devait faire office de bureaux, hôtel, habitation, restaurant etc…Une baie vitrée faisait office d’un pan de mur entier, et c’est assis contre la vitre du sol suspendue dans le vide, uniquement séparée par l’épaisseur du verre, que je pouvais faire un premier point à chaud de ce voyage.
Sous mes pieds l’immense boulevard éclairé de mille lumières, perçant des brumes ou des fumées, prenait l’air d’un temple géant. Le contenu est décidément plus important que le contenant, et il restera toujours à chacun quoi faire de ce qui lui est proposé, ou imposé. Pablo Picasso a dit « il y a des êtres qui font d’un soleil une simple tâche jaune, mais il y en a aussi qui font d’une simple tâche jaune, un véritable soleil… »
Le repas du soir était une expérience étonnante, dans une échoppe située dans des traverses sombres de Pékin, des nombreux plats proposé nous eûmes droit aux brochettes d’insectes grillés et autres scorpions… Ce voyage initiatique et sportif a été l’un des seuls voyages ou je n’ai perdu aucun gramme…
Le lendemain nous était proposé la visite du graal de Pékin, la Cité interdite. Un guide nous rejoignait après un copieux petit déjeuner aux mille senteurs de thé, de fleurs, de galettes toasté etc… ventre affamé n’ayant point d’oreilles…. Je comptais enregistrer un maximum d’information de cette visite donc, je terminais rapidement mon solide petit déjeuner.
C’est sur un espace de plus de 70 hectares que fut réalisé vers le XIIIème siècle ce qui est un des plus grands et mieux conservé des palais de la chine, qui fut la résidence des 24 empereurs durant 5 siècles. Cité longtemps interdite aux chinois et aux visiteurs. De nos jours on peut en voir une grande partie, bien qu’un grand mystère plane sur les milliers de salles que compte ce palais. Une visite d’une journée marathon qui aurait nécessité des jours, nous faisait arpenter à partir de la grande cour extérieure, les musées aux trésors impériaux couvrant les milliers d’années de l’histoire de la chine se succédaient.
Nous allions de Pagode en pagode, construites en bois richement et finement sculpté, et les trésors, les poteries, les tentures de soie, les tableaux, les orfèvreries défilaient vite trop vite. Le soir arrivé je n’ai pu réellement prendre la mesure de cette cité et ce n’est pas la faute du guide qui avait redoublé d’imagination afin de nous captiver. Au final 7 heures de marche qui n’ont pas entamé notre condition physique athlétique.
Le lendemain la journée libre me conduisait vers ce qui est incontournable : le massage chinois. Deux heures de massage de la voute plantaire qui avait été préalablement ramollie pendant une demi-heure dans un bac d’eau, rempli de petit poissons. Après ces journées culture physique et du soin corps il était temps de prendre soin à nouveau de ma culture spirituelle.
Un pan important était à mon programme : le temple de Confucius, construit sensiblement à la même époque que la cité interdite. J’avais souhaité me rendre dans la ville natale de Confucius qui est Qufu et où se trouve son œuvre, mais je devais me contenter de ce 2ème temple dédié à ce grand philosophe et spirituelle chinois du 5ème siècle avant J.C. Confucius est le personnage historique ayant le plus marqué la civilisation chinoise.
Son enseignement philosophique basé sur la perfectibilité et la bonté de l’homme a traversé les siècles et est de nos jours régulièrement cité et enseigné. La clé de sa pensée est donc d’aimer son prochain, d’être en harmonie avec le monde. La modeste entrée qui nous permet d’accéder au temple est précédée d’un majestueux buste du philosophe, où nous pourront accéder aux 4 cours et aux 4 zones de visite.
Afin de ne pas faire à nouveau une visite marathon je sélectionnais une bâtisse ou était situé le temple de prières et de dévotion. C’était une modeste salle circulaire obscure et avec peu de personnes à l’intérieur propice au recueillement. Je ne distinguais pas réellement les contours de cette pièce et surtout pas la toiture qui ressemblait à un ciel, ou à une voie lactée. Une musique douce m’accompagnait comme une invitation à une méditation que je ne refusais pas en m’asseyant sur un des nombreux coussins.
Je distinguais une silhouette en habit colorée en train d’allumer des touffes de longues tiges d’encens, la musique devenait de plus en plus rythmé, d’autres personnes se positionnaient à côté de moi, la cérémonie silencieuse démarrait. Sans faste n’y manifestation particulière s’ensuit une cérémonie de bols musicaux tibétains doublée de lumières ciblées sur des divinités dorées. Je restais un peu sur ma faim spirituelle, mais bon l’expérience était là.
Le lendemain je comptais trouver mon compte avec la visite d’un autre temple, le temple de la terre situé non loin de la cité interdite, dans un quadrilatère de temples impériaux, formé par le temple du soleil, le temple de la lune et le temple du ciel. Tous ces monuments furent construits à la même époque au XVème siècle environ.
Ce temple à l’architecture tout en finesse est empreint d’élégance et n’en impose pas au premier abord avec sa forme parfaitement carrée au centre d’un grand parc. Il abrite en son sein les divinités de la terre et correspond aux croyances chinoises selon lesquelles le ciel est rond et la terre carrée. Les empereurs des différentes dynasties dont Ming s’y rendaient pour faire des offrandes à la terre, y pratiquer des sacrifices et remercier la terre et son représentant visible l’empereur.
De nos jours les cérémonies du sacrifice y sont toujours célébrées avec apparat et faste durant plusieurs jours. Cela me paraît contraster fortement avec la philosophie humaniste de paix qu’enseigne et pratique le bouddhisme. Je me disais que finalement plus je cherchais à comprendre et moins je trouvais surtout dans ces contrées lointaines, avec de surcroît la barrière de la langue et un temps relativement court.
Je mettais fin à la visite en arpentant l’immense parc du temple, en regardant les nombreuses fontaines et les mini lacs de nénuphars qui venaient abriter de gros poissons rouges. Le temps était effectivement compté car le retour pour la France était prévu pour le lendemain.
Un autre rendez-vous était quand même pris à 5 heures du matin sur une grande place proche de l’hôtel, où plusieurs dizaines de personnes pratiquaient le Thai-chi-chuan. Je me posais la question à savoir que pouvaient faire ces gens dehors à cette heure là, en pleine nuit, dans le froid…
Et c’est sans conviction que le lendemain à 5 h 30 sans même déjeuner je me dirigeait vers la place. C’est avec stupeur que je vois sous la lueur de réverbères blafards plusieurs groupes de personnes dans un ballet silencieux fouetter l’air des pieds et des jambes. Chaque groupe suivait les mouvements d’un Maître en kimono.
Je me joignais sans hésiter au groupe le plus près et commençais mes circonvolutions désordonnées. D’autres personnes arrivaient, d’autres partaient, dans ce qui me semblait être un cours de mise en mouvement du corps, une sorte de réveil matinal, ou chacun pouvait recharger des énergies vitales et y échanger les mauvaises. Un tourbillon de Ying et Yang. Je restais une petite demi-heure et stop car ces mouvements apparemment faciles et lents sont éprouvants et m’avaient littéralement vidé, peut être par l’expulsion des énergies négatives.
Retour à l’hôtel pour une dernière farandole de thés parfumés et go to l’aéroport. Je l’ai souvent dit et répété, il est impossible d’appréhender de comprendre un pays, son histoire à travers des livres, des reportages et même des visites, il reste néanmoins mon ressenti, mon expérience du moment qui fait sens, pour moi. J’espère aussi partager tout cela avec le lecteur, lui faire partager un tant soit peu mon message, mon voyage en souhaitant qu’à son tour il tente l’expérience, son expérience.
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Témoignage
Guadeloupe
« Il vaut mieux mettre son cœur dans la prière sans trouver de paroles, que de trouver des mots sans y mettre son cœur »
Ghandi
Le voyage suivant en direction des Antilles, fut l’exemple même des bonnes raisons qui m’attelèrent à ce grand projet de tour du monde de la foi.
Les Antilles Françaises entre autres (Guadeloupe, Martinique et l’archipel qui les entoure), ont une pratique de la foi catholique rigoureuse, colorée, chantée et joyeuse. La reprise de contact avec un ami Corse expatrié en Guadeloupe depuis 30 ans eu vite fait de me décider.
Les nouveaux moyens de communication, Internet et autres types de réseaux ont été des véritables outils pour faciliter et enrichir mon voyage. Je me dis souvent que mon projet aurait été impossible sans l’aide des nouvelles technologies, à moins encore une fois de sacrifier encore plus de temps, plus de moyens, plus de ressources pour un résultat moindre.
C’est pour cela que je ne peux m’empêcher régulièrement de penser aux aventuriers, les marins notamment, qui partaient pour des voyages aux retours incertains, sur des mers et des conditions de voyages inconnues. Il m’arrive parfois de m’assoir sur un rocher face à la mer, sur une pointe de terre et imaginer, visualiser les goélettes et autres caravelles accoster.
L’histoire nous raconte les débarcadères de ces intrépides navigateurs, sans cartes maritimes, sans moyens de communication, juste avec l’espoir et la détermination, sur des bateaux de bois lourdement toilés, entourés de récifs a fleurs d’eau, chargés d’hommes à bout de force, en quête de terre et de richesses. Il m’arrive de fermer les yeux en faisant abstraction du réel qui sollicite mes sens, de les voir, les entendre et mêmes ressentir les émotions que devaient avoir ces vrais aventuriers. Du coup mes peurs et mes inquiétudes sur ma condition de voyageur du XXIème siècle se diluent rapidement.
Je faisais cette expérience d’immersion avec retour sur le passé sur la pointe Sud de l’île de la Désirade en face de la Guadeloupe. C’est là que les caravelles de Christophe Colomb mouillaient et nommèrent après des mois de voyage la terre en vue la Désiré, qui allait devenir la Désirade.
Je m’installais rapidement dans la ville de Saint François en Guadeloupe. J’empruntais la moto de mon ami Patrick pour me diriger au centre de la petite ville, c’est à dire sur la place de l’église Saint François. La première paroisse Franciscaine a été installée en Guadeloupe en 1688. Une fois que les aventuriers guerriers avaient sécurisé les terres, l’administration coloniale structurait avec notamment la charge d’évangéliser.
Une évangélisation forcée, souvent cruelle, que je m’efforçais de ne pas trop approfondir dans cet ouvrage. Et même si cela reste un pan tragique de l’histoire, avec l’esclavage et l’exploitation sous toutes ces formes des hommes par d’autres hommes, ce ne sont pas les motivations de mon voyage, je passe à autre chose et profite de la belle église catholique de Saint François où se déroule la messe quotidienne. Une messe quotidienne à 6h 20 du matin avec 200 personnes environ, où je se suis un des rares hommes et le seul blanc.
La messe « rapide « du matin dure quand même une petite heure. C’est toujours avec le même bonheur que malgré les milliers de kilomètres, malgré l’ambiance étrange, la chaleur humide du matin, je reconnais chaque moment, chaque rituel de cette messe dite moitié en Français et moitié en Créole, avec un père « black « devant mesurer deux mètres, qui parfois lors du rituel élevait les bras vers la voute du sanctuaire lui donnant un air impressionnant.
Tous ces voyages liaient aussi, et heureusement, le thème et la détente. Après quelques escapades culinaires, je retournais au plaisir simple de la nage en eau claire et limpide des lagons, et des footings (nocturnes) car il faisait trop chaud pour courir sous les tropiques, même si par le passé j’avais fait des épreuves sportives extrêmes.
L’ordre du jour était la visite de Marie Galante. Je prenais un bateau pour l’île, afin de visiter, entre autre, la paroisse de l’Immaculée Conception de Grand Bourg. Cette magnifique et grande église a été construite dans les années 1830, avant la fin de l’abolition de l’esclavage. En Guadeloupe les stigmates de l’esclavage sont partout et surtout dans la tête des Guadeloupéens de souche qui racontent qu’ils ont tous connus des grands parents qui ont été esclaves.
L’église était grande ouverte comme toutes les églises de la région et impressionne de par ses dimensions imposantes pour une si petite paroisse. Son plafond me dit un paroissien est forme de coque de navire renversé, afin d’être épargnée par les ouragans. Cela n’a apparemment pas suffit car lors du dernier cyclone Hugo qui ravageait la Guadeloupe le toit avait pris la mer par les airs. Le paroissien qui faisait office de guide me racontait le passage de la tempête car il était sur site en spectateur impuissant.
Dans toutes les églises catholiques qui sont de par le monde on retrouve les mêmes statues de Saints qui viennent encore un peu plus sacraliser les sanctuaires. Saint Antoine, Saint Joseph, Saint Michel, Sainte Rita et bien sûr de belles statues de Marie.
Après un tour du marché installé sur le parvis de l’Immaculé Conception, aux étals nombreux et coloré, aux parfums d’épices je reprenais le bateau. En chemin je vis aussi quelques églises adventistes, et évangéliques au bord de la route. Le chauffeur me disait que bons nombres de catholiques basculaient progressivement vers d’autres types de religions plus agressives et racolardes, parfois inspirées de rituels africains et rastafari. Comme le dit Éric Emmanuel Schmitt, le problème n’est pas que les gens ne croient plus, c’est qu’ils croient à présent en n’importe quoi !
Après la journée de repos du lendemain, go to Notre Dames des Larmes en Basse Terre. La Guadeloupe est un « archipel » des caraïbes composée de deux îles principales accolées (la Basse-Terre et la Grande Terre). Ce sont deux îles de naissance géographique différente, une coralienne, de faible hauteur entourée de plages, une volcanique 1500 m de haut, où culmine le volcan la soufrière. Les deux îles sont rattachées par deux ponts.
La Basse Terre a un climat très humide à végétation luxuriante, alors que la Grande Terre a un climat chaud, sec et venteux. Après deux heures de moto je quittais la route du littoral pur m’enfoncer dans la montagne, brusque changement de décor, route défoncée, brumes et crachin. La température chute et je perds le réseau téléphonique. Autant dire que de nos jours on est perdu sans signal de réception. Aucune chance de se perdre cependant car il faut aller au bout du ruban d’asphalte qui se transforme en route en terre et puis en piste.
Une demi-heure plus tard je suis au terminus de la piste. Dans cet havre de nature capricieuse se dresse le modeste Sanctuaire de l’ordre du Magnificat de la Mère de Dieu, qui avais été demandé par la très Sainte vierge elle-même lors de ses apparitions de 1846 a la Salette dans le département de l’Isère.
Proche du couvent a été érigé un monument avec une très belle statue de Marie, sur un gros promontoire rocheux surplombant un petit torrent où est apparue le 9 Mai et le 3 Juin 1977 la mère de Dieu a deux Fillettes. Le sanctuaire est très bien préservé et vivifié régulièrement (comme d’ailleurs tous les sites religieux en Guadeloupe) avec des offrandes des fleurs et des bougies.
J’apercevais un homme dans un trou de rocher fouetté par l’eau vive en train de faire des ablutions, se signer en levant les bras au ciel. A la vue de cette scène, une question me traversait à nouveau l’esprit. Pour ne pas croire aux mystères de Dieu, faudrait-il donc que des millions de personne aient perdu la raison ? Que l’on soit tous des fous, qu’il n’y ai rien plus tôt que quelque chose ?
Je quittais le lieu, pour me recueillir en chemin en égrainant mon chapelet. J’allais vers un monastère de construction classique caribéenne. Un clocher semblait rivaliser de grandeur avec un grand pylône métallique à parabole, ce qui confirmait que dans ce lieu il y avait peu de réseau de communication. Je passais le petit portillon de clôture en me dirigeant vers ce qui semblait être des parvis d’entrée. Je m’approchais de la porte et me trouvait face à un grand écriteau « Sonnez et attendez «. Un quart d’heure plus tard (il ne faut jamais être pressé sous les latitudes…), une sœur coiffée d’une cornette, sans âge apparaissait, vêtue d’un costume identique aux sœurs des films des années cinquante. « C’est pourquoi » me dit-elle avec un accent prononcé ? « Je ne sais pas dis-je »; Attendez je vais appeler un prêtre.
En attendant je contemplais une belle crèche de noël et de feuilletais la revue du magnificat présentant le monastère et son ordre. Un moine en aube grise avec une grande croix blanche cousue sur la poitrine, arrivait au pas de charge et m’invitait à le suivre. J’emboîtais son pas pour nous retrouver dans un bureau sobre et encombré ou trônait Marie.
Une fois m’être présenté et exposé le sens de mon voyage, la petite réticence classique et mutuelle dans ce type d’entretien laissait place à une cordialité et une fraternité réconfortante.
L’Ordre du Magnificat de la mère de Dieu a été fondé au Canada en 1962 et est répandu à travers le monde. L’ordre comprend des prêtres et des religieuses. Ils suivent une règle commune, celle qui fut dictée par la mère de Dieu à la Salette (1846) et qui fut approuvé par le pape Léon XIII en 1879.
L’ordre opère sous sa propre hiérarchie, il est de foi, de doctrine et de tradition chrétienne catholique. Cet ordre souhaite cependant fermement revenir à la simplicité évangélique des premiers temps de la chrétienté. Le père Vincent missionnaire globe-trotter de 78 ans, me dépeint le tableau d’un monde corrompu, coupé de Dieu ou l’on veut effacer toute la saveur et la puissance des mystères de Dieu, au profit d’une force obscure diabolisante qui investi tout, même dans endroits que l’on oserait imaginer, c’est-à-dire même dans les communautés religieuses, même dans les bureaux de ces dirigeants, et même dans les églises.
Sa vision du monde qui vient est assez sombre, » l’issue fatale va être terrible » me dit-il. La mère de Dieu retient le bras armé de Dieu, cependant il devient de plus en plus lourd et difficile à retenir… L’église baisse chaque jour les bras et la Sainte Vierge n’est plus d’accord avec Rome. Le père Vincent prenait de plus en plus confiance, il me disait que l’église Orthodoxe de Russie était en train de commettre l’irréparable en bénissait l’action diabolique des dirigeants du pays qui sont investis depuis pas mal de temps par les forces du mal, et ne laisserons aucune chance au pays. Le père Vincent argumente et étaye son propos à travers des paroles d’évangiles, et de prophéties notamment de saints qui avaient déjà anticipé ce scénario tragique : Saint Padre Pio, Sainte Helena.
Il arguait aussi par des revues de livres d’histoire. Il me disait : « A la mort de Staline tous les chiens de Russie hurlaient à la mort ! Toute les armes que l’homme à créé depuis la nuit des temps il les a utilisées, et bientôt il va mettre en application les plus terribles et ce malgré lui et malgré les discours de façade récurrents. Il continue, tous les gouvernants n’ont qu’un seul but : effacer le nom et les serviteurs de Dieu sur la terre …les forces du mal, seront bientôt à leurs apogées car un jour viendra, où Rome perdra la foi et deviendra le siège de l’antéchrist ».
Père Vincent malgré ce discours radical me disait avoir foi, confiance et espérer, car une fois que Dieu aura châtiée et sera allé au bout de sa colère, viendra une aube claire de paix et d’amour, où l’on entendra dire tout est perdu mais tout est sauvé !
De toute façon me disait-il, il n’y a pas d’autre alternative, car l’homme augmenté et autre transhumanisme, unigenre, ne sont et ne peuvent être le vœu d’hommes saint de corps d’esprit mais celle du diable.
Père Vincent m’invitait à me rendre sur le chemin de croix situé dans la forêt où un arbre fut transfiguré, a l’image de la mère de Dieu a la même période que les apparitions. Il me montrait les photos pour preuve. Ces photos et le site furent étudiés à l’époque par des émissaires spécialiste qui conclure à une incompréhension miraculeuse. Après la traditionnelle photo-souvenir avec père Vincent, on se faisait une accolade fraternelle et je me rendais sur le chemin de croix pour en faire le tour religieusement chapelet en main.
Mes émotions et mes sensations furent moindres car malgré une prière silencieuse, une averse bruyante « un grain » tambourinait les grandes feuilles des arbres, obscurcissait le site et me trempait totalement. De retour sur ma moto je mettais le cap sur Saint François, retrouver le soleil de la haute terre, non sans me refaire le film de cette visite et cet entretien que je validais dans son ensemble, je me faisais cette réflexion, si l’on ne sert pas Dieu, qui sert on ? Le vide ne peut être servi… De plus parfois, beaucoup de ceux qui le prêche, ne vivent même pas eux-mêmes ce qu’ils prêchent …
Je reconnais que les tentations pour s’éloigner de la foi et de la confiance en Dieu sont grandes et décuplées par les réseaux sociaux et internet en général. Je me suis fait prendre au piège encore une fois et malgré tout en Guadeloupe.
Un soir alors que je regardais sans attention la télévision locale, des publicités apparaissaient à la fin d’une banale émission, je détournais davantage l’attention, néanmoins mon inconscient entendit « si vous souhaitez vous débarrasser définitivement des insomnies et des acouphènes, n’hésitez pas à consulter madame Alidor à Baie Mahault etc…. Le temps que j’imprime le message et le temps que je me dise c’est quoi ce truc, la pub était passée. Sans conviction manifeste je regardais néanmoins la série de pub les jours suivant, mais plus de spot de Madame Alidor. Je me disais que cela était peut-être un signe du destin et que je devais trouver la Mme Alidor. Les jours passaient et la date de mon départ également.
Je forçais donc le destin, et trouvais le numéro de téléphone de la régie de pub de TV Guadeloupe, retrouvais l’annonce publicitaire en question et eu Madame Alidor au téléphone avec laquelle je prenais rendez-vous à Baie Mahault à une heure de route de Saint François.
Je me rendais à son domicile, et commençait par un cours sur les 7 Chakras, les 21 Méridiens et les 4 corps énergétiques. Mme Alidor me proposait un protocole strict en 7 jours et je devais passer 2 heures par jour sous une pyramide en tube métallique avec diverses pierres magiques déposées sur des linges humides… Intervention et protocole surprenants que je ne pouvais voir, car j’avais les yeux et les oreilles recouvertes de je ne sais quoi.
Je demandais à Mme Alidor de me prendre en photo afin que je puisse témoigner de cette expérience pour d’autres mais, le secret devait être bien gardé et pas de photos témoignage…Je ne regrette pas l’expérience, les soins reçus et la somme dépensée, car j’eu droit au-delà du show, à une débauche d’énergie de la Mme Alidor, qui me disait que les effets allaient aussi intervenir plus tard. Encore une fois je ne regrette rien, car j’aurais vécu une expérience surprenante qui sans avoir obtenu les effets réels escomptés.
Finirais-je par comprendre (encore une fois), que pour les expériences mystiques et les miracles, on devrait rester prudent et être en lien avec mon Dieu devrait me suffire.
Parfois ces miroirs aux alouettes brillants sont utiles pour certains, à un certain moment et dans certaines situations. Parfois on perd confiance, on perd la foi, l’espérance, on ne sait plus à quel saint se vouer, alors là s’ouvrent les vannes de la peur et de la crédulité qui peuvent être dangereuses, car les charlatans et les escrocs, sont toujours aux aguets et sans scrupules face au désespoir et à la faiblesse d’autrui.
Je participais à la messe du 1er de l’an dans la chapelle St Paul à Pombiray, paroisse de Saint François. J’eu droit à un défilé de paroissiennes de blanc vêtues et de chapeaux multicolores. Les hommes, malgré la chaleur étaient en costume ou très bien habillés. Je me sentais un peu en décalage avec mon bermuda et mes claquettes…
La chorale était également en place en tenue de rigueur, papillon pour les hommes et tenue traditionnelle pour les femmes. Le tout avec une belle formation d’instruments qui animaient l’office pendant 1 h 30.
Je retenais un prêche de qualité ou le prêtre revenait sur ces faux vœux et rhétoriques vœux de bonne année qui ne voulaient plus dire grand-chose, car au lieu de ces belles paroles on devrait chaque jour après s’être occupé de soi et des siens, il serait bon de s’occuper des autres car la charité efface les péchés. Sermon simple et interactif qui avait du sens et rendait grâce à l’an passé. Année passée avec ses lots de difficultés et d’épreuves, notamment avec les proches et ceux que l’on aime rappeler à Dieu. La messe se poursuivait par une procession pèlerinage jusqu’à la chapelle de baie Olive, que je ne pouvais suivre.
Le lendemain j’assistais tout à fait par hasard aux de funérailles d’un ancien pêcheur ce qui, au vu du cortège, bloquait totalement la marina et le port de pêche. La musique est un élément essentiel des obsèques, Musique Antillaise à fond, corbillard rutilant le coffre ouvert, des danses, et des chants le tout piloté par des hommes STAF en costume noir. Des bouquets en palmes énormes étaient bénis et jetés en mer. Les larmes et les chants Gospels redoublèrent, s’en suivi peu après un grand silence. Quelques instants après le convoi repartaient et moi avec mais pas dans le même sens.
Je terminais le voyage en Guadeloupe par l’ascension du volcan de la soufrière, ce qui me permettait de découvrir la statue de notre dame protectrice de la Guadeloupe et de son volcan actif, qui fit évacuer la Basse -Terre à plusieurs reprises. La statue insérée dans un rocher énorme fait face au volcan afin de lui induire clémence et repos. La protectrice de Guadeloupe est aussi la Sainte de la magnifique cathédrale de Basse-Terre.
Après un voyage en avion de 10 heures, un décalage horaire de 5 heures et dissipations quelques doutes récurrents, pourquoi fais-je tout cela ? Est-ce bien nécessaire ? Est-ce bien et bon pour moi ?
En faisant des comebacks de 50 années d’existence et en analysant parfois mon parcours, je retrouve au plus profond de ma mémoire, non seulement mon envie viscérale de voyager, mais aussi de l’intérêt de mes sacrifices pour cela.
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Témoignage
Le Brésil
« La grandeur de l’homme est dans se décision d’être plus fort que sa condition »
Albert Camus
Le Brésil est le plus grand Etat d’Amérique latine. C’est un pays où les plus grandes fortunes se côtoient avec les plus démunis. C’est une terre d’opportunités pour les entreprises et autres Start Up. Si les religions catholiques et protestantes représentent les principaux cultes du pays, elles se déclinent en plusieurs courants locaux comme les églises évangéliques et le candomblé. Le chamanisme reste lui emblématique des tribus indiennes.
Le contraste social entre d’un côté, le pouvoir, l’argent et les hôtels de luxe et de l’autre la favela, le chômage, la violence sont les deux mondes de Rio de Janeiro en particulier.
Brésil qui abrite le poumon du monde avec la forêt Amazonienne fascine.
A Rio de Janeiro connue pour ses plages de Copacabana, sa statue du Christ Rédempteur au sommet du Mont Corcovado autre symbole de la ville, l’imposant Pain de Sucre, son légendaire carnaval, j’ai préféré aller dans une région plus calme, plus authentique avec le désir de ressentir plutôt que de subir le monde et la pression
Alors après quelques semaines de préparation, cap sur l’Amérique du Sud et la région Nord Brésil, c’est la région de l’aventure et des amoureux de la nature, la beauté du Ceará par la diversité de ses paysages, le petit village de Cumbuco plein de charme et la ville de Paracuru, à 80 kilomètres de Fortalezza que je connaissais pour y être allé faire du kitesurf.
L’Amérique du Sud a un rapport à la foi sans commune mesure avec l’Europe et la France particulièrement. La représentation de Dieu est partout, l’invocation des Saints et de la vierge Marie est omniprésente, la légèreté et la paix est omniprésente et la région maritime où je séjourne, contraste avec l’image insécure que véhicule le Brésil, en tout cas les grandes villes car les localités à taille humaine proches de la nature, son épargnées par la violence sociale et même économique. De plus cette grande région bénéficie d’un climat chaud toute l’année et aéré par les alizés tropicaux. C’est une région propice à la méditation, au sport, à la pratique et culture de la foi.
La société Brésilienne est empreinte de la présence de Dieu, profondément religieuse, au regard non seulement de la religion catholique, mais aussi de la religion protestante qui s’est muée ces dernières décennies en branches diverses et variés : les évangélistes bien sûr mais aussi les baptistes, les luthériens, les pentecôtistes, les anglicans, les méthodistes, sans compter les néo mouvements qui essaiment de ces derniers. Alors comme dirait mon ami, mieux vaut avoir à faire à une personne de foi, qu’à un athée endurcit, car on trouvera toujours le moyen d’échanger nos expériences.
L’église catholique de Paracuru, comme toutes les églises bien souvent, est située au centre de la petite ville. Je m’y rends rapidement pour prendre connaissance avec le comité paroissial afin de me présenter, évoquer ma démarche, connaître les horaires des différents offices etc… Les entretiens, évidement en Portugais, ce qui n’est pas facile pour moi, me permettaient néanmoins d’échanger, cela est une autre des vertus de la foi, on se comprend, on se ressent, le reste est à la marge. De plus les nombreux traducteurs internet sont un support non négligeable pour lever un doute.
J’assistais le premier soir (en semaine) à une messe, l’église qui devait contenir 400 personnes était pleine, des bancs étaient régulièrement installés sur le parvis, où je prenais place car à l’intérieur, malgré les nombreux ventilateurs, la chaleur du mois de Janvier était étouffante. Même les « petites « messes respectent un protocole cérémonial et dépassent allégrement une heure.
La ferveur est grande et on ressent rapidement les égrégores puissants nous unir. Sans communiquer par la voix, le ressenti est fort, on se comprend.
Dans l’échelle des besoins, l’anthropologue Américain Maslow, à positionné le besoin d’appartenance à un groupe comme fondamental. De plus quel que soit le lieu sur la planète, le rituel des messes est identique, la langue parlée en devient accessoire.
Des milliers et des milliers de paroisses célèbrent quelques soit le fuseau horaire les mêmes messes en même temps ! Et ça ce n’est pas rien, cela dépasse la raison. Je me suis réjouis de ce moment et je ressors, comme après chaque messe, meilleur que quand je suis rentré.
Les jours suivants j’avais au programme, la participation à une messe chez les Evangélistes. J’avais tissé un lien avec Joao, qui était le responsable de la petite pousada, (maison où je résidais). Joao avait tout de suite remarqué que je portais un beau chapelet en permanence autour du cou. Effectivement je le trouve magnifique. C’est un chapelet dit « de combat spirituel », avec la médaille de la vierge miraculeuse et la médaille de Saint Benoit. Il a été béni et exorcisé par le père François Dominique du couvent Saint Antoine.
Ce genre de Chapelet avait été distribué par l’armée Américaine à chaque soldat lors des deux grandes guerres mondiales. Il m’a été offert par Jany une fervente du couvent. Il me permet également de pratiquer certains sacrements. Il en émane de fortes énergies, car lorsqu’on me demande de le prendre en main, il ne laisse personne indifférent. Puissance réelle, métaphasique, ou autres superstitions… à chacun son expérience, ses ressentis.
Joao n’avait en tout cas pas eu besoin de le prendre en main pour le remarquer. Ce soir-là, pas de messe Catholique, j’enfourchais ma moto et suivais Joao par une artère qui nous conduisaient en périphérie de la ville. A présent je zigzaguais à travers de petites ruelles à moitié goudronnées, a moitié pavées en évitant les enfants et les animaux en tous genres.
J’étais angoissé pour le retour, mais cette inquiétude fut rapidement dissipée au terme du trajet car Joao, une fois stationné me confirmais qu’il serait avec moi. Le parking en terre était immense et déjà des dizaines de voitures s’y entassaient dans un ordre incohérent pour moi. Dans le fond du terrain un grand hangar, ne dissimulant pas qu’il est devenu le lieu de leurs pratiques spirituelles. Malgré la lumière encore rouge du soleil, les spots blancs éclairent les inscriptions de louange à Dieu. La musique démarre et Joao me présente à différentes personnes, qui officient dans cette cérémonie du soir.
A l’intérieur, peu de signes ostentatoires, pas de dorures ni de statues de Saint, juste une estrade, avec deux pupitres, et un écran géant central. Sur les parties latérales, d’autres écrans, des caméras, des haut-parleurs et les indispensables ventilateurs.
La cérémonie démarrait, par la lecture des passages de l’évangile qui s’inscrivaient sur les écrans, puis les chants de Gospels prirent le relais. La foule de 200 personnes environ chantait en cœur, me causant des désagréments pour mes oreilles, malgré les protections auditives que j’avais prévu. Puis deux prédicateurs se relayaient, mais je ne comprenais pas grande chose. Venaient enfin, les séries de questions réponses, qui ne m’éclairaient pas vraiment…
Les chants terminés, était venu le temps des remerciements, à l’annonce mon nom et tous les regards qui se portaient su moi, des applaudissements s’en suivirent. Joao m’avait sûrement présenté pour quelqu’un d’important, c’est ce que j’ai cru comprendre aux agapes qui suivirent.
Au brésil ont peu créer autant de temples que l’on veut, il n’y a pas de règlementation et aucune structure n’est imposée. Il s’en crée beaucoup mais certains sont contraints de fermer faute de moyens, car leur seule subsistance vient des fidèles. La formation des pasteurs doit être rapide et la hiérarchie doit s’établir en fonction de leurs capacités de rassembler et sûrement de récolter les dons.
Ils sont souvent récupérés par la politique, ou les cercles d’influences divers. Quand on conjugue la religion et la politique, donc en pouvoir et en argent…on peut douter du même but…
Le lendemain retour à l’église chrétienne avec un engouement non dissimulé, on néglige que ceux que l’on ignore, c’est bien connu …
Dans ce pays les témoins de Jéhovah sont bien présents. Cela n’est pas étonnant, et on se fait aborder poliment ; il n’est pas inintéressant de converser avec eux, car ils ont une grande connaissance des évangiles. En Corse j’avais d’ailleurs été invité à une cérémonie dans leurs temple principal à (Voir chap. xx) Bastia, et je m’y étais rendu.
Je n’avais pas été étonné par leurs rituels, leurs engagements et le prosélytisme dont ils font preuve, que l’on accepte ou pas, qui mènent à des dérives ou pas, encore une fois je n’étais pas là pour juger, mais juste pour apprendre et pour vivre des expériences.
Finalement c’est toujours la même chose, on a peur de ce que l’on ne connaît pas. Après des années de voyage aux rencontres de frères de religions diverses, de pratiques et de coutumes toutes aussi riches les unes comme les autres, je reste fidèle à mon enseignement historique et actuel de religion et de foi chrétienne qui m’a tout donné et qui continue à nourrir ma spiritualité et ma croyance.
J’étais convié par le prêtre de la paroisse de Paracuru (qui commençait à me connaître), à la traditionnelle messe du « Rigraziametu «. Cette célébration du 30 décembre, permet de faire une « sorte » de bilan de l’année écoulée, on en profite pour remercier le Seigneur des grâces accordées, constatées bien sûr mais aussi celles que l’on ne voit pas et qui ne nous apparaissent pas d’emblée à nos yeux.
« Si les œuvres de Dieu étaient telles que la raison de l’homme pût aisément les comprendre, elles cesseraient d’être merveilleuses et ne pourraient être appelées ineffables »
Imit 1.4, ch 18
La messe solennelle était dite dans l’église (Igreja N. Sr. Dos Remedios ). Une chorale avait été invitée, le service de messe paroissial en habit de fête était aux petits soins pour toute l’assemblée. A l’extérieur sur le parvis un déballage de tables et de chaises, laissait augurer un buffet de fin de cérémonie.
Il est certain que je ne comprenais pas grand-chose aux longs discours prononcés par les paroissiens qui se succédaient au pupitre de l’autel, mais je captais quelques mots pour en deviner le sens, à savoir des remerciements adressés à chaque personne spécifiquement pour leur dévouement ou des faits particuliers et le seigneur Dieu bien évidemment. Le collège de prêtres redoublait d’incantations, de prières en faisant virevolter les encensoirs autour de l’autel. La grande bénédiction de la foule, compacte, était donnée avec des palmes de cocotiers. Un vrai spectacle, que pour ma part je n’ai jamais revu ni en Corse ou en France.
Le moment où chacun se donne la paix et l’Eucharistie sont pour moi les instants les plus puissants de la messe. Cependant à N. Sr. Dos Remedios, cette cérémonie prenait davantage de force. Le prêtre supérieur, dans ses lourds habits et sa chasuble de cérémonie était en sueur, pour ne pas dire en transe. On lui faisait passer régulièrement des serviettes en papier pour éponger son visage rayonnant. Les ventilateurs mis à pleine puissance semblaient bien dérisoires et l’air ambiant peinait à se renouveler, malgré les portes et les fenêtres grandes ouvertes de ce début de soirée, car les puissants alizés qui traversent l’atlantique se calment totalement le soir.
Le chant de sortie eu lieu 1h 30 plus tard et ce n’est pas sans un petit soulagement que je me rendais sur la placette où il semblait y avoir un petit peu d’air. Un beau buffet nous attendait, et les jus de fruits tropicaux aux noms enchanteurs aussi ! maracuja, fruits de la passion, Goyave, ananas, etc… avaient terminé de me rafraîchir.
Le retour en Corse fut dans cette période COVID, encore plus compliqué car entre test (vrais et faux…) les périodes d’attente imposées, la diminution des fréquences de moyen de transports, une psychose à tous les niveaux, les lavages, et autres tunnels de désinfection, avaient surtout comme impact de me demander ce que je foutais la…
Vers la fin de mon séjour au Brésil, et entre navigation en kitesurf sur la très belle plage de Quebra Mar, la nage en eaux troubles (les nombreux fleuves venant de la forêt amazonienne sont chargé d’alluvions ternissent les eaux chaudes du rivage), je décidais de me perdre avec ma moto, dans la campagne environnante afin de rencontrer les gens. Plus on s’enfonce, dans la forêt, plus les gens semblent gentils, serviables, humains. Plus on s’enfonce dans la forêt et moins on rencontre de l’insécurité.
Le plus petit village a son lieu de culte hybride Igréja (Eglise). Les noms d’enseigne sur leurs frontons, accrochants et provocateurs sont étonnants : La compagnie des guerriers de Dieu, la compagnie des rédempteurs, Assembleia de Deus, Assembleia de Deus major un réel programme d’évangélisation accrocheur…
Pour ma part il suffisait que je mette en évidence mon chapelet (que je porte toujours autour du cou), pour engager la discussion et me faire inviter à boire des breuvages saints et purificateurs, que je ne vous conseille pas d’ingérer, aux risques de faire le chemin de retour dans le mauvais sens….
J’avais fait cette expérience dans un précédant voyage au Brésil ou je me risquais à une expérimentation mystique ( dont je me serais bien passé après coup …) conseillée par mon réseau relativement sérieux, dont un ami médecin que je connaissais depuis pas mal de temps, qui me ventait le breuvage du jus de L’ayahuasca à base d’écorces de lianes du genre Banisteriopsis utilisé par les chamanes des tribus amérindienne d’Amazonie pour se relier, entre autre au monde des esprits . Leurs vertus thérapeutiques avaient traversé l’atlantique, pas autant d’ailleurs que leurs effets indésirables… mais pas que…
Un Maître (encore un …) Joao de Deus, avait eu dans ce protocole des résultats incroyables, sur des gens souffrants d’acouphènes chroniques, hyperacousie avec liaison dans la sphère ORL. En souffrance de tout cela depuis un moment et ayant tout essayé pour me soulager en vain, je m’auto proclamais donc candidat pour vérifier et accréditer les pouvoirs de guérison de ce breuvage, après une petite négociation financière.
Après une journée de préparation et de conditionnement, on me colorait le visage, c’était tout un cérémonial avec un chant et des prières rituelles, puis j’étais invité à de passer à l’acte et ingérer cette boisson amère que je ne réussissais pas à terminer, malgré les encouragements et les chants du chamane.
Enfin on me fit allonger dans une case ventilée en retrait du groupe et quelques minutes après, ce fut le grand voyage ; j’étais pris de vertiges, de vomissements, tout tournait autour de moi, et tout cela bizarrement ne m’inquiétait pas pour autant, dans l’état où je me trouvais la seule chose à faire était de me tenir tranquille, je ne me posais même pas la question de savoir si je pouvais tenir debout ! On venait prendre de mes nouvelles régulièrement avec parfois quelques sourires de compassion, afin de me soutenir sans doute.
La nuit fut longue, car après les vomissements vinrent les allées retour hors de la case pour purger mon colon qui, chamboulé lui aussi, ne comprenait pas toute les vertus bienfaitrices de ce breuvage. Au petit matin, je reprenais mes esprits, le chamane avait disparu et seules quelques femmes étaient présentes, la vie d’un nouveau jour s’offrait à eux comme à moi, hier c’était hier et demain sera un autre jour. La vie s’écoule ainsi dans la nature. On me proposait de manger, mais cela était impossible. Je retournais donc après une nouvelle pose, à ma pousada, en moto, sans souvenirs précis de cette expérience, si ce n’est une sorte d’épreuve désirée comme un challenge, un défi, encore un… Le retour fut entrecoupé de vomissements, de vertiges et d’un florilège d’émotions, que je mis quelques jours à gérer. Je fus contraint de faire plusieurs arrêts pour m’hydrater, reprendre mes esprits pour ne pas faire de chute.
Je retrouvais en cati mini la chambre de ma pousada. J’ai mis deux jours à me remettre de cette expérience, de ce défi que je ne regrette pas, même si mes problèmes auditifs étaient toujours présents et le sont toujours aujourd’hui…
Pourquoi ? pour qui ? Tant d’efforts, de contraintes, de voyages à thème trop restrictifs, trop rapides, comme un énième défi, pour écrire un, deux livres, faire un reportage, un film de ce tour du monde la foi et des religions.
Parfois des doutes me gagnent lorsque je compile des milliers de notes, des centaines de photos, vidéos à mettre en cohérence au propre.
Un travail de dingue, des heures sur mon ordinateur à écrire, retranscrire, des heures à mon bureau que j’ai transformé en studio photos/ Vidéo, des heures à rencontrer des gens qui m’aident dans l’ombre, Claudia ma fille, Sylvie, faire des réunions, voir les prestataires, les éditeurs, la communication, la relation presse … mais encore faire des concessions financières, familiales etc… Pourquoi ? Pour qui ? Car le travail et les ressources que tout cela demande sont gigantesques ! Peut-être est-ce tout simplement pour être moi-même, être ma vie qui s’écoule et cela est déjà énorme, n’est-ce pas ? Qu’est-ce que je n’avais pas fait au bon Dieu pour en arriver là, car parfois je me dis que me poser et me laisser vivre tout simplement, m’irait également… Mais cela est une autre histoire…
Cependant passés les doutes, les questions, le naturel reviens au galop …je reprenais espoir et confiance. Je me recentrais, planifiais la continuité des voyages, multipliais les contacts, continuais à écrire et Go toujours Go, la vie se suffit à elle-même et vivre sa vie, sa réelle vie en constitue le but. Espérance, foi et charité ne sont telles pas les vertus théologales de la religion chrétienne ?
C’est un sentiment spécial le retour d’un voyage, je revenais donc à mes multiples activités entrepreneuriales, je rechargeais mes batteries physiques et énergétiques, en revenant au sport, au yoga, et à la méditation. Mija ma bienveillante professeur de Yoga, toujours émerveillée de me voir aller et venir me dit : « Etienne la vie est belle, mais l’existence est difficile … ! « Quand quelques petits mots suffisent à répondre à de grandes questions.
Je ne manque jamais de faire mes retours d’expérience de voyage au couvent de Saint Antoine à Bastia où je retrouve avec grand plaisir les frères François Dominique, et Amadéo, qui me disait à chaque fois : « Etienne soit le témoin du Christ dans tous tes voyages, ainsi ta mission s’accomplira ! »
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Témoignage
Arménie
Le choix de cette destination, de ce pays a été pris en vingt quatre heures et avait bouleversé mon itinéraire initial qui était le voyage en Ethiopie. En effet j’avais depuis plusieurs mois réservé ce séjour et mes billets d’avion dans ce pays incontournable. Cependant la guerre civile dans la région du Tigré, qui avait commencé en 2020, se poursuivait et la situation instable et imprévisible dans plusieurs régions à travers le pays échappant à la presse internationale, m’avait amené à revoir mes projets.
L’aéroport du Nord du pays, où je devais prendre un avion pour la magnifique région de Lalibela, afin de visiter les premières églises rupestres était à risque.
Voyageur courageux, mais responsable et désireux de terminer ce défi déjà suffisamment difficile, long et complexe que j’avais entreprit il y a 4 ans, je renonçais donc à partir pour l’Ethiopie. A regrets je faisais le nécessaire pour reporter ce voyage, que je remplaçais au pied levé avec mon agence de voyage Evanéos par la destination de l’Arménie, qui faisait également partie de mes options.
Le lendemain de la validation des billets d’avion pour l’Arménie, séisme dans la presse internationale : Les tensions se poursuivaient en Azerbaïdjan, menant des milliers d’habitants du Haut-Karabakh à fuir leurs foyers pour chercher refuge en Arménie après l’offensive victorieuse des troupes de l’Azerbaidjan dans la région.
Décidément en cette année 2023, le monde se dépolarise, les foyers de guerre surgissent et les accords géopolitiques hybrides se nouent.
Il n’était plus question pour moi de renoncer, d’autant que la guerre éclair menée par l’Azerbaïdjan, avait fait capituler les forces arméniennes en quarante huit heures. Les Arméniens avaient gagné une bataille de cette guerre en 2020 et perdaient celle de 2023.
Je contactais mon agent à Erevan qui me confirmait que malgré les manifestations dans les rues de la capitale, la situation était stable, le gouvernement Arménien « lâche « le Haut Karabakh. 120 000 réfugiés Chrétiens Arméniens, quittaient ainsi leur région natale et ancestrale pour se retrouver sur les routes…
J’embarquais à l’aéroport d’Orly et me voici dans un Boeing de Transavia pour cinq heures de vol en direction d’Erevan.
L’Arménie composée de 3 millions d’habitants et sa diaspora arménienne de 7 millions de membres est le plus ancien pays chrétien du monde, avec son église Apostolique.
Ce peuple n’a pas souvent été épargné par la nature et par les guerres : le génocide perpétré par les Turcs en 1915, ( 1,5 Millions de morts ), la seconde guerre mondiale, le séisme en 1988 avec officiellement 20 000 à 30 000 morts, les guerres successives avec l’Azerbaïdjan et des milliers de morts.
Ce pays a obtenu son indépendance en 1991. Il faisait avant cela partie de la grande Russie, avec ses voisins directs, la Géorgie, l’Azerbaïdjan.
L’Arménie a donc actuellement ses frontières avec des pays musulmans, dont l’Iran. La Russie Orthodoxe tente d’assurer sa protection dans ce complexe de jeu de dupes géopolitique et religieux, cependant la guerre en Ukraine fait rage et l’Arménie une nouvelle fois est livrée à son destin.
Je quittais l’Aéroport d’Erevan et mon guide, Arman Pétrosian, m’attendais avec une pancarte à mon nom. Les Arméniens ont tous de « bonnes bouilles », je saurais les reconnaître au premier coup d’œil.
Arman tout sourire, me guidait, en me réconfortant et me conduisait dans mon hôtel au centre de la capitale.
Erevan ressemblait à une capitale européenne et contrastait fortement avec tout le reste du pays qui semblait n’être pas encore sorti de l’époque Soviétique.
Après une sympathique prise de contact avec la ville, qui respire la quiétude malgré les événements de guerre au Haut Karabakh et malgré le brassage ethnique important (100 000 mille Russes ont été recensé depuis la guerre en Ukraine) nous prenions, le lendemain, la direction la cathédrale d’Etchmiadzine construite vers l’an 300 par le roi Tiridate III.
Je ne pouvais accéder à l’intérieur pour cause de travaux, mais je prenais déjà la mesure des 1700 ans de pierres et de foi qui se dressaient devant moi…
A proximité de la cathédrale je découvrais l’église de Sainte Hripsimé datant de 618, bien qu’elle ait été restaurée, au XVIIème siècle.
Je pouvais commencer à présent à évaluer l’architecture Catholique Arménienne, mais également de l’organisation typique du sanctuaire, de la nef et des éléments de l’autel. Par chance j’ai pu assister, dans une chapelle attenante, à la cérémonie d’un baptême traditionnel. La petite fille en pleurs était pratiquement toute immergée dans un baptistère sous les commandements et les prières d’un curé enchaînant paroles et vocalises et un adjoint s’affairant près des parents. Toutes les femmes étaient bien coiffées ( avec un voile) et très bien habillées ; les hommes en pantalons remontés jusqu’aux genoux ? Je n’ai pas su pourquoi et mon guide non plus.
Arman me précisait que dans la tradition arménienne, en ce qui concerne les mariages, on devait se rendre à l’église, avant la mairie.
Nous nous dirigions ensuite vers les ruines de la cathédrale de Zvartnots, l’un des chefs d’œuvre les plus originaux de l’architecture Arménienne, classée au patrimoine mondial de L’Unesco.
Un mélange de colonnes et d’arches me faisaient penser à un temple Romain, attenant à l’édifice, Arman me disait qu’il y avait des bains et des thermes.
La cathédrale a été au fil des siècles, comme souvent dans l’histoire, attaquée, détruite, reconstruite, puis largement fissurée par le tremblement de terre de 1988. Je ne m’attardais pas, la dernière visite de la journée m’attendait et qu’elle visite ! le mémorial du génocide Arménien.
La grande catastrophe, c’est ainsi que les Arméniens nomment l’inqualifiable massacre de 1 500 000 des leurs par les Turcs entre 1915 et 1922, ce génocide n’étant toujours pas reconnu par Ankara.
La guide Francophone m’expliquait pendant plus d’une heure les tenants et aboutissants de ce massacre d’hommes, de femmes et d’enfants dans des conditions effroyables, par la folie des gouvernants politiques.
Il faut vraiment voir ces archives, ces photos, les journaux de l’époque, les films, et les témoignages de toutes sortes afin de prendre la mesure de la folie des hommes, qui commandés par d’autres hommes sous les ordres d’autres hommes arrivent à l’innommable. Le pire dans tout cela c’est que les leçons de l’histoire ne se retiennent pas car elles se répètent selon des cycles imprévisibles.
Complètement bouleversé, j’avais besoin d’être seul, Arman me laissait sur la grande et belle place de la République, je faisais une halte, pour boire une bonne bière. La distraction fut de courte durée car une grande manifestation pour le soutien des réfugiés du Haut Karabakh était en mouvement et bien encadrée par des forces de police et de l’armée…
Le lendemain, Arman me conduisait à la Mosquée bleue d’Erevan. J’avais visité celle d’Istanbul beaucoup plus grande.
Celle-ci était bien plus modeste, mais elle permet à la très petite communauté musulmane de la ville de pratiquer en toute quiétude.
La mosquée se trouve dans un parc dédié avec des bâtiments autour qui enseignent la religion et font du commerce divers. Je pouvais la visiter même l’intérieur, chose rare. Le sol était couvert de tapis, les murs blancs assez sobres. La coupole intérieure et extérieure est d’un beau bleu turquoise. Arman me confiait que les musulmans Iraniens viennent souvent célébrer leurs fêtes religieuses dans cette mosquée car les libertés sont bien plus nombreuses en Arménie qu’en Iran, surtout en cette période de reprise en main par Téhéran des affaires religieuses.
Ce troisième jour nous poursuivrions notre route pour la vallée d’Ararat et du monastère de Noravank dominé par les 5 165 m du Mont Ararat dont la couronne enneigée me faisait penser au Mont Fuji. Selon les livres sacrés anciens, l’arche de Noé aurait touché terre sur les pentes de ce volcan. Ce monastère du XIIème siècle, enchâssé entre les plaines et les montagnes de la fabuleuse région du Vayots est un véritable chef d’œuvre et fait face à la frontière turque. Cette frontière grillagée fait également office de frontière avec l’armée Russe garante des limites…Un casse tête géo-politique qui me dépasse et qui dépasse également mon guide qui me dit si cela continue je prends ma famille et je quitte ce pays…
J’ai pu assister à une messe dominicale magnifique, et découvrir cette cérémonie religieuse typiquement Arménienne. Il y a quelques différences sur la forme avec les traditionnelles messes que je connais bien en Corse, néanmoins le fond de l’office est identique. La barrière de la langue ne me gênait absolument pas et j’ai pu communier tout naturellement en prenant l’hostie trempée dans le vin sacré.
En effet un sacristain de noir vêtu, ayant bien remarqué, la différence de morphotype, me demandait dans un mauvais anglais si j’étais Chrétien, je sortait alors mon chapelet de mon pull en embrassant la croix. Il me souriait en me disant « Go » ! Fin de l’homélie. J’ai pris beaucoup de plaisir à partager ce moment, les égrégores étaient puissants, j’ai pu observer les visages, les postures des fidèles en totale communion une heure et demi durant.
Le soleil d’octobre était chaud, très chaud, Arman me disait que l’hiver arrive de plus en plus tard et s’achève de plus en plus tôt, même dans ce pays montagneux.
Nous quittions la région d’Erevan en direction de la frontière Iranienne et du Haut Karabakh.
Sur le parcours nous visitions les dernières découvertes archéologiques qui ont été mis à jour en 2007, la grotte d’Aréni. Les fouilles ont permis de mettre à jour un chai pour la vinification vieux de 6100 ans, comprenant un pressoir rudimentaire et une cuve d’argile entourée de pépins de raisins, de la vigne desséchée, ainsi que des tessons de poterie et même une tasse et un bol de boisson.
Halte pour la nuit dans notre chambre d’hôtes à 1 300 mètres d’altitude. Sergei, un russe marié à une Arménienne, nous attendait et avant de nous installer nous proposait le traditionnel verre de vodka de bienvenue.
Le lendemain nous voici partis pour le village troglodytique de Khndzoresk. Son église abandonnée du XI ème siècle, me donnait l’impression d’être encore en état de recevoir des offices. Il y a encore 100 ans des hommes vivaient dans ces grottes. Le petit musée attenant retraçait leur histoire, leur foi et leurs espérances.
Nous poursuivions notre route vers le monastère de Tatev et les gorges de Voratan, le tout d’une beauté féerique a coupé le souffle.
Ce monument fondé au IX ème siècle à l’emplacement d’un sanctuaire ancien a servi d’université, il a passé les siècles non sans subir les affres des guerres et des invasions. Il est à présent en cours de rénovation partielle.
La nef centrale était magnifique, l’autel brillait de toutes ses dorures. J’allumais comme chaque fois que je suis dans un lieu saint deux bougies et priais solennellement : un notre père, un je vous salue Marie pour ceux que j’aime et qui me sont chers.
Alors que j’étais seul, j’entendais un bruit derrière l’autel qui a attiré mon attention. Apparaîssait alors un prêtre habillé tout en noir et coiffé, il me fait signe, je vais vers lui, il me parle et je ne comprends rien. Il une croix à la main. La croix typique Arménienne avec du tissu à son extrémité.
Je crois comprendre qu’il m’invite à venir dans une pièce derrière l’autel, je le suis. La pièce est décorée de tableaux à l’effigie de la vierge Marie et de Jésus, il y a des cierges qui brûlent, je pense que c’est une sacristie. Il me parle en me regardant dans les yeux, je crois comprendre qu’il me demande mon nom, je lui réponds, alors il se tourne vers un petit autel commence à parler, j’entends mon nom, il se retourne à nouveau, pose sa croix sur mon front, fait plusieurs signes de croix et se penche vers moi, je fais de même et d’un coup il disparait.
Incroyable ! C’est le genre de rencontre qui vous permet de comprendre pourquoi on fait des milliers de kilomètres.
A présent direction la frontière vers le Haut Karabakh et la ville de Goris, qui est un nœud entre L’Iran, la ville de Stepanakert, capitale de l’Artaskh (haut Karabakh) et l’Azerbaïdjan.
On passe un col à plus de 2400 m, et on se retrouve dans une gorge ou apparait la ville de Goris, il me semble être au moyen âge. Arman fait le plein d’essence, le moteur pompe est à l’ancienne, avec secours à la main… les pannes de courant sont nombreuses.
Nous croisons des centaines de voitures surchargées de matériel, des lits des frigidaires, des bâches de toutes les couleurs.
Nous faisons une pose sur la dernière aire de parking autorisée, les camions de l’aide humanitaire attendent le Go pour faire les derniers kilomètres sur la seule route qui mène à l’enclave de 4000 m2.
La croix rouge Internationale et des observateurs européens, sont sur qui vive. Voitures et drapeaux flambant neufs, pour faire quoi ?
Un troupeau de moutons guidé par des cavaliers bloque la route, ou vont-ils ? Mais aussi un troupeau de vaches qui se fraie un passage entre les voitures… On lit la détresse, la résignation sur tous les visages.
Arman prend le pouls de la situation près des villageois. L’état va devoir reloger les 100 000 réfugiés en quelques jours. Goris est saturée.
Nous revenons sur nos pas direction d’une zone plus calme. Sans transition Arman m’amène sur le site mégalithique de Karahundj, l’un des plus vieux observatoires du monde (VII millénaires avant J.C), je ne porte pas grande attention aux gigantesques pierres trouées dans un ordre strict qui permettait apparemment de scruter le ciel. J’étais toujours imprégné des séquences émotions précédentes.
Le lendemain nous prenons l’ancienne route de la soie, pour changer de région et visiter le monastère de Sévan, édifié vers l’an 300 sur un ancien temple payen situé sur une péninsule du lac Sevan. Au 13 ème siècle, il devient le saint siège patriarcal de tous les Arméniens. Transformé deux siècles plus tard en Hermitage, il est redevenu depuis un complexe monastique sous l’impulsion de donateurs. L’histoire est complexe surtout religieuse, ce que je note, c’est que l’histoire bégaye et ce havre de paix qui surplombe le lac bleu, le plus grand lac d’eau douce au monde après le lac Baïkal, n’en n’a pas encore terminé avec son histoire proche…Tout comme l’Arménie d’après moi…
Toutes les églises et les monastères se ressemblent, tant par l’architecture extérieure et intérieure. Il n’existe pas de clocher se détachant de la bâtisse, mais un ensemble de toitures liés entres elles. Leurs tailles sont assez petites et contrastent avec nos immenses églises. La messe est toujours servie d’un autel beaucoup plus haut que la pièce d’accueil des fidèles. Les deux parties sont toujours séparées par un rideau. De part et d’autre de l’autel sont toujours jouxtées deux offices en lien direct avec l’autel.
Je quitte le site et le promontoire qui surplombe le lac, Arman me dit que ce lac est devenu la mer des Arméniens, car il y a encore peu de temps l’Arménie avait de part ces frontières accès à la mer noire et à la mer Caspienne. Depuis nos frontières sont devenues mouvantes… Je redescends du promontoire par un grand champ, ou les pierres sculptées de croix sont partout, à moitié ensevelies, a moitié cassées. Il me semble être dans l’Égypte de la chrétienté. Entre catastrophes naturelles, guerres passées et celles à venir, le chantier paraît immense. Les besoins sont partout et les ressources faibles, d’autant qu’elles semblent se mobiliser ailleurs. Les sites religieux millénaires ont l’air d’être abandonnés. J’y trouve cependant paix et quiétude car je suis très souvent seul à les visiter et j’adore cela.
Le jour suivant nous nous dirigeons vers le grand canyon de Kasakh et le monastère de Saghmosavank. Avant d’arriver dans cette curiosité naturelle, nous faisons une halte par le monastère de Haghartsin.
Ce site remarquable a été entièrement rénové par un Sultan musulman… Quand l’histoire est belle également.
Pour atteindre le monastère de Saghmosavank, on prend une petite ligne de crête qui surplombe un gigantesque canyon, sans aucune protection pour les visiteurs, il doit faire plus de 300 mètres de profondeur. Son emplacement privilégié confère au monastère une grâce supplémentaire. On a l’impression que les monastères et les églises ont été construites par les mêmes architectes à des siècles d’intervalles.
Celui-ci est beaucoup moins calme car un mini bus de chinois caméras au point mitraille le lieu à grand bruit.
Je m’en vais sur le champ et rejoins Arman pour la suite des événements qui nous menaient à 3300 mètres de hauteur, sous la neige, qui a blanchi l’église de la Sainte vierge, qui servait également d’abris, besoins oblige, aux bergers surpris par l’arrivé précoce de la neige. On échange quelques mots, mais la température proche de zéro, me fait retourner rapidement dans la voiture. Quelques jours plus tôt, à Erevan, la température était de 28 degrés !
On quittait la montagne pour la plaine en traversant la ville de Spitak, épicentre du tremblement de terre de 1988, en passant devant le temple du soleil, je demande à Arman de bien vouloir s’arrêter et déboule devant une énorme cône de pierres avec à son sommet un soleil en dorure qui brille malgré l’absence de soleil. Un homme en habits traditionnels, qui baragouine un peu d’anglais me dit que le rite pratiqué par les fidèles est le Yézidisme qui prient en direction du soleil. Il est très avenant et heureux de me montrer comment il pratique les offices. Leur maison « mère » est en Irak, a Lalesh.
Sur le retour à Erevan nous croisons des colonnes de véhicules militaires qui me rappellent que le pays est en guerre.
En contournant la capitale j’aperçois sur une grande butte une mer de drapeaux, je questionne Arman qui me dit que c’est le nouveau cimetière des soldats Arméniens tombés lors de la guerre du Haut Karabakh, ils sont des milliers.
Je demande à me rendre sur le site et la, stupéfaction, on y enterrait les jeunes soldats tombés il y a 15 jours. J’étais bouleversé par l’odeur des fleurs fraîches, les fumées d’encens acres, les sonneries aux morts et le vent qui faisait claquer les milliers de drapeaux au trois couleurs de l’Arménie, Rouge sang, bleu du ciel et le jaune des blés. Des centaines de personnes étaient sur les milliers de tombes identiques, alignées avec le portrait géant des jeunes soldats tués par des tirs azerbaïdjanais, morts pourquoi ? Pour qui ? Les femmes pleuraient, criaient c’était insoutenable. Je prends discrètement quelques photos
Le lendemain nous partions pour la dernière journée du séjour vers Garni et son temple Païen, l’unique monument hellénistique sur tout le territoire de l’Arménie, néanmoins sous triple influence culturelle : Grecque, Romaine et Arménienne.
Le temple de Garni, sur son promontoire perché à fière allure. Rénové dans les années 1960 il est ceinturé de 24 colonnes. Auparavant on y vénérait le Dieu Mithra et le soleil. A ses côtés on trouve les ruines d’une église catholique qui avait été érigée plus haute que le temple afin d’assurer une concurrence plus influente.
L’église construite en tuf a été détruite lors des tremblements de terre du 17eme siècle, le temple en basalte ayant mieux résisté.
Après un passage par un canyon de Basalte étonnant que la nature a sculpté en colonnes hexagonales, nous allons vers le monastère de Gueghard, qui abrite un certain nombre d’églises et de tombes, et comporte des ruines préchrétiennes.
Selon la tradition Le monastère fut fondé par Saint Grégoire l’illuminateur, une des toutes premières églises de la christianisation, au environ du IV ème siècle.
Les chroniqueurs mentionnent que l’ancien monastère était le refuge de moines acétiques en charge de rédaction d’ouvrage, mais également d’une école de musique, d’un lieu de transmission de la connaissance notamment théologique.
Au XIIIème siècle, Guéghard a été à l’apogée de sa gloire, notamment parce que y étaient cachées les reliques de la Sainte Lance considérée comme étant l’arme qui aurait percé le flanc droit de Jésus lors de sa crucifixion, ainsi qu’un bout de bois de l’arche de Noé, qui avait touché terre sur les pentes du Mont Ararat.
Le monastère subi le même destin que beaucoup d’église du pays, détruit en partie et pillée par les occupations arabes dans les années 900, reconstruit et à nouveau attaqué par les occupations mongoles, sans oublier les tremblements de terre de 1127, 1679, 1849, et le dernier de 1988…
Plus tard je visitais le musée d’Erevan. Durant deux heures, une historienne, me confirmait que ce peuple Arménien, fort d’une histoire exceptionnelle, subissait depuis la nuit des temps, les affres de la nature, des hommes et des empires.
Il a souvent été la monnaie d’échange des trois puissances qui le cerne, l’empire Ottoman, l’empire Russe et l’empire Perse, l’actuel Iran.L’historienne semblait être pessimiste quant à l’avenir prochain de son pays. Elle me faisait visiter la salle des manuscrits en me montrant avec fierté, les premières bibles, les premiers ouvrages de l’alphabet Arménien du Vème siècle, les ouvrages anciens des premiers philosophes et nombreux poètes Arméniens. Au terme de cette visite étonnante, et enrichissante, elle me dit : « j’espère que la Corse aura son autonomie… ».
Mon périple dans le Caucase touche à sa fin on a parcouru 2000 kilomètres, fait défiler 2000 ans d’histoire, mais j’ai surtout appris et compris beaucoup de choses.
Mon périple dans le Caucase est sur le point de se terminer, j’aurais parcouru 2000 kilomètres, vu défiler 2000 ans d’histoire, compte tenu de la situation de l’Arménie malgré la beauté des découvertes, mes ressentis étaient exacerbés. J’ai beaucoup appris à travers ces rencontres dans ce pays à nouveau dans la tourmente, ses habitants encore dans la peur et l’incertitude, mais remplis d’espoir qu’aujourd’hui sera meilleur que demain.
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Sénégal
« On ne peut avoir la nostalgie d’un lieu que l’on ne connaît pas »
Adage Sénégalais
J’ai choisi le Sénégal, pour l’Afrique subsaharienne, l’Afrique musulmane, mais également pour l’Afrique animiste, vaudou, chamanique, multiethnique, multiculturelle et je n’ai pas été déçu. J’ai choisi également le Sénégal car assez sur politiquement, alors que tous ses voisins basculent dans un intégrisme religieux et antifrançais pour plusieurs raisons historiques (esclavagisme, colonisation) mais également économiques et je dirais même pour des raisons de fin de cycle tout simplement, afin de ne pas aborder des sujets complexes et polémiques. Mes tribulations et mes investigations religieuses et spirituelles me suffiraient amplement.
En préambule, l’Afrique c’est 54 pays, 3 500 Ethnies, autant de langues et de dialectes. Des milliers de sous communautés, tout cela pour 1,5 milliard d’habitants avec une population très jeune, à démographie galopante. Le Sénégal c’est environ 18 millions d’habitants, dont un quart est à Dakar. Sa superficie est à peine plus petite que la France. La langue officielle est le Français, la langue parlée est le Wolof (le Wolof, n’est pas enseigné et pas écrit). Plus de 80% des Sénégalais sont musulmans pratiquants (Sunnites), 20% sont chrétiens (catholiques et protestants). Je vais dire également que 100 % sont animistes. Tous ont donc ce tronc commun initial plus ou moins important, qui est la relation avec ce Dieu de la nature, ce Dieu créateur. Mon voyage allait durer une douzaine de jours avec un programme chargé, qui m’a mené de la côte atlantique, au centre et au nord du pays, à la rencontre des communautés Layennes de Dakar, les Tidjians de St Louis, les Mourides Soufie, les Miafenes du centre, ou les Omariens du nord du pays. J’ai fait une impasse sur la belle et riche Casamance, mais le temps m’était compté.
D’emblée la première impression est que les communautés religieuses et ethniques vivent dans une harmonie et une entente parfaite qui contrastent fortement avec la tendance mondiale actuelle. Les Sénégalais sont tolérants, affables, compréhensif et tout simplement bons. Je pense même que la force animiste qui les uni les amènent parfois à mélanger leurs rites, de manière syncrétique et donc à trouver quoi qu’il en soit beaucoup de points communs.
Mon guide Mamadou est musulman, il a été présent pour la totalité de ce voyage, cela a été un privilège car Mamadou tout au long de ce périple a pu m’imprégner de la réalité profonde du quotidien des Sénégalais, au niveau sociétal et évidement religieux. Mamadou a 45 ans et trente ans de métier, il connaît très bien son pays son histoire et ses coutumes. Il me disait ici on ne peut faire aucune différence entre un chrétien et un musulman, il n’y a aucune différence vestimentaire, ou signe extérieur visible. Il a été précieux et m’a permis d’appréhender ce pays complexe, qui reste pour nous autres occidentaux tout simplement un autre monde.
Le premier Jour, nous avons commencé très fort par la visite de l’ile de Gorée à une demi-heure de navigation du port de Dakar. Très fort, car l’île de Gorée est un sanctuaire de l’esclavagisme et de la tragédie de la traite des noirs.
L’île est constituée d’une quarantaine de maisons dans un style immuable colonial. Elle fait partie du patrimoine mondial de l’humanité. Gorée a été pour les Portugais, les Anglais, les Hollandais et les Français un des principaux comptoirs d’Afrique. Durant près de trois siècles (du 15ème à la fin du 18ème) environ 20 millions de noirs ont été capturés dans la corne Sénégalaise. On parle de 150 millions sur toute la côte ouest de l’Afrique.
Nous sommes reçus par le conservateur d’une maison « type « de la traite des noirs. Exposé glaçant du jeune conservateur qui, du haut de l’escalier de la cour, nous expliquait sur une voix rythmé le processus de fonctionnement économique d’une « esclaverie », avec une visite des lieux, qui malgré le temps passé émanent toujours les cris, les souffrances, la mort et la barbarie des hommes, sur d’autres hommes, avec la bénédiction de tous, avec l’aval des autorités politiques, économiques et religieuses, que l’on à peine à comprendre et à intégrer aujourd’hui encore.
Le conservateur n’évoque jamais le mot esclave, mais de captifs, qui étaient détenus et enchaînés par dizaines dans des espaces minuscules. Des hommes, des femmes et des enfants à qui ont ôtaient tout d’abord leurs identités, pour ensuite être numérotés et pesés.
A moins de 60 kilos les hommes et les femmes passaient dans le bâtiment « d’engraissage ». Les récalcitrants « au poids règlementaire « étaient soumis à des régimes qui les rendaient dociles de gré, car de force c’était la mort, leurs corps étaient jetés à la mer, et non pas enterrés.
Un régime de fer au sens propre et figuré, avec une hiérarchisation subtile, où certains esclaves collaboraient, pour devenir les geôliers des leurs, ou les plus belles femmes étaient exfiltrées la nuit pour les « besoins » des gradés. Les mois de traversée vers les Amériques ou l’Europe dans des conditions inhumaines, terminaient la sélection naturelle d’un nouveau genre. On dit que moins de la moitié environ parvenaient à destination. Là, ils étaient baptisés avec un nouveau nom, généralement donné en rapport avec leurs « propriétaires » qui les achetaient au prix d’enchères terribles, après une osculation rigoureuse, notamment des dents.
Le pape Jean Paul qui portait un grand intérêt au continent africain, avait visité cette » esclaverie », il en ressortait en pleurant en demandant pardon au Sénégal et à l’Afrique. Passé cette séquence glaçante malgré les 35 degrés du soleil de décembre Sénégalais, j’ai eu droit à un peu plus de légèreté, si je puis dire, car après la visite de l’église Saint Charles-Borromée , je passais à la période coloniale de l’île avec la cohorte des bienfaits et des erreurs de cette période.
L’après-midi de retour sur le continent je visitais le Musée des Civilisations noires, ou en une heure je vis défiler 300 000 ans d’histoire, la phrase sur la porte de sortie du musée est sans équivoque : « Chaque homme qui habite sur cette planète est sorti d’Afrique, les Africains doivent en être fiers et conscients… ».
Mamadou me dirigeait ensuite vers une énorme mosquée en construction : la Mosquée des Omeyyades. Mon guide me disait qu’une très grande partie des fonds pour la construction des mosquées provenait des fidèles.
Sans transition direction la cathédrale Notre Dame des Victoires de Dakar, où j’assistais à un mariage catholique en habits traditionnels africains, haut en couleurs et en musique. Pour terminer la journée, nous allons sur la côte pour la visite (sans pouvoir entrer à l’intérieur) de la majestueuse Mosquée des pécheurs omeyyades. La grande mosquée semble sous la protection de la plus grande statue d’Afrique, le monument de la Renaissance Africaine, d’une hauteur de 52 m de haut, érigé sur la colline des Mamelles qui symbolise, l’avenir de l’Afrique voulue par le troisième Président Sénégalais Abdoulaye Wade, qui a dit lors de son inauguration en 2010 devant dix neuf Chefs d’Etats Africains, le 3ème millénaire sera Africain…
Ensuite direction le Lac Rose, mythique de par sa renommée pour le final dans la dernière étape du célèbre Paris Dakar. Je demande à Mamadou : « c’est quoi toutes ces photos derrières les bus, sur les lunettes arrière des voitures, des taxis etc… ? » Il me répond prestement comme pour stigmatiser mon ignorance… » Ben voyons se sont des chefs religieux …Chaque communauté et même chaque quartier a un chef religieux, une sorte de mini qualif qui intercède pour divers problèmes ou donne des conseils à ses fidèles. » Nous voici arrivés au lodge du lac qui était en train de rougir avec les derniers rayons de soleil.
Le deuxième jour visite du lac, qui est de moins en moins rose pour diverses raisons, il conserve néanmoins une certaine magie. La stèle de Thierry Sabine organisateur et créateur du Paris Dakar décédé dans un accident d’hélicoptère avec Daniel Balavoine, dans ce désert qu’il aimait temps, semble surveiller le lac salé.
Nous allons à présent à Keur Moussa, pour la visite de l’Abbaye des moines bénédictins du Cœur-Immaculé de Marie. En chemin nous doublons des groupes de fidèles se rendant à l’Abbaye à pied, en habits endimanchés et colorés, dans la poussière de la piste, qui nous menait à Keur Moussa. On embarque une dame et deux enfants arborant fièrement des crucifix autour de leur cou. J’ai assisté à une magnifique messe du deuxième dimanche de l’avant. Les chants étaient un mélange de musiques Africaine et de chants des cœurs des moines de l’Abbaye Saint-Pierre de Solesmes en France. La modeste église était pleine, hommes, femmes, enfants, sénégalais, européens, tous en union de prières.
L’Abbaye compte trente trois confrères, tous présents et rodés au rituel de la messe dominicale. Des basses, des tierces, des aigus, fortissimo, allégro, douceur et enchantement. Le sermon du père supérieur était axé sur l’attente du temps de l’avant, il dit à plusieurs reprises « Nous sommes ce que nous attendons … », je me dis notre cœur est donc ou est notre trésor ? Après les présentations j’étais convié à dîner avec les moines, invitation que je déclinais car j’avais rendez-vous avec les sœurs de l’Abbaye des moniales bénédictines de Saint Jean Baptiste. Je me contentais d’une visite du magnifique cloître, aux mélanges d’essences tropicales. Çà et là j’apercevais sur les bancs cachés par les frondaisons à des entretiens privés entre les moines et les fidèles, confessions, recherche de solutions, nettoyage d’âmes tourmentées … ?
Père Nicolas qui me guidait, comprenait mon questionnement et me disait : « on est présent pour tout et pour rien, parfois on ne donne que la main sans parler… » J’interviewais Père Nicolas et pris la direction de l’Abbaye des moniales qui n’était pas très loin en voiture. Je fus reçu par sœur Myriam, débordante d’énergie, qui terminait ses phrases par un sourire éclatant. Elle me disait être extrêmement occupée, vue l’heure, mais m’accordait néanmoins une interview filmée.
L’abbaye existe donc depuis 1967 et coopère fortement avec les bénédictins de Keur Moussa. Ces derniers ont une grosse activité d’aide auprès des femmes des villages alentour. La mission a été formée par des sœurs Française décédées aujourd’hui. Actuellement quatorze sœurs de plusieurs nationalités, cultivent, élèvent des animaux et travaillent 24 heures sur 24 au service des autres… je ne m’habituerais jamais à tant d’espérance, de foi et de charité, qui habite ces cœurs débordant d’amour…Encore une leçon !
Changement de décor, direction l’océan à présent avec la visite d’un des plus grands ports de pêche du Sénégal, le port de Kayar. Des centaines voire des milliers de barques colorées occupent l’interminable plage de sable. Des centaines, voire des milliers de barques sont également au mouillage au large. Les odeurs de poissons, les embruns de la mer, le sable chaud et le soleil éclatant finissent par me donner la nausée.
Un brouhaha, une cohue apparemment bien organisée d’après Mamadou, où l’on se passe des sacs de poissons, des billets de francs CFA, des signes avec les doigts, les yeux, des milliers de transactions s’opèrent sans que je m’en rende compte. Mon guide me dit que ce sont les femmes qui orchestrent ce business. Elles sont effectivement au centre de cette danse, entre les camions de transport, chargés de glace, les paniers, les charrettes et les sacs de poissons.
On est à mon avis, au centre de tout, de rien et de n’importe quoi et pourtant tout roule et fonctionne comme cela depuis bien longtemps. A même le sable des cases de mécaniciens, de charpentiers, de réparateurs divers, des centaines de bidons d’essences prêts à exploser sous le soleil …Et pourtant tout fonctionne. Les Ethnies Lébous contrôlent ce port. Mamadou me dit que leur chef fait régulièrement des offrandes à l’océan, ainsi que des sacrifices d’animaux… Je n’ai pu n’y voulu y assister. Je me dis après cette expérience que les 200 religions recensées dans mon premier livre, sont finalement très sous-estimées au vu de ces rites, us et coutumes, mélange de Vaudou, animisme au cœur d’une religion musulmane, qui se diversifie et essaime. Le poisson se négocie au environ de 650 Francs CFA, environ 1 € le kilo (moyenne quel que soit le type de poisson). Un chef pécheur dit à Mamadou que parfois il y a tellement de poissons, qu’ils sont obligés de les jeter en mer afin de ne pas faire descendre le cours déjà très bas…Quel gâchis, pour ne pas dire quelle honte…
Le lendemain nous faisons escale dans la capitale historique coloniale de Saint Louis, chère aux aviateurs de la postale, dont Mermoz et Saint Exupéry était leurs chefs de file. Une visite guidée nous menait à la cathédrale de Saint Louis, monument de construction récente du 19ème siècle. A nouveau dans cette ville coloniale d’architecture Portugaise et Française se côtoient de façon insolente mosquées et églises. Le guide nous mène dans une mosquée très atypique car c’est la seule mosquée au monde à avoir au sommet de son minaret une cloche et un cadran horaire, qui ressemble tout simplement à un clocher d’église…
On a pu visiter cette mosquée sans aucun problème. Comme toutes les mosquées son intérieur est sobre et dénué de tout signe d’ostentation, ou de photos représentatives de Saint. Pour la religion musulmane, le visage de Dieu ou de son dernier prophète Mahomet ne peut être représenté, car Dieu ne paut avoir un visage humain. Le religieux qui gardait la mosquée nous dit que finalement et dans les grandes lignes, il y a beaucoup de passerelles et de ponts entre la religion chrétiennes et musulmane, la différence fondamentale se fait entre l’ancien et le nouveau testament, ou vrai Dieu et vrai homme n’est pas acceptable pour lui.
Après la nourriture spirituelle, place au repas de midi à l’ombre de l’arbre sacré du Sénégal, le Baobab, nous pûmes y goûter ses fruits, ainsi que les fruits délicieux du corossol. Je ne le dirais jamais assez, nous devons sortir de notre zone de confort pour appréhender et vivre, ce n’est qu’a ce prix que nos différences feront nos forces. La tolérance religieuse est chez les Sénégalais étonnante. Un adage dit : « si tu insultes ma mère, tu goûteras à mes poings, si tu insultes mon père, tu entendras mes cris de colère, si tu blasphèmes ma religion tu ne m’entendras point, car ce n’est pas mon problème mais le tien et tu auras à t’en expliquer devant ton Dieu, à un moment donné ».
Les jours suivants nous pénétrâmes plus dans l’intérieur des terres, en brousse semi désertique. Mon guide me disait que la religion musulmane s’était propagée au Sénégal par les almoravides, ethnies Mauritanienne du Nord. Les mauritaniens sont les arabes du Sud qui ont traversé le fleuve Sénégal pour endoctriner le pays. Les berbères ont continué et appuyé ce travail d’islamisation. On trouve d’ailleurs davantage de musulmans au Nord qu’au Sud du pays. Les chrétiens eux sont arrivés par la mer et ont évangélisé essentiellement la côte atlantique, tout d’abord les Portugais, puis les Espagnols et enfin les Français.
Plus globalement le centre du pays a conservé les racines ancestrales de l’animisme, même s’ils l’ont fait évoluer sous les influences islamiques et chrétiennes, qui ont essaimé à nouveau pour se regrouper en ethnies, Sérères, Bedik, Dogons, Vaudou et autres communautés, sous le contrôles de diverses influences plus ou moins puissantes de gourous, de marabouts ou de chamans, pratiquant une connaissance mystique, allant de la médecine, aux prédictions diverses en liant le visible et l’invisible, aux travers d’offrandes, ( lait, sang, plantes ) de sacrifices d’animaux, intercession d’ amulettes, talismans…
Mamadou est un musulman tolérant, intelligent et plein de bon sens, sa famille et lui-même consultent régulièrement des marabouts, qui répondent à leurs attentes et apaisent de la sorte tensions, inquiétudes et interrogations. Il me dit également que le problème actuel, à cause d’internet et d’une communication mondiale, sont les charlatans qui sévissent, trompent et bernent des populations crédules.
Le coran traditionnel, tout comme la religion chrétienne, ne sont pas du tout d’accord pour laisser une place à ces marabouts ou guérisseurs cependant la tradition est puissante et bien implantée.
Mamadou me dit que l’homme est obligé de croire et que s’il ne croit pas alors la peur prend la place. En Wolof on dit « Régal yaap yala la «, « Si tu as peur c’est que tu n’as pas confiance en Dieu ou que tu te moques de Dieu «.
Il me dit qu’en occident les hommes ont peur de tout et plus ils ont de moyens et plus ils ont peur… Que certains même se suicident à cause des diverses peurs…Lui n’a peur de rien, ni de la pauvreté, ni de la maladie, ni de la mort. Je réfléchis et me dis que peut être, si vérité il y a, le juste milieu entre avoir peur et ne pas avoir peur du tout serait une bonne jauge.
Le jour suivant direction le Nord avec la visite du troisième plus grand parc ornithologique du monde le parc Djoudj Bird Sanctury. Des milliers d’hectares, des milliers d’espèces d’oiseaux, mais aussi des crocodiles, des pythons, des chacals, des phacochères, des hyènes, cohabitent dans ces espaces formés dans un des bras du fleuve Sénégal qui délimite la Mauritanie du Sénégal.
Les Mauritaniens sont souvent en « bisbille « avec les Sénégalais, mille raisons les opposent, (culturelles, couleurs de peau, histoire, traditions, la pêche qui est pour les deux pays leur première ressource, et une des plus importantes ressources mondiales). Mamadou me dit que les puissants pécheurs du sud du Sénégal, en Casamance sous sont le contrôle de l’ethnie musulmane Sérère Niominka.
Sur le chemin du retour, nous rencontrons de nombreux panneaux, signalant la présence de confréries protestantes. Les enfants de Dieu, les évangéliques noirs, église protestante du Sénégal etc… Mamadou a assisté à des offices, catholiques, protestants, pour un musulman comme lui, il me reconfirme inlassablement, les trois religions monothéistes se ressemblent, la grande différence réside dans le nouveau testament.
Mamadou est d’ethnie Sérère, ils ont leur propre langue totalement différente du Wolof. Ils sont d’une tolérance extrême, et d’une grande sagesse, ils ont également un morphotype, différents des Sénégalais, ils ont les traits fins et leurs femmes sont très belles.
Sur le chemin en direction d’un village de brousse très éloigné où nous allons passer la nuit nous faisons une pause repas à l’ombre d’un Baobab multi-centenaire, ces arbres peuvent atteindre des milliers d’années. La coutume est de serrer le tronc de l’arbre sacré du Sénégal, de ressentir son énergie puissante et de faire un vœu… (j’en ai fait plusieurs…) Mamadou me dit après cette nourriture spirituelle à présent, nourriture matérielle… Il disparait 15 minutes dans les hautes herbes et revient avec des fruits de Baobabs, des corossols ( fruit du corossolier, variété d’anémone ) et des fruits du rogner ( variété de palmiers). Il ouvre le coffre de la voiture sort un coupe / coupe impressionnant, qu’il fait virevolter dans tous les sens pour couper les fruits, au goût délicieux, un mélange de saveurs sucrées ou acidulées en fonction des textures. Pour la boisson il traverse la route rencontre un groupe de vendeurs ambulants et revient avec deux noix de coco qu’il « décapite « … Allez boit me dit-il d’un ton sûr et fier ! Ce soir on dort en brousse dans la région du Ferlo, zone très pastorale et je ne sais pas ce que l’on va trouver… «
En effet deux heures de piste sauvage plus tard, un lieu de vie humain apparaît, village de cases (un éco lodge d’une dizaine de cases) où nous allons passer la nuit dans une habitation traditionnelle. Pas de courant (un groupe électrogène), pas d’eau courante et pas de téléphone… Avant la tombée de la nuit un autre guide local nous propose la visite d’une communauté d’éleveurs nomades, les Peuls, qui vivent en totale autarcie.
Départ en charrette, avec le guide qui connaît bien cette ethnie et qui va faciliter la rencontre. Un quart d’heure de piste poussiéreuse et défoncée plus tard, quelques toits de paille apparaissent, nous mettons pieds à terre en laissant le guide avancer devant nous afin de valider notre venue.
Quelques instants plus tard me voilà au centre de tout et de nulle part, une dame dans une tenue très colorée vient vers moi et jette à mes pieds une natte. Mamadou me dit que c’est un signe d’acceptation et d’invitation à m’assoir, lui même ne comprenant pas leur langue. Quelques instants plus tard, des enfants apparaissent entre méfiance et timidité ils tournent autour du « toubab «. Le toubab est l’homme blanc en Wolof. Le guide me dit qu’ils n’en voient pas souvent.
Il n’y a pas un homme dans le camp, les hommes sont avec les troupeaux de l’aube à la tombée de la nuit. La communauté est constituée d’une vingtaine de personnes, toutes de la même famille. Les femmes ont la lèvre inférieure et une partie du menton tatoué de noir indélébile, c’est le tatouage réalisé à l’adolescence sur les jeunes filles afin de sacraliser leur passage à l’état de femme, donc femme à marier. Je me garde, comme à chacun de mes voyages, de ne pas juger, de ne pas commenter avec mon regard d’occidental, ce que je vois et ce que je ressens, car il serait sûrement erroné et inapproprié.
Je tente humblement de retranscrire objectivement ce que je vois, et même de la sorte mes témoignages sont déjà « colorés » par mon éducation. Les tous jeunes enfants sont autour de moi à présent, me touchent et tentent de communiquer. Je demande la permission de prendre des photos. Les enfants se voient dans l’écran alors là c’est la cohue…Il me semble être dans l’émission « voyage en terre inconnue « …
Le jour tombe, la chaleur également, deux femmes âgées sortent d’une case. Le guide me dit qu’elles vont prendre le frais du soir, au bout du camp un feu noirci une casserole, avec du mil et de l’huile de palme à l’intérieur. Une très jeune fille allaite son nourrisson, les yeux rivés sur les flammes, il est temps de partir, les hommes vont arriver avec le bétail, on se retire discrètement en les saluant tout aussi discrètement. J’ai été frappé par la discrétion et une certaine fierté de ces gens, notamment des enfants qui habituellement dans les villes tendent la main en attente de nourriture ou d’argent. Ici rien de tout cela, la dignité, la simplicité, qu’elle leçon de vie…
Après une courte et fraîche nuit, sous les cris d’animaux que je n’ai pu identifier, j’ai mesuré combien l’absence de courant, d’eau courante, de Wifi etc… était préjudiciable pour nous occidentaux… on se retrouve avec mon guide autour d’une théière, préparée par le chef du lodge qui avait veillé sur nous depuis notre arrivée afin de rendre ce passage en brousse agréable. Le thé est brûlant et nous est servi avec des biscuits. Le chef nous dit qu’il y a quelques jours des touristes qui avaient réservé une nuit dans ce lodge ont été pris de panique, ils s’étaient mis à hurler et ont été obligés d’être ramenés en pleine nuit dans une zone plus civilisée.
Le lendemain nous prenons la route pour la ville Sainte musulmane de Touba, et son grand Magal. Touba et sa grande Mosquée (la troisième la plus imposante d’Afrique). Touba la magnifique et la très respectueuse cité de l’islam, qui accueille le 4 Septembre des millions de fidèles en mémoire du Saint Cheikh Ahamadou Bamba (1853 – 1927). Le Saint Marabout de Touba, qui a eu une vie politique et religieuse très riche, dont les descendants sont toujours en place et forment un puissant khalifat.
Mamadou, guide précieux qui sillonne le Sénégal depuis 30 ans, connaît le plus ancien guide officiel de Touba. Rendez-vous est pris à 8 heures du matin afin de faire une visite très privée, il me précise que rares sont les chrétiens qui ont eu le privilège de voir le centra principal de la mosquée et le mausolée du Saint.
Les coupoles, les minarets (5, dont un à 66 m le plus haut d’Afrique de l’Ouest) et la construction dans son ensemble ont été réalisés avec de nobles matériaux par des maîtres, du marbre blanc de Carrare, du marbre rose du Portugal, du stuc, tadelakt Marocain. Les dorures et les raffinements du lieu sont éclatants.
Après une visite sacrée, et une explication circonstanciée de l’histoire de la ville, je rejoins Mamadou, pour prendre la direction du pays Sérère. Cinq heures de route nous attendent. En traversant des villages, des plaines de la moyenne brousse, Mamadou me raconte mille et une histoires du Sénégal. Il me dit que le premier Président du Sénégal indépendant, (20 Août 1960) le vénéré, puissant et très cultivé, Léopold Sédar Senghor était chrétien. Il a été notamment le premier Africain à siéger à l’Académie Française (j’avais prévu le jour suivant de visiter son musée dans sa ville Natale Joal Fadiouth).
Le Sénégal est une démocratie laïque, les nombreux khalifats sont importants, ils sont souvent consultés par le pouvoir car ils jouissent d’une grande popularité qui régule très souvent les divergences et les soubresauts sociaux. Avant l’arrivé à notre ville d’étape de Simal dans le Delta du Saloum, un rendez-vous avait été pris par mon agence Evaneos / Tropic Tour, avec un Marabout qui avait créé il y a 35 ans le centre Fatick Malongo. Ce centre expérimental des médecines traditionnelles soigne les corps et les esprits malades.
Emile, le grand Marabout fondateur du centre, me brosse un tableau peu reluisant de l’avenir de la médecine traditionnelle Sénégalaise. En effet après avoir regroupé plus de 350 guérisseurs, des milliers de plantes et protocoles de soin, en accord avec le Ministère de la Santé Sénégalaise, le centre est en perte de vitesse et surtout d’adhésion de la population, qui préfère s’orienter vers Big Pharma, à l’occidentale (sensé être plus efficace … ) et dans les cas extrêmes vers des marabouts privés parfois peu scrupuleux. Emile est désabusé, tant de travail, tant d’efforts pour en arriver à ce triste constat…
Le lendemain la journée était moins chargé (les heures de routes sénégalaise comptent double…). Visite de Palmarin une petite localité côtière, du Musée privé de MAHICAO (Musée d’Art et d’Histoire des Cultures d’Afrique de l’Ouest), où j’ai pu avoir un entretien privé avec le conservateur.
Il me dressait un constat et une vision anthropologique de l’histoire de l’Afrique Noire et de la négritude, dont les mots, les expressions péjoratives son entrés dans l’inconscient collectif (tableau noir, chat noir, bête noire, nuit noire etc..). La guide me précisait comment certaines Saintes Ecritures Bibliques (entres autres) ont été travesties afin de fermer les yeux sur la traite des noirs… Elle ajoutait : « je ne peux prédire l’avenir, cependant je peux « prédire » sans faute le passé… « Durant le séjour j’ai fait une cure de poissons, et j’ai profité ce jour-là, d’en pécher en faisant de la traîne à la ligne en pirogue traditionnelle dans le fleuve du Saloum, quatre heures dans les mangroves, les palétuviers où j’ai pu rencontrer des tortues, des serpents, des oiseaux pécheurs et autres poissons qui viennent se frayer dans l’enchevêtrements de racines de ces curieux arbres d’eau ».
Le huitième jour de mon séjour était consacré à l’île aux coquillages. Cette île est à moins d’un kilomètre du continenet, où se trouve une deuxième partie de la ville de Fadiouth. Cette ville de 6000 habitants est une curiosité à plusieurs titres. Le sol est composé de coquillages, qui ne sont pas le fruit du hasard, ni de la nature mais le résultat de la présence humaine depuis des siècles. Ces amas de coquillage sont en fait les restes des mollusques consommés ici, par les humains ayant colonisé l’endroit depuis l’Antiquité. La population de l’île Fadiouth est composé de 90% de Chrétiens, ce qui est exceptionnel au Sénégal.
Les religions cohabitent en parfaite entente et en harmonie, l’interview que me réservait le prêtre de la paroisse était éloquent. Certaines familles sont composées de musulmans et de chrétiens. Les fidèles portent deux prénoms, un musulman et un chrétien. La visite de la ville est bluffante, une église, une mosquée, une église, une mosquée… Sur les parvis, les vieux Sénégalais discutent en égrainant des chapelets chrétiens pour les uns et musulmans pour les autres… Cette grande ville respire une paix et une grande sérénité. Au centre de la ville se trouve un baobab multi séculaire qui vient cimenter au travers de l’esprit animiste les habitants et leurs religions. A côté du baobab, se trouve une salle avec des colonnades, le guide me précisait : » ici c’est la pièce des réconciliations ».
En effet l’île a comme beaucoup de village un chef (qui ne supplante pas les fonctions du maire). Si litige de tout ordre il y a, le chef réunit les familles des protagonistes du litige, et s’en suis une réunion à durée indéterminée qui ne prend fin qu’une fois l’accord trouvé… (Il me vient en tète une de mes phrase favorite, » mieux vaut un mauvais arrangement, qu’un bon procès « …).
La visite du cimetière termine de me conforter que les hommes peuvent vivre et mourir en paix, en harmonie en bonne entente et sans problèmes… (ce que l’on ne rencontre pourtant pas dans beaucoup d’endroits de la planète…Pourquoi ? Pour qui ? Par qui ?… )
Le panneau de signalisation du cimetière est sans équivoque « Cimetière mixte de Fadiouth, cimetière aux coquillages, pour les musulmans et les chrétiens « …Sans commentaires !
Le retour sur le continent se faisait en pirogue séculaire taillée dans une seule pièce d’arbre (Le kapokier) propulsée par une longue cane de bambou. Je voulais prendre les commandes de l’embarcation, mais le piroguier intervenait, prenait les commandes, car au milieu du fleuve et d’un fort courant la pirogue faillit chavirer… (80 % des Sénégalais ne savent pas nager …).
La fin du séjour était réserveé pour la visite de la ville de Popenguine. En chemin une halte pour voir le plus grand Baobab du Sénégal s’imposait ( 33 mètres de circonférence et une dizaine de siècles ). Popenguine est un grand site religieux chrétien, autour de sa Vierge Noire. Le site est administré par les moines de la compagnie de Saint Jean.
Je fais l’interview du père hôtelier qui me raconte qu’un des fondateurs contemporains du site est un père blanc parti depuis 5 années dans une île Française, la Corse…Stupeur de ma part et dans qu’elle ville de Corse ? Le couvent de Corbara…En effet je connais bien le père Louis Marie que je rencontre régulièrement, notamment lors des dernières assises régionales des EDC (Entrepreneurs et Dirigeants Chrétiens). Je me rappelle effectivement qu’il évoquait régulièrement l’Afrique dans nos discussions. Le monde est vraiment petit… Le pape Jean Paul II, lors de sa visite au Sénégal, y a célébré une messe d’anthologie.
Petit clin d’œil de l’histoire, trois jours auparavant le Cardinal Pietro Parolin a fait une visite officielle depuis Rome, pour inaugurer le nouveau sanctuaire marial national de Notre Dame de la Délivrande, aux dimensions impressionnantes. J’ai pu, le jour même, assister à un office où plus de mille fidèles s’étaient réunis dans une ferveur sacrée, chargée d’émotions, de lumières et de musique.
Le voyage allait prendre fin, c’est toujours trop court, toujours trop dense, comment relater en quelques pages un voyage aussi riche ? Comment pourrais-je en quelques jours appréhender un pays si vaste, si passionnant et si complexe ? Néanmoins je continue, ma mission, mon Job, les fondamentaux apparaissent à chaque fois, nos différences religieuses ne masquent pas ce qui nous uni ou nous relie, le Dieu créateur est partout, au-dessus de nous, au-dessus des religions. Le conservateur du musée de Senghor me disait que le blasphème religieux n’existe pas car il n’est reçu par aucune entité immanente…
Pour davantage d’informations sur ce voyage au Sénégal, vous trouverez les reportages, photos, vidéos, ainsi que les interviews réalisées sur la plateforme www.letourdumondedelafoi.com et sur ma chaîne YouTube
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Pérou
Devant le panneau « Départ des vols Internationaux » à Roissy Charles de Gaulle, je me dis, un court laps de temps… mais où vais-je déjà ? Étrange, non, mais pas que, car en quelques mois j’ai déjà traversé plusieurs pays, continents, plusieurs climats …donc pendant ce laps de temps défilent les destinations : Rio, New York, Montréal, Pékin, Lisbonne, Athènes, Dublin … Je trouve néanmoins, rapidement, le hall de départ et la porte pour Lima, au Pérou.
Arrivé à bon port après 14 heures de vol intercontinental, c’est beaucoup et peu pour changer de planète. Cela se mérite quand même car au delà de prendre la décision du voyage, s’octroyer du temps, investir de l’argent, élaborer le parcours car je voyage seul et non pas au Club Med en voyage organisé… une minutieuse préparation s’impose.
Il me faudra gérer les imprévus, les nombreux transports annexes et variés, accepter l’immersion, les langues étrangères, admettre de sortir de son cercle de connaissance et de confort, alors et seulement alors on engrange les bénéfices du voyage. Ceux escomptés et prévus sûrement, mais également les nombreux bénéfices imprévus de ce voyage. De plus je voyage en solitaire pour de nombreuses raisons et cela décuple les ressentis, les bénéfices, mais également les difficultés.
A l’ouverture de la porte de l’avion le 19 Janvier 2023, à 23 heures, heure locale (5 h du matin en France), je comprends rapidement qu’au Pérou c’est l’été, il fait une chaleur moite et humide, car c’est également la saison des pluies.
Depuis que je voyage, notamment depuis que j’ai entrepris ce voyage autour du monde, j’arrive à ressentir et interpréter les ambiances, les odeurs, les fragrances des aéroports, des pays, des continents… Une sorte d’hypersensibilité des sens couplée à ma mémoire.
Après une courte nuit, du fait du décalage horaire, le lendemain j’ai rendez-vous avec un guide français, afin d’intégrer un maximum d’informations sur le thème du voyage, des sites et des lieux prévus au programme, dans ce pays mystérieux de 33 millions d’habitants dont un tiers se trouve à Lima.
Ma première visite commence 8 heures du matin à la grande Basilique de la Nuestra señor de la Merced à Lima où je participe à l’office des Laudes. La Basilique n’a pas dû fermer de la nuit. Elle est immense, ostentatoire avec beaucoup de monde sur les bancs pour suivre la prière. Une demi-heure plus tard me voici sur la magnifique Place des Armes de Lima, cœur de la citée, ceinturée de bâtiments à l’architecture coloniale et riche, qui abrite le palais présidentiel, le musée des arts et la grande cathédrale de Lima.
En chemin la guide éclaire mon questionnement premier. Comment se fait il que les espagnols malgré cette importante colonisation, malgré les atrocités des guerres commises durant les invasions des XIVe et XVe siècles, ne sont-ils pas stigmatisés et décriés comme le sont les Français, au sujet de leurs colonisations ? Ma question surprend un peu Liliana, qui après réflexion, me dit que cela doit être pour plusieurs raisons, notamment politiques, géopolitiques, stratégiques, humaines, mais sûrement dues aux nombreuses erreurs de gestion des périodes précoloniales.
L’Espagne et le Pérou ont, durant des décennies, réglé en partie les nombreux problèmes de la post indépendance que le Pérou a obtenu le 28 juillet 1821. Notamment à travers un procès de plusieurs décennies, mais également à travers une sensibilisation civique et sociétale sur le long terme.
Les Espagnols étaient arrivés par le nord et la côte du pays au XVe siècle avec armes et intentions de conquête démesurée, ils en sont partis trois siècles plus tard laissant le pays imprégné de la langue, de la religion, de l’esprit, des monuments et une influence civilisationnelle puissante.
Cela ne s’est pas fait évidemment dans la douceur, mais au prix de massacres en tout genre dont les conquistadors étaient coutumiers. Leur départ et retrait en 1821 a été moins sanglant que dans certains pays.
Au XVe siècle, les Espagnols ont trouvé en arrivant dans ces contrées vierges, des indigènes, des peuples aux coutumes étranges qui adoraient le soleil, les astres, des divinités de la nature, ils ont aussi trouvé des richesses et des matériaux précieux. Ils ont été confrontés à des dizaines de langues, notamment le Quechua, qui est encore pratiquée de nos jours. Les conquistadors ont trouvé des hommes étranges, au morphotype Indien aux mœurs singulières.
Malgré la puissante évangélisation catholique et sociétale, il reste néanmoins aujourd’hui un fort syncrétisme religieux fondé sur des siècles de mixité, de démolition et de reconstruction de cette société.
Les premiers évangélisateurs espagnols, ont été les Dominicains et les Franciscains, puis les Jésuites. Ils ont dû imposer, puis composer avec la puissante culture, l’organisation sociétale et civilisationnelle des Incas, des Mayas, et des Aztèques (voir mon livre, le tour du monde des religionsTome1. Ed. BOD 2024).
Les chrétiens sont très largement majoritaires, mais il y a également des évangéliques, des adventistes, des mormons. Je n’y ai vu aucun musulman.
Il n’y a pas de place pour l’athéisme. La religiosité est partout, le liant religieux global est, me semble t-il, l’animisme, comme j ai pu le trouver en Afrique.
La Pachamama, la « Terre mère » (Gaïa, comme ont la nomme en Orient) est omniprésente dans leurs pensées.
Les tremblements de terre, comme dans beaucoup de pays, ont transformé en profondeur ce territoire qui, malgré l’enracinement à la puissante cordillère des Andes qui s’étend du Nord au Sud de la façade pacifique de l’Amérique du Sud, a régulièrement souffert des mouvements des plaques tectoniques. Le Pérou enregistre environ trois tremblements de terre tous les cent ans. En France, nous n’avons n’a pas conscience de la chance que nous avons de ne pas intégrer dans notre existence ce phénomène naturel.
Après un rapide passage à la cathédrale de Lima, qui manquait à mon goût de sacralité, des groupes de touristes ça et là parlant diverses langues et caquetais dans les nefs, ont abrégé ma visite.
Direction à présent vers le plus grand couvent franciscain du monde, le couvent Santa Catalina, au centre de la ville de Lima. Il comprend une dizaine de cloîtres, des centaines de pièces, une église, des chapelles.
Je m’émerveille devant l’extrême richesse des décorations, des ornements ostentatoires, des dorures ; une foison de sculptures, de tableaux, de matériaux dorés à l’or fin. Pas un mur, pas un plafond n’est pas décoré. Un véritable musée. La foi est puissante, créatrice, elle construit tout, le grand, le beau, le mystérieux, l’inexplicable ! Et parfois elle reprend tout, détruit tout!
Puis visite des catacombes. Les historiens ont recensé des milliers de tombes, de sépultures, de fosses communes.
Le couvent abrite la plus riche et la plus ancienne bibliothèque du pays. La visite donne le tournis devant tant de beauté et de richesses. J’assiste à la fin de l’office du samedi et communie avec des dizaines de fidèles dans la grande église qui occupe une aile du couvent.
Ensuite nous allons vers la merveilleuse église Jésuite de San Pedro de Lima et sa magnifique nef tout en dorures typiquement coloniales. Les jésuites ont été expulsés au XVIIIe siècle par les gouverneurs espagnols, car ils nourrissaient des idées de liberté, et d’indépendance, aux occupants.
Je m’habitue à présent à la délicatesse et à la richesse des décorations, des ornements, des églises. Les Saints, les icônes et le sacré sont partout, il faut prendre le temps, poser son regard pour apercevoir les détails, s’interroger, tenter de comprendre les nombreux symboles etc…
J’ai assisté par hasard à une cérémonie de mariage, une cantatrice interprétant un Ave Maria a magnifié ce moment.
Il est temps à présent d’aller vers le grand marché, proche du China Town Péruvien.
La ville est belle et très propre, les rues et les avenues ont des formes géométriques rectilignes, on se croirait aux États Unis, les buildings en moins. Les façades des maisons, les impostes des portes et des fenêtres sont des merveilles architecturales. Un grand nombre de maisons sont inscrites au patrimoine mondial de l’Unesco.
Le grand marché est une explosion de couleurs, d’odeurs, de bruits. Tout le monde gesticule, et malgré la cohue, tout semble réglé, une sorte de Souk Africain, à la mode Sud-Américaine.
Lima étant également un grand port sur le pacifique, les produits de la mer sont très présents. La restauration du jour portera sur cette cuisine, une Cevicheria, du poisson cru mariné aux épices, servie avec des légumes crus et du quinoa.
Je rejoins mon hôtel à pied en soirée, et me mêle à une foule énorme, colorée, bruyante, avec des animations de tous types dans les rues. Il me semblait à présent que le marché s’était étendu à toute la ville.
Le lendemain direction la réserve naturelle nationale terrestre et marine de l’ouest pacifique, Paracas. Après quatre heures de bus, je suis content de mettre pieds à terre, mais pas pour longtemps car nous allons vers le port afin d’embarquer sur un petit bateau rapide qui allait, durant trois heures, nous faire sillonner les routes marines de la réserve. La vue de la mer, son odeur et sa fraîcheur me ravive. Décidément elle fait partie de moi et quand j’en suis loin elle me manque.
Visite tour à tour des îlots de Ballastas, où l’on peut observer des phoques, des pingouins, otaries, des lions de mer, mais également des cormorans, des mouettes, des picaros, des pélicans, qui vivent dans un écho système qui, malgré une préservation stricte, est soumis à une forte pression touristique.
Puis à nouveau deux heures de route direction la ville de Ica, pour un repos bien mérité à l’hôtel Las Flores, car demain c’est la visite des mystérieuses lignes de Nasca en petit avion.
Après trois heures de route dans un désert de rocaille et de sable, arrivée à la ville séculaire et mystérieuse de Nasca. Après deux changements de chauffeurs, Rynaldo me récupère et direction le petit aéroport pour admirer du ciel les célèbres lignes de Nazca qui font parler d’elles depuis 80 ans. Elles sont restées discrètes et inconnues durant 1 500 ans. Du sol impossible de discerner à quoi ressemblent réellement ces pierres empilées, et alignées.
Avec l’arrivée de l’aviation et de façon tout à fait fortuite, les premiers pilotes d’avion qui ont survolé par hasard le site ont pu découvrir du ciel des dessins et des formes géométriques édifiantes apparaître sous leurs yeux, animaux, oiseaux, lignes, spirales etc.… de longueurs imposantes, certaines font 300 mètres de long. Elles ont été construites de pierres et de cailloux.
Trente minutes de vol sur un petit avion monomoteur Cezna de quatre places nous ont permis d’admirer du ciel ces mystérieuses figures aux tailles gigantesques tracées sur le sol, souvent d’animaux stylisés parfois de longues lignes de plusieurs kilomètres.
C’est l’archéologue allemande María Reche, qui en 1940 a commencé ces travaux qui ont duré une vie pour étudier ce phénomène mystérieux construit par les hommes. Pour qui ? comment ? Pourquoi ? Après des années de recherches et d’investigations riches et nombreuses, qui n’ont pas tout élucidé, les archéologues attribuent ces œuvres énigmatiques à la civilisation Nazca, qui a existé entre le IIe siècle avant notre ère jusqu’au VIe siècle, dans cette partie de l’actuelle Amérique du Sud, partie ouest à la naissance de cordillères des Andes
Les Paracas, ancêtres des Nazcas, avaient déjà conquis et influencé l’actuelle Amérique Centrale. Les récentes recherches ont mis à jour d’autres lignes et d’autres vestiges archéologiques, notamment dans la grande région du désert de Nazca.
Des tombes, (les Chullpas), des lieux de vie et structures sociales et techniques de cette civilisation, comme les célèbres aqueducs, qui émerveillent et questionnent encore de nos jours les ingénieurs en hydraulique.
Pourquoi la réalisation de telles lignes que l’on nomme géoglyphes, invisibles de la terre ? Pour qui ? Comment ? Les réponses et les investigations sont nombreuses et ne finissent pas de questionner les hommes. Communication avec le ciel, avec les Dieux, on a même invoqué les OVNI…
Visite du cimetière et les tombes de Chauchillia, où l’on découvre des momies très bien conservées retrouvées assises par petit groupe, (hommes, femmes, enfants) avec des bijoux mortuaires et des objets de vie courante, n’ont fait que rajouter de la complexité et l’existence de cette civilisation d’environ 30 000 sujets et surtout à son extinction subite, sans raison précise.
Les archéologues invoquent des modifications climatiques et un manque de ressources, que les nombreux et divers sacrifices et rites animistes n’ont pu enrayer. Les conflits et autres guerres de pouvoir ont dû mettre un terme final aux nazcas. Des civilisations moins connues et sûrement moins importantes les ont remplacé. Civilisations pré Incas des Mochicas, des Lambayques, des cupisniques, des Huari, des Ica Chincha.
Les Incas et leur civilisation sont apparus aux environs du XIIe siècle. Le dernier empereur inca Atahualpa, et son peuple de quelques dizaines de milliers de sujets, ont été exterminés par l’armée Espagnole de Francisco Pizarro aux environs de 1532. Le conquistador avait déjà montré sa puissance et son hégémonie en décimant les Aztèques quelques années auparavant, avec quelques centaines d’hommes puissamment armés, face à des milliers d’indigènes inexpérimentés, tournés davantage vers le ciel et les dieux, que vers la guerre.
Il aura fallu des centaines d’années pour construire l’Empire Inca et quelques mois pour le décimer. Aujourd’hui les Quéros sont les descendants directs des Incas, ils parlent le Quechua, comme de plus en plus de Péruvien de la région de Cusco.
La suite de la visite était plus édulcorée, car après cette énigmatique et merveille de l histoire, la visite de l’église de Nasca Santiago Apostoliga, fut assez terne, tout comme la visite de la puissante église des Mormons qui, tel un bunker de couleur marron, trône au centre de la ville, sans émouvoir grand monde, pas même la non moins puissante confrérie des témoins de Jehovah. Au Perou, je n ai jamais entendu parler de la religion musulmane et encore moins de leurs lieux de culte. Les Péruviens méconnaissent totalement les us et coutumes de cette religion.
Après 11 heures de bus de nuit très éprouvante, je me retrouve au petit matin dans la ville blanche d’Arequipa, nichée à 2500 mètres d’altitude. Elle doit dont nom aux bâtiments blancs construits avec une pierre volcanique de la région, le sillar, qui lui confère charme et harmonie.
Arequipa un million d habitants est la deuxième ville du pays. Trois volcans dominent la ville : le Pichu Pichu, le Misti et le Chachani (6075 mètres).
Je suis accueilli dans cette ville par Nestor, jeune avocat qui, avec sa maman Esther, exploitent une maison d’hôtes. Ils adorent les Français et sont d’une bienveillance étonnante.
Visite de l’imposante cathédrale d’Arequipa du XVIe siècle sur la magnifique Plaza de Armas.
J’ai été impressionné par son imposant orgue belge, un grand lustre de Séville et son autel principal en marbre de Carrare.
Ensuite l’église San Agustín, avec son autel de bois et ses dorures éclatantes.
Jésus et les saints semblent dans leurs représentations sous l’influence permanente des Incas. En effet, ils sont richement habillés, avec des décors somptueux, des plumes Incas, des dorures et ostentations permanentes. Cela m’étonne beaucoup, car mêmes des Saints comme St François « le poverello «, ou St Antoine, ont des décorations et des dorures étonnantes que l’on ne voit pas en occident.
Arequipa est la dernière ville qui a eu son indépendance au Pérou. Ses habitants ont d’ailleurs un peu moins accepté l’occupation et la colonisation Espagnole.
La visite du Couvent dominicain Santa Catalina datant de 1579, est stupéfiante. Ce n’est pas un simple couvent c’est une ville dans la ville avec ses rues étroites, ses fontaines et nombreux bâtiments blancs, rouges et bleus sur une surface de 2000 m2.
Trente religieuses cloîtrées actuellement y vivent pour cent cinquante il y a encore cinquante ans. Les riches familles espagnoles avaient l’obligation de placer leur premier fils ou leur première fille dans un séminaire afin qu’il soit prêtre ou sœur. Des dotes importantes étaient versées annuellement au couvent ou au séminaire. Le deuxième fils avait l’obligation d’être militaire, si c’était une fille elle devait rester célibataire toute sa vie, afin de s’occuper de la famille et de la maison.
Pour les autres enfants, on choisissait leurs épouses et époux afin de conserver les fortunes, dans les familles. Traditions de fer que le pape Pie IX, allégea en 1871, en donnant davantage le choix aux familles.
Les familles indiennes, et indigènes étaient peu concernées par ces règles. Elles travaillaient au service de ces vastes structures militaires, religieuses et industrielles.
Dans la soirée j’assiste à une belle messe dans la modeste mais non moins belle église de Saint Antoine. Je suis toujours étonné de pratiquer ces messes à des milliers de kilomètres de chez moi, dans des langues différentes avec cependant un rituel strictement identique.
Nous visitons après cela le puissant couvent jésuite Iglesia de la compañia. Comme à Lima l’influence jésuite est controversée car ils souhaitaient évangéliser et faire accéder les autochtones à plus de responsabilités ecclésiales.
La richesse des ornements m’étonne de nouveau. Jésus est sur les statues paré d’ornements, de pagne coloré cousu de fils d or. Il est même surmonté parfois non pas d’une couronne d’épines mais d’une véritable couronne d’or, avec les mêmes symboles que les rois Incas. Les saints et les saintes reçoivent encore plus d’ornements. Cette forme de syncrétisme religieux peut étonner un chrétien occidental.
La famille de la maison d’hôte qui m’accueille me ravit. Ils m’invitent à goûter leurs produits, me dévoilent leurs cultures, un réel partage sans retenue. La magie des voyages.
Le matin avant de m’accompagner au bus et après un copieux petit déjeuner avec du jus de maïs et du maté, Esther me dit : « je t’ai préparé quelque chose pour le voyage, car le lac Titicaca est à 3 800 m, tu vas passer un col à 5 000 m et le mal des montagnes risque de te gagner ; Tu vas mâcher des feuilles de coca et tu vas boire régulièrement leurs infusions dans le bus, tu seras ainsi plein d’énergie ».
Les esprits de la nature, qu’elle invoque devant moi en langue espagnole en gesticulant et en levant les yeux au ciel, seront ainsi avec moi.
Elle me fait trinquer également avec un autre breuvage. Ensuite trinquer tout d’abord, avec le sol, avec la terre mère « Pacha Mama », puis après nous trinquons à nouveau ensemble. Esther espère avec son fils me revoir et me recevoir bien plus longtemps car me dit-elle : « tu n’as rien vu de la région, notamment le célèbre Canyon de Colca, qui est l’un des plus profond du monde avec ses 4 160 m et, avec un peu de chance, voir le majestueux Condor des Andes, et les différentes couleurs des strates de la roche «.
Départ en bus de jour à Puno, 6 heures de route prévues, qui en firent 8. En effet à Arequipa, c’était tempête de ciel bleu, mais la route pour Puno nous faisait passer par un des cols routiers les plus haut de la planète, 4 910 m. Au sommet tempête de grêle et de ciel noir. Cela m’a remémoré des souvenirs lorsque j’étais dans l’Himalaya. Je me dis aussi que les endroits où nous vivons en Corse sont de véritable paradis, que parfois nous n’apprécions plus.
Au Perou, d’une région à une autre, il y a des kilomètres de dénivelé, des amplitudes thermiques de plus de 30 degrés. Les deux heures de retard ne gênent personne dans le bus. Moi je ne cesse de regarder ma montre… mais de guerre lasse, finalement je fais comme tout le monde j’attends tranquillement (certains ont les montres, et les autres le temps…).
Le réseau de bus au Pérou est développé et très économique, le réseau ferré est inexistant, l’automobile chère et les routes assez dangereuses.
Les 2 500 kilomètres de route que j’ai parcouru à travers le pays m’ont permis de constater qu’au-delà des montagnes de la cordillère des Andes, et des plaines verdoyantes qui bordent les rivières, la majeure partie du pays n’est que désert de rocaille et de sable, et la pluie ne fait que de très rares apparitions (Sauf dans la partie Est du pays, la forêt Amazonienne).
La nappe phréatique est cependant importante.
Après ces huit heures de route sommes toutes assez éprouvantes, on aperçoit enfin la ville de Puno et le lac Titicaca. Je regarde ma montre pour cette fois voir l’altitude au GPS, 3 900 mètres ! Je traverse la gare routière avec mon sac et je m aperçois que le manque d’air est très incommodant et me fait haleter au bout de 100 mètres.
Revellino de la maison d’hôte de Puno m’attend sur le parking avec un discret écriteau « Étienne », qu’il fallait repérer…
Nous voilà partis, direction ma chambre d’hôte qui se trouve sur un point haut de Puno à 4000 mètres d’altitude. La nuit fut difficile, maux de tête dus sûrement à l’attitude, mal de gorge et sûrement de la fièvre à cause de la climatisation des bus. Malgré la coca que j’avais mâché durant le voyage, ainsi que les nombreux cachets pris durant la nuit, j étais mal en point, d’autant que mes problèmes auditifs passés et actuels me tiennent toujours sur mes gardes.
J’envisage un moment d’écourter la visite car le surlendemain passage d’un col à 4 910 mètres. A 5 heures 30 du matin les premiers rayons du soleil traversent les fins rideaux de la baie vitrée de la chambre, je m’extrais péniblement du lit, tire d’un geste rapide les rideaux et découvre cette vue époustouflante de la ville de Puno sous mes pieds, avec un lever de soleil sur le lac. (En Janvier c’est l’été au Pérou). Mon mal de tête ne passe pas et je suis mal en point.
Je converse par téléphone avec mon agence et nous convenons de faire le point sur mon état de santé avant de prendre une décision sur une éventuelle modification de mon programme (par exemple rejoindre lima en avion et retrouver des altitudes moins hostiles).
Après un repos matinal et l’absorption de tisanes que Revellino me donne, mes maux se dissipent. Revellino arrive même avec une bouteille d’oxygène, que je refuse, je suis mal mais pas ce point. Il me dit en avoir vu d’autres, notamment il y a huit jours en accompagnant en urgence et en pleine nuit un Américain à l’hôpital qui était en train de suffoquer. Il me suggère de patienter car le corps humain sait ce qu’il doit faire, c’est-à-dire s’adapter.
Direction piano, piano vers le lac Titicaca (passo a passo comme dit Revellino ), avec la visite des îles flottantes et la découverte des coutumes de ce peuple mi-pécheur, mi-agriculteur. C’est autre monde, ils vivent par centaine sur ce lac d’eau douce, le plus haut lac navigable de la planète, il marque la frontière entre le Pérou et la Bolivie. Les Boliviens sont leurs voisins, leurs frères, mais ils n’entretiennent pas de liens trop cordiaux.
Après la visite de la très belle cathédrale de Puno qui est un exemple clair d’architecture coloniale, et de l’église de la Sainte Candelaria, qui est la patronne de la ville, Revellino me parle de son pays. Il est d’une ethnie Aymara, qui a sa propre langue qu’ils utilisent encore, et qui était au Pérou et en Bolivie avant les Incas et les quechuas.
Les incas étaient implantés sur quatre pays, aux frontières actuelles, le Pérou, la Bolivie, l’Équateur, et l’Argentine.
En Bolivie il y avait 800 ans avant J.C, la culture et la langue Tiahuanaco qui a disparu pour laisser place aux nombreuses civilisations post Inca. ( Pucará , Rachi, Andahuaylillas ).
Revellino me dit que particulièrement dans la région du lac, les cérémonies catholiques sont toujours doublées et précédées par des cérémonies traditionnelles dans les maisons des concernés. On demande la permission à la Pacha Mama, mère terre et nourricière. Rien ne se fait sans son invocation et des offrandes. (cérémonies religieuses, construction de maison, achat de voiture, consultations médicales etc.…).
Il me dit aussi que les animaux sacrés, le condor, le puma et le serpent, sont invoqués et divinisés systématiquement. Revellino me conduit à présent dans une pharmacie, demande des pilules au nom inconnu en me disant de les prendre toutes les deux heures.
Je rencontre çà et là dans les rues de la ville des écrivains publics, avec leurs machines à écrire d’un autre âge. Ils sont une aide précieuse pour la population. Ils sont débordés par les nombreuses démarches en tout genre.
Toutes les maisons qui m’ont accueilli n’ont pas de chauffage … Les habitants vivent chaudement habillés à l’intérieur (chapeau, gants …).
La Coca, les pilules de Revellino et mon corps ont dû faire du bon boulot, car ma tête va mieux et mon moral également.
Le lendemain départ à 7 heures pour Cusco la capitale Inca. 450 kilomètres à parcourir en une dizaine d’heures, avec un guide qui sera chargé des huit personnes que nous sommes (1 Espagnol, 2 Mexicains, 3 portoricains, 1 Américain et moi) pour nous faire découvrir en langue espagnole la route du soleil et ses nombreuses particularités. La route tutoie l’Altiplano, le haut plateau Péruvien qui est la plus haute région habitée au monde après le plateau Tibétain.
Premier arrêt pour visiter la région de Pukara qui est un véritable musée à ciel ouvert. La présence de la Pacha Mama est partout. visite du lieu dédié au Dieu Ekeko, présent dans la région depuis 1 500 ans avant J.C. Les statuettes retrouvées représentent ce Dieu avec un proéminent pénis, représentant la fertilité, les différentes civilisations qui ont suivi dont les Incas et jusqu à nos jours l’ont transformé en Dieu de la prospérité.
Dans la région il y a eu également, les seigneuries Altiplaniques (période 1 100 à 1 400), qui ont profité de l’effondrement du peuple Tiahuanaco.
Nous poursuivons la route par le col de la Raya à 4 335 mètres, les pandas, les alpagas, nous entourent, les gens des villages sont totalement différents des régions déjà traversées. Peau très brune, les yeux en amandes, les cheveux noirs brillants noués en nattes sous un chapeau rond. Leurs habits sont colorés. Les femmes portent toutes sur leurs dos une grande besace de toutes les couleurs.
La route du soleil, nous mène à présent sur un site très bien conservé, le site du temple Wiracocha, des Raqchi, qui a été construit par l’Inca Wiracocha en l’honneur du Dieu supérieur invisible du peuple Andin ApuKon Titi Wiracocha.
Le site est bien conservé et bien entretenu. 112 habitations circulaires toutes reliées entre elles par un mur de pierre, afin que les bonnes énergies restent et que les mauvaises ne rentrent pas…
Le temple central est divisée en sas, relié par des portes basses, chaque salle est réservée à différents niveaux hiérarchique, les grands prêtres avec les animaux divins, comme le condor, puis la salle des prêtres, et la salle des hommes de la noblesse, et enfin le peuple avec les animaux profanes. Les cérémonies complexes aux diverses offrandes mêlaient sûrement l’Inca, qui était le représentant des Dieux sur terre.
Un réseau de gestion des eaux, avec un grand bassin, un petit bassin, pour les différentes salles et ablutions, démontre la complexité des rites.
Dernière visite du jour sur la route du soleil, la merveilleuse Église Saint-Pierre et Saint-Paul d’Andahuaylillas à 30 kilomètres de Cusco.
Cette église est époustouflante, je n’ai jamais rien vu d’aussi beau, d’aussi riche, d’ostentatoire dans le sacré et le religieux. On surnomme cette église du XVIe siècle la Chapelle Sixtine de l’Amérique. Une demi-heure d’explications rapides avec un guide m’a juste appris que je devais me documenter sur cette église si je souhaitais en savoir plus.
Pas un centimètre carré de mur, de plafond, de fenêtres ou de portes n’est pas richement peint, sculpté, coloré à la feuille d’or 24 carats, avec des pigments rares de couleur. Des tableaux de grands maîtres de la renaissance des tentures gigantesques, des calices, des ostensoires géants d’or, d’argent et de pierres précieuses. Le service de sécurité ne nous quitte pas un seul instant et nous interdit de prendre des photos.
Le lendemain visite de la ville de Cusco, la ville Inca, avec la guide Karina. On commence par le site de Sacsayhuaman dédié au puma et à l’éclair. Ce site est avant tout un lieu de culte et de défense. D‘emblée on est saisi par l’architecture des murs faits d’immenses pierres mégalithiques du pur et unique style Incas. Des puzzles de pierre de plusieurs tonnes s’imbriquent les unes aux autres avec plusieurs angles de coupe et d’assemblage, le tout sans aucun liant. Ce type d’ouvrage questionne encore les architectes spécialisés.
On y trouve quatre types d’architecture distincte, tout comme quatre strates de la civilisation. La 1ère l’Inca, la 2ème la royale avec la famille directe de l’inca, la 3ème la noblesse et la 4ème le peuple.
La dynastie totale des incas à compté 14 incas de 1 200 à 1 532. Le 1er est Manqoqhapak et le 14ème est Atahualpa.
De 1200 à 1400, c’est l’expansion du territoire, à partir de 1400, c’est la période de l’Inca Pachacutec. En cette période tout s’accélère et tout s’améliore, en matière de politique, d’économie, d’architecture, d’agriculture etc… jusqu’en 1532, date de la colonisation Espagnole.
Le site comme la majeure partie de la ville de Cusco est sous la protection de L’UNESCO.
Nous continuons vers Tambomachay, lieu de villégiature et station thermale des Incas, et ensuite vers Puka Pukara, lieu militaire et de contrôle au carrefour de la Vallée Sacrée, des routes Machu Picchu, Cusco et le Sud de la région.
On retrouve toujours dans les constructions la symbolique animale du condor qui représente la divinité, celle du puma qui représente la force et celle du serpent qui représente la mort et l’au delà.
Puis nous visitons le site de Quenq, principal lieu sacré de momification des Incas. Il est très bien conservé, on découvre une étonnante grotte avec une table de pierre de momification, et une autre table pour les sacrifices d’animaux ainsi qu’un système de galeries de conservation. Les cérémonies étaient orchestrées et pilotées par les chamans en transe gavés de coca qui communiquaient avec les esprits et le soleil, les prêtres assuraient le lien entre les Chamans et l’Inca.
A présent visite du centre de Cusco et de ces 14 églises. Ces églises ont toutes été implantées en lieux et place des sites religieux Incas, ceci pour deux raisons d’après les chroniqueurs. La première pour supprimer la religion existante et la deuxième pour utiliser les énergies des sites qui avaient été judicieusement choisit par les Incas.
Sur la magnifique place d’arme, ou le symbolisme architectural colonial est omniprésent, on trouve au nord la gigantesque Cathédrale de Cusco, on remarque le style renaissance au niveau de la façade et de l’intérieur décorée de sculptures en cèdre et en aulne.
Au sud l’église de la Sainte famille, enfin en bas de la place le temple de la Compagnie de Jésus appartenant à l’ordre des Jésuites. Il y en a beaucoup d’autres qu’hélas je n’ai pas eu le temps de visiter.
Le centre de Cusco s’est édifié sur les fondations et les murs des constructions Incas. Les pierres qui ne purent être détruites ou déplacées étaient enduites de chaud puis peintes aux motifs et symbolismes Espagnols.
Puis vient enfin la visite de la merveille de Cusco, le Temple du soleil qui représentait le lieu le plus sacré de l’empire des Incas. Une ville dans la ville, malgré les destructions massives des espagnols, le temple, ou du moins tous les sous bassement sont bien conservés. Les différentes salles, portes, fenêtres, couloirs, allées et jardin nous immergent dans une machine à remonter le temps. Le lieu a été dès 1 532 investit par les évangélisateurs Dominicains, qui se sont efforcés de transformer le lieu et le Dieu.
Les Incas n étaient pas de grands guerriers, ni même de grands commerçants. Leur civilisation a été orientée vers le sacré, le Divin et le beau.
Les riches ressources minières nobles comme l’or, le cuivre, le platine, les diamants étaient exploitées pour les parures, les décorations et autres distinctions des différentes couches sociales. Quand les conquistadors sont arrivés, ils ont rapidement compris cela. Les valeurs d’échanges à deux poids, deux mesures, après les rapides combats d’annexion, ont pesé peu choses. Des vies contre beaucoup d’or. Le dernier empereur Inca Atawallpa, a voulu échanger sa vie contre de l’or et des trésors mais cela n’a pas suffit.
Mon agent local m’avait pris rendez-vous avec le pasteur Américo EzaIglesia de l’église évangélique de Maranatha. Le pasteur est responsable de l’intégration des jeunes arrivants et du catéchisme.
L’église est dans la lignée du protestantisme évangélique de Martin Luther. Elle est très bien
Implantée au Pérou et à Cusco depuis 43 ans. On compte dans la ville plus de 1200 membres sur plusieurs sites. La progression de leurs nombres de fidèles est en constante progression, comme sur tout le continent Sud Américain.
Cette église évangélique est sous l’influence d’une sorte d’animisme et d’histoire Inca, mais moins cependant que l’église catholique.
L’église fonctionne avec des cotisations libres mais fortement souhaitées de leurs fidèles. Ils ne reçoivent aucune aide de l’état, contrairement à l’église catholique.
La Cooptation des nouveaux membres se fait au travers de la famille, mais également par des discrètes interventions dans la rue ou au travers de conférence.
L’église, le temple où nous sommes reçus semble immense, des dizaines de personnes s’affairent à diverses tâches, des enfants jouent dans une cour, des adultes nettoient la salle principale, d’autres peignent des murs, une vraie ruche. Une église moderne, pas ostentatoire du tout, en total décalage de l’église catholique.
Une heure plus tard nous étions attendus dans la non moins active et puissante église Mormone de Cusco. La Iglesia de Jésuscristo de los Santos de los Ultimos Dias.
Nous sommes reçus par deux jeunes personnes en costume-cravate Elder Avert, un américain missionnaire de 20 ans et Elder Vasquez un Péruvien. Grille de sécurité, contrôle de notre identité, et après avoir obtenu leur confiance nous voilà reçus, dans une salle de conférence moderne de belle facture, écran vidéo, sono etc.… où il nous était interdit de prendre des photos.
Le jeune Américain, nous dit être missionnaire depuis 17 mois au Pérou. Il est de famille Mormone de Salt Lake City (la capitale mondiale des mormons). Ses parents, de confession Mormone, sont fiers de lui, leur fils a fait « le Job » et après cette mission de deux ans il va reprendre ses études de dentiste et continuer sa mission.
Les Mormons sont implantés au Pérou depuis 1920 et depuis 30 ans à Cusco. Je leur pose de nombreuses questions auxquelles, ils répondent sans retenue.
Les sacrements sont très importants et non négociable, baptême, communion, confirmation. Le mariage reste une union tellement sacrée que les mormons se marient souvent entre eux. L’Église est apostolique, ils ont un prophète qui est l’égal du pape chez les catholiques. Au Pérou segnior Obispo est le « chef » de cette église. Le Pérou compte 130 000 mormons, leur progression est constante.
17 millions de Mormons sont répartis sur la planète et Elder l’Américain s’empresse de me dire bientôt 18 Millions !
Les fidèles de l’église Mormone, se doivent de verser 10 % de leur salaire à l’église pour ceux qui le peuvent, les autres donnent selon leurs possibilités. La cooptation est obligatoire, en privé, ou en public, conférences etc…
Cette église me fait penser aux Témoins de Jéhovah. Ils suivent strictement les évangiles, qu’ils adaptent avec le livre sacré des Mormons. Elder s’empresse de m’en offrir un.
Nous échangeons nos coordonnées et tombons d’accord sur le fait que sans la foi et sans l’espérance l’homme va à sa perte. Puis la pratique d’une religion vient en deuxième temps en fonction de la vie de chacun.
On s’embrasse chaleureusement. Nous sommes fiers et heureux de cette rencontre et de ce partage. Ma guide et interprète Karin, souhaite leur faire également une accolade. D’un même geste les deux jeunes Mormons se retirent et disent d une même voix, « cela nous est interdit d’embrasser une autre femme, que la nôtre… »
Le programme de la fin du voyage est en plein chamboulement. Le train funiculaire qui doit nous mener au Machu Picchu est à l’arrêt et bloqué par une grève surprise des employés de la compagnie, pour des questions économiques et financières. Chaos dans la presse locale et européenne, car des touristes sont bloqués sur le site. Mon agent me téléphone et me dit que la visite de la citadelle Inca est compromise. Stupéfaction et incompréhension de ma part. Arriver si près de la merveille Inca et abandonner ! C’était impensable !
Mon agent me propose une alternative avec visite d’un centre chamanique dans un temple privé sur un autre site. Je refuse. Après une partie de la nuit à téléphoner à des guides, des voituriers privés etc… On échafaude un plan B, compliqué mais avec une chance d’aboutir.
Contourner la montagne, les vallées, soit 14 heures de voiture aller retour, dormir dans un refuge et terminer par un trek de 12 heures de marche aller-retour, soit une cinquantaine de kilomètres en pleine forêt amazonienne avec le sac à dos. Je dis Go.
Départ le lendemain matin à 5 heures de Cusco, direction le col de Abra Malaga à 4350 mètres. Au col se trouve une petite église magnifique. La deuxième église la plus haute au monde. Halte, bougies, photos en plein froid glacial et direction vers le Pérou Amazonien pour retrouver une chaleur caniculaire.
L’église la plus haute du monde se trouve pas très loin du col Abra Malaga, elle est occupée par des missionnaires de Huascaran, du même nom que le glacier culminant à 5200 mètres.
On passe la ville de Santa Maria, puis Santa Theresa, puis on roule sur une route sinueuse et dangereuse, dans un canyon impressionnant, ou fut tourné un épisode de l’émission de télévision « les routes les plus dangereuses du monde ».
Je remarque de façon régulière, des croix et des stèles sur la roche, indiquant sans aucun doute des accidents mortels. Nous arrivons enfin, après 6 heures de route au terminus, un barrage hydroélectrique. Notre chauffeur nous indique que nous sommes arrivés à destination, à présent la suite du parcours pour arriver au Machu Picchu se fera à pied ! Il nous dit bonne chance et bon camino, car la pluie commençait à tomber.
Nous parcourons sous la pluie qui tombe sans discontinuer et en 2 heures 30 les 11 kilomètres qui vont nous mener au village de Acquas Calientes. Notre gîte avait été réservé par l’agence. Malgré mes habits de pluie, ponchos etc… je passe deux heures avec un sèche- cheveux à sécher mes vêtements et à mettre de l’ordre dans mes affaires, car demain nous avons à faire 10 kilomètres à pied avec un dénivelé important.
Nous espérions aussi que les manifestants n’allaient pas bloquer les accès piétons.
On nous informait que la Ministre de la Culture venait de quitter Lima pour tenter de trouver des réponses à cette crise majeure. Les milliers de visiteurs venants du monde entier ne pourront pas tous faire des heures de trek, surtout après avoir payé le train et les bus spéciaux.
Le lendemain debout à 4 heures, pour être en marche à 5 heures, avant que les manifestants ne bloquent également les marcheurs et les entrées du site. Cheking à 5 heures 30, la police sécurise l’entrée du site. Départ pour deux heures et plus d’ascension. Pas de chance il pleut comme hier. J’étais arrivé trempé, mes affaires avaient séché dans la nuit et à présent tout était encore mouillé.
Deux heures d’escaliers de pierre à gravir qui rendent l’ascension difficile, les uns après les autres sans état d’âme, dans la forêt Amazonienne Péruvienne. Les pierres sont glissantes, le chemin boueux. Mes habits de pluie me rendent étanche de l’extérieur, cependant le rythme de l’effort produit me fait transpirer abondamment. Résultat en moins d’une demi-heure, me revoilà mouillé. La guide Karin sportive aguerrie ne me lâche pas d’une semelle.
Après 2 heures d’efforts nous arrivons au premier cheik point du site.
Nous nous abritons sous un portique et je me change. Torse nu, je ne ressens même pas les trois ou quatre degrés qu’il doit faire. On se congratule avec la guide nous sommes envers et contre tout arrivés à bon port.
Nous avons bravé les manifestations, la pluie, les kilomètres, l’altitude, mais on y est enfin ! Karin qui connaît le site depuis 10 ans me dit n’avoir jamais réalisé un périple comme celui là. Petite ombre à notre périple, la météo, la pluie mais également le brouillard nous masque une partie du site et la vue panoramique, que l’on connaît du Macchu Picchu.
Je ne vais quand même pas faire le difficile maintenant que j’y suis avec la rage de vaincre les difficultés pour atteindre mon but.
Durant deux heures Karin, me dévoile les secrets du site. Temple du soleil, temple de la lune, cadran solaire, place sacrée, salle d astrologie, architecture sacrée, organisation de la vie de cette mini société éphémère qui ne sera restée qu’une centaine d’années sur le site. Karin me dit également qu’en raison de diverses dégradations dues à une pression touristique trop puissante, le site fermera progressivement l’accès aux public et qu’un jour il sera impossible de pénétrer dans la citadelle Inca.
La pluie se calme et nous décidons à regret de quitter le site. Nous réajustons nos tenues, nous nous changeons, enfin qu’il nous reste de sec à mettre et on entame le chemin du retour qui aurait pu sembler moins difficile, mais les efforts accumulés depuis deux jours commençaient à se faire sentir sérieusement et le retour fut tout aussi pénible. Il était néanmoins adouci par le mérite d’avoir réussi ce pari. Venir au Pérou et ne pas me rendre sur le site du Machu Picchu aurait été une déception immense dans mon voyage.
Le dernier jour était consacré à la visite de la Vallée Sacrée et les impressionnantes Salines de Maras.
Une nouvelle merveille des Incas qui, dans ce site, constitué de terrasses concentriques en amphithéâtre avaient créé une sorte de centre d’expérimentation agricole, qui ont donné au Perou actuellement plus de 300 variétés de pommes de terre, des dizaines de variétés de maïs, de quinoa, et bien d’autres plantes et fruits qui font du Pérou un exportateur mondial important.
Je découvre aussi des centaines de marais salants, fruits des travaux des incas qui n’était peut-être pas un peuple de guerrier, mais un peuple animé par la recherche, le beau, le sacré et la nature. Les espagnols ont compris rapidement cela et ont exploité leurs faiblesses pour les exterminer. Les Incas prennent aujourd’hui une sorte de revanche en attirant les foules du monde entier.
Pour conclure ce voyage reportage, je me dis que cette grande région d’Amérique Centrale, me fait penser au continent Africain.
Au-delà des grandes civilisations connues (incas/ aztèques/ mayas), jusqu’à l’arrivé des Espagnols au XVe siècle, il y a eu des centaines de micro-civilisations, d’ethnies, de multiples langues différentes, des centaines de Divinités qui se sont toutes imbriquées et enrichies au fur et à mesure de la grandeur et de la décadence de chacune d’elles. Cela en est de même pour l’Afrique.
Tous ces voyages dans ces divers pays sont évidemment bien différents, il me semble chaque fois de changer de planète, il y a cependant des forts points communs.
Au delà des fondamentaux anthropologiques et psychologiques, comme le besoin d’amour et le besoin de ne pas souffrir dont tout humain ressent, je note à chaque fois et pour chaque pays, la puissance du tout numérique, avec le téléphone ou plus exactement du smartphone que tout le monde (petits, grands, miséreux ou pas) possède et utilise à outrance.
Cela est couplé à un besoin de communiquer, de filmer, de recevoir, et d’émettre avec tout le monde. Cette addiction maladive que l’on appelle l’homme augmenté, ne nous augure peut-être pas autant de belles choses qu’ils nous apportent néanmoins. Une vrai prison numérique devenu indispensable. Cela m’impressionne, me questionne, car dans ce domaine tout le monde se ressemble.
J’ai remarqué une similitude commune à tous : quels que soient les pays et les continents, on retrouve le besoin compulsif de s’empiffrer en permanence, même dans les lieux les plus reculés, et quel que soit le milieu social, les pauvres comme les riches. Manger et boire en permanence des produits manufacturés en quantité, même à crédit, dont les publicités aiguisent les envies est une constatation navrante.
Les industriels et les lobbies marketing ont tout compris et cela les dépassent à présent. Big pharma n’arrive plus à stopper l’hémorragie. La nouvelle nourriture spirituelle new âge, pourri les âmes et les esprits, la nourriture empoisonne et difforme les corps sans oublier les conséquences au niveau de la santé : explosion d’hépatite, de cirrhose médicamenteuse, d’obésité etc.…Tout cela couronné par une production de déchets toxiques qui sont de véritables îles en mer et des montagnes sur terre. J’ai pu observer tout cela, hélas, quels que soient les pays, industrialisés ou pas.
Vous trouverez toutes les photos et vidéos-reportages de ce voyage au Pérou sur la plateforme internet :
Photos
Vidéos
Témoignage
Liban
De Gaulle avait dit lors de son voyage en 1946, « Je suis venu avec des idées simples dans un Orient compliqué … «. Je pense que depuis les choses ne se sont pas améliorées, c’est en pleine guerre et des tensions généralisées en Orient, que j’ai programmé mon voyage pour cet énigmatique et magnifique pays qu’est le Liban.
Depuis que j’ai entrepris ce tour du monde, je constate qu’une grande partie des pays de la planète sont en conflits armés. La guerre est revenue sur différents fronts, pour diverses raisons, en espérant que ces embrasements localisés ne déclenchent pas d’autres hostilités mondiales.
A nouveau devant le panneau des départs d’Orly, j’ai cette curieuse sensation de déjà vécu et pour cause… Effectivement après une petite halte à Bastia sans pratiquement défaire ma valise du Pérou, me voilà à nouveau dans les airs. Dans l’avion, le nez collé au hublot je vois défiler la terre sous mes yeux, curieuse sensation de petitesse, de fragilité, de grandeur et de rapidité.
Me voici arrivé à l’aéroport international de Beyrouth, le 17 février 2024 à 17h04. Je suis toujours émerveillé par ces changements rapides de continents, de pays, de mœurs, de météo … En fait un changement de monde, merci le progrès ! Je tiens à préciser à nouveau que tous ces voyages en avion ont eu un impact carbone maîtrisé par un programme de reforestation, avec notre partenaire voyagiste Evanéos.
En préambule et comme noté dans le chapitre recommandations pour tous mes récits de voyages, je précise que je ne peux en quelques pages narrer, avec exactitude et précision, les histoires économiques et spirituelles des pays traversés. Cela reste comme pour tous mes autres voyages, mon témoignage et mon ressenti vécus en une dizaine de jours avec toutefois des incomplétudes, mais avec honnêteté et sans prosélytisme.
La langue parlée au Liban est un arabe littéraire, d’origine Syriaque. Depuis son indépendance en 1943, mais également depuis fort longtemps dans son histoire originelle, le pays est secoué par des invasions, des guerres, des révolutions de tous ordres, des attentats, des massacres… Il faut noter néanmoins une accalmie dans les années 1970, où Beyrouth, avait la réputation d’être la Suisse de l’orient.
Le covid et les confinements mondiaux, ont continué de fragiliser une économie essentiellement axée sur le tourisme. L’inflation fiscale est exponentielle, (multipliée par dix en quelques années). Le cours de la livre Libanaise est suivi au jour le jour par des applications sur Smartphone, qui convertissent en temps réel les devises. Le dollar reste la monnaie refuge. L’argent liquide est également le moyen de transaction privilégié.
Le Liban après la guerre des six jours en 1967, puis en avril 1975 début d’un nouveau conflit où deux coalitions s’affrontent : le Front libanais (chrétien) et le Mouvement national (islamo-progressiste) jusqu’en 1990 est un pays exposé où tout peut basculer à tout moment.
Il ne faut pas oublier aussi le massacre des camps de réfugiés Palestiniens Sabra et Chatila en 1982. Les années qui suivirent furent perlées de conflits de tous ordres. Durant la guerre civile, la capitale libanaise a été divisée en deux parties avec : à l’est les musulmans et à l’ouest les Chrétiens. La ville a été séparée en deux par une importante butte de terre, ligne de démarcation qui au fil des ans s’est végétalisée et a été surnommée la ligne verte.
Durant ces années, les tirs et les exactions entre les deux parties rivales, ont été terribles et intenses.
Dans les années 1970 Yasser Arafat et des milliers de palestiniens ont investi une partie du Liban avec des réfugiés syriens, avec qui ils entretiennent des relations complexes. Les Israéliens à leur tour, sont arrivés par la force dans Beyrouth pour les chasser. Également durant toutes ces périodes, de nombreuses personnalités politiques ont été régulièrement assassinées pour des raisons compliquées, par des organisations complexes, mettant régulièrement ce pays véritable canevas de mosaïques religieuses, humaines, issues de milliers d’années avant notre ère, dans une situation précaire et explosive.
Cette démocratie est gérée, par un système compliqué de présidence multipartite, où siègent les communautés religieuses (Chrétiens, chites, sunnites, druzes …), cocktail, politico économique religieux en place depuis de fin de l’empire ottoman en 1922, véritable casse-tête électoral, pour les 5,5 millions de Libanais, qui résident dans ce pays, sans compter la forte immigration, notamment chez les jeunes.
Il y a également au Liban, environ deux millions de réfugiés syriens. Ils sont majoritairement sunnites. J’avais, lors de mon voyage en Jordanie, noté l’abondance de réfugiés Syriens dans le pays formant de véritables villes. Pourquoi ? Pour combien de temps ?
Les Maronites sont la plus grosse communauté chrétienne qui représente environ un tiers de la population, alors qu’il y a 40 ans elle était majoritaire. Il y a également une faible communauté bouddhiste et hindouiste qui travaille dur sans mot dire.
En 1820 les premiers protestants américains (évangélistes) sont arrivés pour convertir chrétiens et musulmans. Pour contrer cette « évangélisation américaine « et pour complexifier la situation entre les différentes religions, il y a eu en 1860 de grands massacres entres chrétiens et druzes suite à une division confessionnelle de la montagne du mont Liban. Je me demande comment la situation n’est pas davantage explosive, au vu de la complexité des parties en présence.
La population au Liban se partage entre deux grandes communautés : deux tiers de musulmans, (dont 30% sont Chiites) et un tiers de chrétiens. Une grande partie de chrétiens Maronites c’est expatriée à travers la planète.
La langue française est enseignée et parlée volontiers par les Libanais. Les Français pour diverses raisons ont bonne presse, notamment grâce à Louis XIII et Louis XIV qui ordonnèrent la protection des Maronites par les Chrétiens. De plus la France a régulièrement investi au Liban dans les infrastructures (routes, chemin de fer, réseaux …), cela à également favorisé le commerce de la soie entre autre. La langue de Shakespeare reste, comme de par le monde, la langue étrangère naturellement parlée.
Bordé par la mer méditerranée et traversé par deux chaînes de montagnes parallèles le Liban semble suspendu entre ciel et mer. Malgré sa petite superficie, ce pays qui se caractérise par son incroyable diversité bénéficie d’une situation géographique exceptionnelle dans la grande région du moyen Orient. Des montagnes qui culminent à plus de 3 000 mètres et de l’eau en abondance avec plusieurs fleuves, dont manquent cruellement leurs voisins (Syrie / Israël/Jordanie, etc.…).
Les Druzes occupent une place religieuse particulière. Ils ont un système de croyance basé sur une absence de temps, d’espace. Ils n’ont pas de lieu de prières spécifique car pour eux la prière, c’est tout le temps et en tous lieux. La communauté d’environ 300 000 membres est assez fermée, car on ne devient pas Druze au-delà que par le sang. La transmission religieuse se fait essentiellement par l’oralité.
J’ai été durant tout ce séjour accompagné d’Aline, énergique et merveilleuse guide, professeur et archéologue, pour qui le Liban n’a aucun secret. Notre voiture était pilotée par un étonnant et discret Charbel, que je n’oublierais pas non plus. Il se signait devant chaque monument et édifice religieux, il caressait en permanence sa petite croix scotchée sur le tableau de bord. Charbel me ramène à la petitesse de ma foi et pourtant la vie ne l’a pas épargné, sa femme à l’âge de 42 ans a été rappelé à Dieu le laissant avec ses six enfants.
Nous voilà partis vers Rachana pour la célébration dominicale en l’Église Saint Maroun, avec le Père Raymond Bassile (que j’avais rencontré en corse à Ajaccio, il était venu prêter main forte au diocèse de Corse). C’est grâce à lui que j’ai pu rencontrer notre guide Aline qui m’a concocté un programme exceptionnel. Nous fûmes d’ailleurs invités le lendemain, dans sa demeure pour boire un thé, et j’ai eu à nouveau la surprise de rencontrer le père Louis El Rahy, père Libanais qui officie en Corse depuis 17 ans, avec lequel nous échangeons occasionnellement dans l’île.
Durant l’homélie, j’ai eu droit en langue française, à des paroles de bienvenue pour mon passage au Liban, avec les félicitations pour mon engagement dans ce pèlerinage d’un genre particulier.
Tout comme en Arménie, il me semble que les églises, les décors et tous les attributs ecclésiastiques ont une coloration assez proche de certains rites orthodoxes (l’église catholique, Maronite est issue d’ailleurs du schisme d’Antioche et malgré la gouvernance papale sont sous la direction du patriarche d’Orient).
A la télévision, on apprend, qu’Israël a bombardé ce jour des positions du Hezbollah (le parti de Dieu) Libanais dans le Sud du pays, le bruit du canon cessera-t-il un jour ? Malgré cela la bonne nouvelle, la bonne parole, l’amour et la paix sont prêchés inlassablement… c’est
consternant.
Dans le rite de la messe Maronite, le prêtre donne la paix aux fidèles avant la communion. En Europe c’est le contraire. Les fidèles croyants (de toutes communautés) sont très assidus à leurs offices. Je pense que l’athéisme, l’agnosticisme et les autres courants wokistes, n’ont pas de tribune et encore moins d’adeptes, dans cette région du monde.
En France, en Europe le catholicisme ne se remettra pas du grand partage qui est en cours entre les différents courant spirituels et les diverses croyances. Le problème n’est pas qu’il n’y ait plus de croyance, le problème est que les gens croient de plus en plus en n’importe quoi et le besoin fondamental de spiritualité est enseigné par n’importe qui.
L’empereur Romain, Constantin a reconnu en 313 le christianisme comme religion.
Saint Maroun en 463, crée l’ordre des Maronites, qui débute avec l’annonce de la bonne nouvelle, avec l’histoire de la Cananéenne. Puis les apôtres sont venus suivis de Saint Pierre qui a fondé l’église d’Antioche qui était la capitale de l’Orient.
Les Maronites étaient des chrétiens des montagnes, qui ont su se protéger des différents envahisseurs et oppresseurs en s’isolant dans des endroits difficiles d’accès. L’évangélisation du Liban par les Maronites n’a pas été facile du fait des conquêtes et des invasions arabes, qui suivirent.
Les maronites reconnaissent, tout comme les catholiques, les deux natures du Christ, vrai Dieu et vrai homme.
Les Maronites constituent la plus importante communauté chrétienne au Liban.
Saint Jean Christophe, Saint Siméon le stylite, (stylite méditant sur les colonnes, et les cénobites dans les arbres) et d’autres moines sont venus également évangéliser dans la montagne du Liban.
On visite le Monastère de Sainte Rafqa et la tombe de la none du XIXe siècle, contemporaine de Saint Charbel.
S’ensuit la visite du Monastère St Cyprien et Justine de Kfifane. La journée se termine par un rendez-vous à l’Université catholique du Saint Esprit. Nous sommes reçus par le vice-président, doyen et chercheur d’histoire émérite, le professeur Karam Rizk.
Après avoir salué ma mission, mon voyage, il nous fait un exposé d’une demi-heure sur l’histoire religieuse du Liban et plus particulièrement sur l’histoire des chrétiens d’orient et de l’ordre Maronite. Malgré les talents de pédagogie du chercheur, je reste pantois, tant la complexité du sujet est grande.
Vers 1840 les jésuites et les sœurs Saint Vincent de Paul ont créé les premières universités Catholiques. J’apprends également que 30% des étudiants de cette université catholique, sont musulmans, les femmes peuvent également s’y rendre voilées… une incompréhension de plus pour l’occidental que je suis… En partant, le père Karam Rizh me dis « je vous vois comme un grand voyageur du 19eme siècle… ». En tout cas, je pense et ressens, que tous ces voyages me marginalisent un peu plus. A chaque voyage « Je prends dix ans de vie… ».
Le lendemain visite du Monastère Notre dame d’Ilige de Mayfouk. Siège patriarcal Maronite du Xème siècle, ou l’icône Maronite de la Sainte Vierge a été retrouvé. Visite sous la pluie qui a décuplé mes émotions provoquées par cet endroit chargé de symboles.
Puis visite de l’incroyable ville de Byblos, qui est la plus vieille ville du Liban et le berceau de notre alphabet. Comme toute la côte libanaise, Byblos a été un carrefour marchand important. Les marchands, Cananéens, Phéniciens, Romains, Grecs, on fait escale dans cette citée où les vestiges de chaque civilisation ont laissé des traces archéologiques misent aux jours régulièrement. Le charmant port de la cité est le plus ancien port navigable du monde !
Le jour suivant nous partons en direction du Nord, et la montagne à plus de 2000 mètres, ou je découvre soudainement la neige. Les premiers Maronites se sont réfugiés dans ces contrées montagneuses durant des siècles pour être protégés des envahisseurs et des marchands de la côte. Les grecs orthodoxes eux sont plus implantés dans les plaines du Nord.
Les Cheik Point routiers effectués par l’armée sont réguliers, ils contrôlent les différents districts du pays, afin de parer, ou se préparer au pire, qui est toujours présent.
Pour tenter de comprendre le moyen orient dans son ensemble il faut déjà regarder la géologie. Ou se trouve l’eau ? Ou se trouve la végétation ? Les forêts ?
Mon guide Aline me montre une carte du moyen Orient. Effectivement dans cette grande région on remarque, des zones de végétation » en vert « et des fleuves « en bleu ». La Mésopotamie, L’Irak etc…avec les fleuves de l’Euphrate et du Tigre, puis le Liban avec ses montagnes à plus de 3000 mètres et ses fleuves, comme le Litani, et enfin la vallée du Nil.
Autour de ces trois régions, se trouvent des immenses déserts de sable, de pierre et de rocailles, perlés de fleuves avec des débits moins importants. Le Jourdain, le lac de Tibériade, la Mer Morte etc. …. On peut donc aisément comprendre que les régions « vertes « ont été et sont toujours régulièrement convoitées, attaquées pour leur potentiel et leurs ressources en eau, le réchauffement planétaire faisant accentuer cette tendance, au cœur des conflits géopolitiques.
Les villages, les villes les routes les maisons sont colorés, décorés par des statues de Saints, de Saintes, de calvaires, de crucifix … Il n’y a pas de place pour l’athéisme, le vide ou l’animisme.
Une montagne, une vallée, encore une montagne, au loin les sommets enneigés et la vue de la mer au loin est quasi permanente. Effectivement la ressemblance avec la Corse, n’est pas injustifiée, mis à part évidemment la présence du cèdre, emblème du pays.
Comme je l’ai très souvent remarqué sur toute la planète, la gestion des poubelles et des ordures est une catastrophe. Les détritus sont partout, du rivage à la montagne. Témoins indélébiles des sociétés modernes consommant et rejetant toujours plus. Certains pays sont néanmoins plus impactés par ce phénomène inquiétant et insoluble apparemment.
Visite de Notre dame d’Eden construite en 763, la plus ancienne église Maronite du pays. Une rare église avec deux autels.
Au Liban, le mariage chrétien est uniquement célébré et enregistré à l’église, il n’y a donc pas de mariage civil, qui est censé éliminer le rôle de la loi des hommes…Il y a assez peu de divorces.
Le mariage musulman est civil (sans passage obligatoire par la mosquée).
En 1861 une grande partie des églises du Mont Liban (région qui entoure le grand Beyrouth) ont été détruites par les Ottomans avec le concours des Druzes.
Départ à présent vers Qozhaya et le monastère de saint Antoine le Grand. Grandiose monastère du IVe siècle, rénové au XIe. Après la visite de la magnifique église, dont une partie est carrément dans la roche, visite du musée et des multiples curiosités que ce monastère d’ermite regorge. Nous avons eu droit à un moment de grâce par la rencontre en privé avec l’ermite Youhanna Khawand, un sage de 88 ans empreint de paix et bonté.
Sa parole est rare car nous sommes en pleine période du carême. Il écoute néanmoins mon discours sur mon tour du monde de la foi. Il prend alors mes mains avec énergie, et les embrasse à deux reprises. Il me dit « Eternité, Eternité, il n’aura que cela … ». Aline viens vers nous à genoux et lui demande : » mon père, trois mots encore, dis-nous trois mots «. Tout en regardant le sol et après un court instant, qui m’a semblé être une éternité, il nous dit « L’eucharistie, la vie des Saints et la Vierge Marie «.
Quelle foi, quelle croyance, quelle spiritualité ! La totalité de mon livre et de mon voyage en une rencontre ! Merci mon Dieu.
Il me semble que la puissance de la foi et de la croyance des Libanais est immense. Leur foi est si grande qu’ils ne connaissent pas la peur. Pour eux la peur est synonyme du diable, alors que Dieu est confiance et amour. Cela me fait d’ailleurs penser que cette foi transposée aux guerriers, aux combattants devient une arme terrible et imbattable… (C’est ce qui se passe d’ailleurs dans certains conflits sur la planète).
La journée se termine par la visite d’un autre ermite âgé de 90 ans, le père Dario Escobar. Il vit seul dans l’Hermitage Mar Boula, mi-grotte, mi-habitation, sans eau courante, sans électricité et cela depuis 30 ans. La nourriture lui est apportée une fois par semaine. Après avoir cheminé sous des pins et gravis des centaines de marches nous voilà avec la guide sur un promontoire rocheux qui surplombe un canyon. J’ai pu filmer notre entretien qui est éloquent (voir www.letourdumondedelafoi.com). Le père à travers un discours rempli de bon sens et d’actualité, nous parle de la mort, de la vie, du rythme de sa journée, soit cinq heures de sommeil, trois heures de travail, dix heures de prières et six heures d’évangile et de liturgie.
Le soir je suis accueilli au sein d’une famille libanaise de quatre enfants de grande gentillesse et très pieuse qui suivait le carême de façon stricte. Prière obligatoire avant le repas, échanges chaleureux et touchants. J’y passais aussi la nuit. En partant Rafka, la maman me dit en m’embrassant » vous avez à présent une maison au Liban, c’est chez nous « !
Le lendemain visite du village natal de Saint Charbel à Beqaakafra. Saint Charbel est l’un des quatre grands saints du Liban, il est né en 1928, et jouit d’une très grande popularité, au Liban mais également dans le monde chrétien. On l’appelle le médecin du ciel. Depuis 1950, année de sa canonisation, ont été enregistrés par le service des miracles du monastère,
29 503 miracles.
Visite de la grotte de prière de St Charbel enfant, visite de sa modeste maison, de l’église de son baptême.
Le conflit armé généralisé en cours dans la région a eu au moins un effet positif, car durant tout le séjour nous n’avons rencontré que très peu de visiteurs étrangers, cela a accentué ce sentiment de paix et d’émotion à nos visites.
Avant de nous rendre sur le site d’Annaya, où se trouve le tombeau du Saint, nous prenons la direction de la plus haute église du Liban à 2080 mètres. L’Église de Saint Charbel, qui est pratiquement ensevelie par la neige et se trouve en contrebas d’une belle station de ski.
Nous faisons également une halte et un passage, par la magnifique forêt de cèdres de Dieu, véritable symbole du pays sous un soleil éclatant. Sacré, l’arbre est cité dans les textes fondateurs des trois grandes religions monothéistes.
Sur le site d’Annaya, nous commençons par la visite de l’église Saint Pierre, Saint Paul, qui jouxte le lieu de vie du grand Saint. Nous allons voir également sa cellule, où il rendit son dernier souffle terrestre.
Le soir nous nous rendons au très grand et magnifique monastère Saint Maroun, au sanctuaire Saint Charbel, canonisé par le Pape Paul VI en 1977. Visite des reliques, du cercueil, de la crypte, de l’église, où nous assistons au chapelet. Rencontre avec le Père Supérieur du site, puis rencontre et interview du père Matar, responsable des officialisations des miracles. Réception fraternelle pendant laquelle j’ai pu expliquer le but de mon voyage autour du monde. Pour nous remercier de notre halte dans son monastère, le Père nous offre des cadeaux (de l’huile bénie, des bougies, des reliques bénies, des documentations explicatives et le dernier livre de Paul Daher, sur Saint Charbel, « Un homme ivre de Dieu ».
Je me rendais enfin, épuisé après cette journée, dans la chambre de la résidence du monastère afin d’être au plus près du Saint. Ce retour au calme et un peu de repos, étaient les bienvenus car depuis mon arrivée les douleurs et les bourdonnements dans mes oreilles s’étaient accentués.
A l’écoute de mon histoire et du pourquoi de mon défi le père Matar me dit : « M. Meloni, vous avez eu également droit à un miracle, vous êtes en vie… malgré et envers toutes les péripéties et les tribulations de votre vie… ». J’acquiesce sans mot dire, je sais qu’il a raison !
Le lendemain est une journée importante, car nous sommes le 22, et chaque mois à cette date (date d’un célèbre miracle et de l’ordination du Saint Homme), des milliers de fidèles et de pèlerins du Liban et de la planète affluent sur le site juché à 1200 m d’altitude.
La procession part de l’ermitage Saint Charbel, pour arriver au manoir où se trouve sa dépouille et son manoir. Deux kilomètres de marche en suivant le Saint Sacrement. Pieds nus pour certains, en pleurs pour d’autres, des jeunes, des vieux, tous récitent le chapelet et des prières. Une communion et des moments forts en plein centre de l’Orient, que je ne peux évidemment pas traduire fidèlement en quelques phrases.
Sur le parcours on peut voir des citations sur des panneaux. Une m’interpelle « si tu ne peux pas écouter mon silence tu ne peux pas entendre mes mots «.
Le reste de la journée est rythmée par des messes, des rosaires, qui unissent petits et grands, malades et valides dans une ferveur aussi mystérieuse que puissante, sous le soleil d’orient, qui m’enivre en ce mois de Février.
Après un footing matinal à jeun qui me dynamise, je retourne sur la place centrale du site. J’attends Aline, et le programme du jour, qui me mènera vers d’autres cathédrales, naturelles cette fois, les grottes de Jeita de Jounieh, joyaux, merveilles et miracles de la nature, qui semble avoir toujours un temps d’avance sur les hommes. J’étais loin de me douter de la splendeur de ce site. Plusieurs kilomètres de long, plusieurs dizaines de mètres de haut, des galeries de calcaire impressionnantes, où stalactites et stalagmites géantes rivalisent de beauté en créant des formes étranges. L’éclairage judicieusement installé confère à la grotte une ambiance encore plus mystérieuse, on dirait le décor d’un film, pourtant c’est bien l’œuvre de la nature. Les grottes de Jeita, ont challengé pour le concours des plus belles beautés naturelles au monde.
Direction à présent, vers un autre site religieux incontournable du pays, le Sanctuaire notre Dame du Liban, qui surplombe Beyrouth à plus de 650 mètres d’altitude. Site construit en 1904, qui respire le calme et la paix. La très belle basilique aux lignes futuristes avec une baie vitrée géante construite en 1971, rivalise de beauté avec la très grande statue de la vierge Marie. Sur le site on trouve d’autres belles églises et chapelles, dont le sanctuaire qui abrite le Saint sacrement. Se croisent également chrétiens et musulmans qui viennent prier la vierge Marie.
Je remarque au bout de quelques jours qu’il y’a plus de liens entre les libanais et les musulmans qu’entre les libanais et les israéliens, avec qui ils auraient des liens historiques religieux plus proches, avec l’ancien testament notamment. Aline me fait remarquer qu’elle n’a aucun problème avec le Judaïsme, cependant avec les Israéliens c’est autres chose…Ou quand la géopolitique prend le pas sur le spirituel.
Le nom de Marie, (Maryam pour les musulmans) est cité 34 fois dans le Coran. Jésus y est également cité comme un prophète.
En 1950 a été créé au Liban, le comité de dialogue Islamo Chrétien, afin de solidifier leurs points communs et déconstruire leurs points divergents.
Le 25 mars est un jour férié au Liban, les chrétiens y célèbrent l’Annonciation et les Musulmans, fêtent Marie.
A quelques centaines de mètres de Notre Dame du Liban, on trouve la magnifique Basilique Saint Paul, église orthodoxe grecque catholique, qui rivalise de beauté avec notre Dame du Liban. Ces magnifiques sanctuaires, sont visibles à des kilomètres à la ronde. Une trop rapide visite de Saint Paul me permet de visiter, en solitaire, l’intérieur de cette Basilique dont la richesse et la beauté de la décoration est stupéfiante.
Des millions de minuscules mosaïques d’Italie recouvrent tout l’intérieur en retraçant l’ancien et le nouveau testament, sous forme de fresques géantes. C’est un joyau d’art byzantin.
La visite de ce site est rapide car à 17 heures, j’ai l’honneur et la grâce d’être reçu par sa Béatitude le Patriarche Béchara El Raii, grand Patriarche d’Antioche et du grand Orient. Pour les néophytes c’est « le pape « du proche Orient, ou plus exactement le Cardinal du proche Orient, qui est en lien direct avec le pape François. Il préside le Synode des évêques d’Orient.
Le patriarche, me reçoit avec des égards qui me surprennent et me rappellent mon entretien au Vatican avec le pape François en 2021.
Sa béatitude Béchara El Raii connaît la Corse pour l’avoir visitée, il me site le nom de ses amis Évêques qui ont pratiqué leurs ministères dans l’île. J’ai donc pris la parole afin de lui présenter et expliquer le but de mon voyage au Liban et le sens de mon voyage autour du monde des religions, des croyances et de la foi. Après quelques secondes de surprise et de silence, sa Béatitude a acquiescé ma démarche et mon chemin de foi. Béchara El Raii, homme de paix, de culture et de foi en a sûrement vu d’autres dans ses ministères successifs. Sa Béatitude nous fait à présent un résumé historique de l’histoire des chrétiens d’Orient, des chrétiens Maronites depuis Saint Maroun, moine chrétien Syriaque du Ve siècle, qui est à l’origine de l’Ordre Maronite. J’ai pu enregistrer la totalité de l’interview (voir le site www.letourdumondedemafoi.com).
Le lendemain direction Beyrouth Sud, et la région du Chouf. Contournement du port dévasté par l’accident « attentat « de 2020, qui a fait 300 morts, des milliers de blessés dont des centaines décéderons plus tard.
Visite du village Chrétien de Deir El Qatar, capitale des Émirs, ou a été construite la première mosquée de la montagne du Mont Liban. Visite du palais somptueux de Beiteddine du Chouf. Visite de l’église de notre Dame de la Colline, ou en 1860 il y a eu des centaines de fidèles tués et des prêtres par l’armée Ottomane. L’église a été brûlée. Je demande à Aline de modérer les visites des innombrables sites, religieux et historique. En effet ce pays est une succession de strates historiques, religieuses, marchandes, guerrières, une succession de rebondissement heureux et malheureux qui a façonné ce peuple dont le patriotisme, la résilience, et également le fatalisme ébranle l’occidental à la vie confortable dont je fais partie.
La région du Chouf est également le fief de la communauté Druzes, groupe ethno religieux professant la religion Ismaélite, proche de l’obédience musulmane Chiite.
Ils portent l’habit traditionnel journalier, pour les hommes, une sorte de petit bonnet, blanc ou noir, qui vient coiffer l’arrière du crâne et un pantalon sarouel noir, les femmes portent une longue jupe plissée, une longue chemise plissée et un foulard plissé également. La couleur de leurs vêtements doit être uniquement blanche ou noir.
Les femmes sont assez peut présentes à l’extérieur et quand elles le sont, elles ne peuvent parler si leurs maris est présent… … Etrange mœurs et coutumes à nouveaux pour le visiteur occidental que je suis.
Dans le Chouf, on trouve des palais d’Emirs, de fils d’Emirs, de Califes, de Sultans etc… un musée d’édifices les uns plus majestueux que les autres à ciel ouvert. La journée défile, je dis un peu désabusé à Aline : « je ne sais pas ce que je vais retenir de toutes ces merveilles et de toute cette riche histoire, qui se déroule à cent à l’heure sous mes yeux ? «
Aline me réponds : « tu auras à présent toujours un peu du Liban en toi et c’est le principal… ».
Ce voyage à travers 27 pays, de façon rapide, commence à dessiner des enseignements. Au-delà des pré-conclusions, que j’ai déjà évoquées sur le site www.letourdumondelafoi.com, aujourd’hui du sanctuaire de Saint Charbel, m’éclate cette réflexion : deux mondes disproportionnés se rencontrent de plus en plus, de plus en plus souvent et de plus en plus rapidement, à l’aide de la numérisation.
Le monde de l’argent et celui de la pauvreté, le monde de la beauté et celui de la laideur, le monde de l’amour et celui de la haine, le monde de l’intelligence artificielle et celui de la conscience humaine, enfin le monde virtuel et le monde réel. Ces deux mondes tentent de partager cette petite planète devenue de plus en plus réduite et pas dimensionnées pour les nécessaires espaces des humains, qui sont entre autres, le respect, le discernement, la patience, la bienveillance, et le temps nécessaire aux libertés individuelles et collectives. Les mondes se touchent se frictionnent, les étincelles sont de plus en plus nombreuses et présagent l’embrasement qui permettra peut-être le rééquilibrage, le renouveau et le meilleur. J’ai confiance et espoir en l’homme, qui s’est souvent remis des déluges, par contre de moins en moins dans cette société actuelle.
A la grâce de notre Dieu. Qui vivra verra !
A 9heures je me rends à la messe dominicale, en l’église Catholique Saint Jean Marc de Byblos, je souhaitais me rendre à l‘office de l’église Orthodoxe de Sayedat al Najat voisine, mais elle était comble…. L’église Catholique l’est tout autant mais elle est beaucoup plus grande et je peux me réfugier dans une crypte et suivre l’office dans une langue inconnue. Cela ne me gêne pas trop car malgré le rite oriental, les messes catholiques du monde entier se ressemblent.
Puis direction Beyrouth, (qui veut dire mille puits) mais pas seulement. Ici toutes les communautés religieuses se croisent au quotidien. La ville moderne côtoie l’ancienne, les vestiges des civilisations passées sont partout. Phéniciens, Grecs, Romains, Ottomans…
La richesse croise également (comme sur toute la planète) la pauvreté, cependant, je ne remarque pas de mendiants ou autres signes flagrants de « misère », il fait beau et les rayons de soleil animent une frénésie humaine d’un dimanche ordinaire dans un moyen Orient extraordinaire.
Visite de la Place des Martyrs et de la Mosquée Sunnite Mohamed al Amine construite par l’ex-Premier Ministre Libanais, Rafiq Hariri en 2007 où reposent son créateur et les sept autres personnes tuées lors d’un attentat le 14 février 2005. On me laisse le privilège assez rare de la visiter. Ses